K comme Almanach

Les petits livres de Marie-Jeanne Urech ne sont pas très faciles d’accès et pourtant, ils méritent qu’on rame un peu dans cette écriture désarçonnante. Ne pas abandonner, dirait Simon le lampiste, le premier à éclairer la nuit.

De sa fenêtre, Simon ne voyait ni mer ni lac, mais une colline rabotée, lyophilisée à grands frais afin d'y construire une muraille et un complexe hôtelier. La muraille pour décourager les étrangers et le complexe hôtelier pour en accueillir d'autres.
K comme Almanach de Marie-Jeanne Urech

Car de l’abandon, il y en a partout dans ce K. Tout le monde fuit pour Belgador. Ne restera bientôt que la mauvaise herbe dans une ville fantôme, le lampiste et un enfant abandonné recueilli, bon gré, mal gré ?

Une fable absurde sur une humanité qui s’est perdue, abandonnée

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Bientôt la navette à destination de Belgador s'arracherait de terre. Une foule sans bagages se massait devant l'aérogare. Seuls les souvenirs, en lambeaux ou confettis, étaient autorisés. Il fallait voyager léger pour tout quitter. Marchait sur le trottoir opposé Simon le lampiste, premier à éclairer la nuit.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La ville se vide de ses habitants. Tous se pressent quotidiennement dans les navettes vers Belgador, nouvel Eden aux vertes prairies promises, planète lointaine dont on ignore tout. Face à l'exode, Simon le lampiste est déterminé à rester quoi qu'il en coûte. En plus de son métier, il s'improvise pêcheur, jardinier et travailleur social dans une ville s'effondrant sur elle- même, envahie par la jungle et le désert. Au Lacmer, il recueille le petit, un perdu-retrouvé, recraché par les flots, traumatisé et muet. Simon apprend alors à être pédagogue, et à transmettre ce qui lui est cher : le travail bien fait, l'entretien du monde, le soin aux autres et le langage. Mais peut-on véritablement habiter un monde seul à deux ?

Après Malax (2016) et la Terre tremblante (2018), Marie-Jeanne Urech continue son exploration des désenchantements contemporains sous la forme de fables explorant nos fragilités, nos forces et sensibilités

Faut pas prendre les cons pour des gens, tome 4

Après un tome trois qui m’avait vraiment laissé sur ma faim (mais peut-être étais-je mal luné ce jour-là), voilà un brillant quatrième opus.

Faut pas prendre les cons pour des gens, tome 4 de Emmanuel Reuzé, Jorge Bernstein et Vincent Haudiquet

On y retrouve tout ce qui a fait le génie (si, si) des premiers albums, une vision de notre société tout aussi absurde qu’elle peut l’être.

Nous sommes fous ! Merci de nous l’avoir démontré !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je voudrais une baguette, s'il vous plait.
Ça fera 10 euros, Madame.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Vu le prix de l'électricité, les pauvres ont-ils encore les moyens de s'électrocuter ? Comment s'opérer tout seul de l'appendicite grâce à Internet ? Peut-on trouver un travail fictif à mi-temps ? Où trouver le temps de faire un burn-out quand on est débordé ?

Emmanuel Reuzé revient avec un tome 4 encore plus grinçant qui maltraite la bêtise ordinaire de notre société.

Une série qui soigne l'indignation par le rire !

Bartleby le scribe : une histoire de Wall Street

Je ressors un peu mal à l’aise avec cette bande dessinée. Certes, la nouvelle de Melville est malaisante et cette gène est fort bien rendue ici. C’est parfait.

Bartleby le scribe : une histoire de Wall Street de Jose Luis Munuera, couleurs de Sedyas de Herman Melville

Mais c’est plutôt les images qui m’ont dérouté. Car si les fonds, la ville, les murs, les bureaux et tous les décors sont très léchés avec un ressenti d’aquarelles magnifiques, les personnages de premier plan sont par contre plutôt décevants… comme si d’autres mains avaient effectué le travail.

C’est donc un peu mitigé que je ressors de cet album qui m’avait marqué alors que je le feuilletais. Bartleby, un album sympa aux seconds plans éblouissants !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La plupart des hommes servent l'état non pas en tant qu'humains...
...Mais comme des machines avec leur corps.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Wall Street, à New York. Le jeune Bartleby est engagé dans une étude notariale pour copier des actes juridiques. Consciencieux et efficace, il abat un travail colossal sans jamais se plaindre.
Pourtant, un jour, son supérieur lui confie un travail qu’il décline. Désormais, Bartleby cessera non seulement d’obéir aux ordres, mais il refusera aussi de quitter les lieux...
José Luis Munuera (Merlin, Fraternity...) s’empare de la nouvelle d’Herman Melville dans une adaptation magistrale, proposant une réflexion stimulante sur l’obéissance et la résistance passive.

Malax

Que raconte Malax ? Eh bien, ce n’est peut-être pas le plus important à savoir dans ce petit livre. Pour faire court, l’inspecteur Jean enquête sur une mort suspecte.

 - Tu ne regardes pas le film ? s'étonne Juliette.
 - Je n'aime pas le sang.
 - Ce n'est pas handicapant pour un inspecteur ?
 - Je connais un jardinier sujet au rhume des foins, un boulanger allergique à la farine et un ingénieur affligé de dyscalculie. Le pont n'est tombé, le pain est croustillant et le jardin en fleurs.
 - Je n'ai dit que tu faisais mal ton travail. Seulement que tu dois parfois souffrir.
 - Pas tellement. Les gens sont de plus en plus propres. Ils préfèrent une mort aux médicaments plutôt qu'aux armes. Peut-être parce que les médicaments sont remboursés par l'assurance.
Malax de Marie-Jeanne Urech

Mais savoir ça ne permet guère de comprendre ce qui vous arrive en lisant cette histoire surréaliste et absurde.

 - Pensez-vous qu'il se soit suicidé en apprenant son licenciement ? lui demande le supérieur.
 - On ne sait pas encore s'il a été licencié. Dans l'affirmative, pourquoi aurait-il souri avant de mourir ?
 – Parfois, c'est un tel soulagement de quitter le monde du travail, lâche le supérieur en frottant nerveusement sa médaille.
 - On aurait trouvé des traces de cyanure dans sa bouche ou tout au moins une odeur de médicaments, objecte l'inspecteur Jean.
 - Vous oubliez le trou dans le bras. Il s'est peut-être administré une substance dans les toilettes du Bâtiment des Forces Générales.
 - Souhaitez-vous que je passe les toilettes au peigne fin ?

Bienvenue dans un monde où rien n’est à sa place, comme un rêve sous acide après avoir lu 1984 à la sauce Brazil de Terry Gilliam. Tout semble normal mais rien ne l’est. Tout semble fonctionner mais rien ne marche. Tout le monde semble sensé mais rien n’est logique… Une balade sous surveillance, hallucinée et hilarante, dans une nonsense City

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sourire aux lèvres, un homme s'écroule sur la chaussée, mort. Dans ses poches, un billet de dix francs, une clé, un stylo, un roman de gare, un dé à coudre, mais pas d'identité. Le temps presse. Bientôt, il faudra retirer le corps du frigo pour y placer la dinde de Noël de la Brigade. L'inspecteur Jean ne négligera aucune piste pour offrir une sépulture à celui que la science nommera Pierre comme ces squelettes préhistoriques que l'on rend humain d'un simple prénom.
Une enquête urbaine, labyrinthique, hasardeuse et qui de façon improbable aboutit. Un univers noir, sombre, enté de rares couleurs chaudes, une narration froide qui rapidement gagnent notre sympathie, nous retiennent. Des personnages lointains, insolites, hésitants, affairés à des affaires absurdes et auxquels on s'attache

Dictionn’hair Alterna’tif : astuces et autres polysémies à la con

Après l’Abécéd’hair Approxima’tif, le Penseur Étoile continue en solo avec un deuxième nom de salon de coiffure.

Dictionn’hair Alterna’tif : astuces et autres polysémies à la con de Penseur Étoile

Jeux de mots débiles, calembours à deux balles, blagounettes à malice… Tout est délicieusement génial, drôle, enfantin, cocasse, surprenant ou débile

Un plaisir à chaque page, un émerveillement capilaire, un gâteau de chupa-chups, Noël deux jours trop tôt !

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
120 jeux de mots cocasses illustrés d'images détournées

Moon River

Les bandes dessinées de Fabcaro sont impossibles à résumer, histoires de bites sur la joue, de western, d’Hollywood, de sciatique, de meules de foin, de gamins honteux…

Moon River de Fabcaro 2

Et au milieu de tout ça, des pépites de nos petits travers contemporains disséqués et passés à la moulinette du ridicule

Jouissif et délirant

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Hollywood, années 1950. Toute l'Amérique est en émoi face au crime odieux dont la célèbre actrice Betty Pennyway vient d'être victime. Hernie Baxter, un inspecteur aux méthodes peu orthodoxes, est chargé de mener l'enquête

La salle de bain

Décidément, l’humour est une substance curieuse qui touche certains sans même effleurer d’autres.

La salle de bain de Jean-Philippe Toussaint

Chef-d’oeuvre ou divagations inutiles, je ne sais pas. Mais tout cela n’est pas pour moi

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Lorsque j'ai commencé à passer mes après-midi dans la salle de bain, je ne comptais pas m'y installer ; non, je coulais là des heures agréables, méditant dans la baignoire avec le sentiment de pertinence miraculeuse que procure la pensée qu'il n'est nul besoin d'exprimer.

Une exception, une merveille : l'éclosion d'un écrivain inclassable et parfait. Jean-Philippe Toussaint, 28 ans, a écrit quelque chose qui n'est ni une chronique ni un roman, mais une histoire picaresque version compacte, un bric-à-brac d'émotions et de détails saugrenus, une sorte de miracle qui tient sur le ton et non pas sur l'histoire. Pour situer cet auteur minutieux, pince-sans-rire, on songe à Keaton, à quelque chose qui rôde entre Salinger, les nouvelles du New-Yorker, quelques récits du meilleur Kafka. C'est sensible, fin, intelligent, si peu roman-français-de-la-rentrée qu'on est éberlué de cette trouvaille. On prend un plaisir étonnant à ce livre au charme acide, constamment humoristique, qui procure des délectations secrètes

Vivons décomplexés

Dans la même ligne qu’un Fabcaro, Germain Huby observe ses contemporains dans toute leur petitesse et en rajoute quelques brouettes pour la caricature et l’absurde.

Vivons décomplexés de Germain Huby

C’est absolument jouissif et surréaliste. On y reconnait nos travers et grâce à l’amplification, on ose sourire en se disant bien que non, ce n’est quand même pas nous.

Difficile d’y coller des mots clés tant cette BD tire partout, avec quand-même cette « parole décomplexée » populiste clairement dans le viseur.

Brillant

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À une époque où la parole se libère parfois à l'extrême, Germain Huby laisse ses personnages s'exprimer sans fard dans un registre absurde qui lui permet de décortiquer nos comportements.

Sexisme, racisme, harcèlement, posture pseudo-écolo, pandémie... tout y passe et en ressort décapé

Open Bar

Les BD de Fabcaro se reconnaissent vite : elle font rire !

Open Bar : 1re tournée de Fabcaro

Quelques cases, souvent très similaires qui provoquent une sidération heureuse, un questionnement basique, une interrogation sur le possible des choses et… en filigrane, une réflexion malaisante sur nos habitus sociaux… Ça se dit ça, habitus sociaux, ou c’est pléonastique ?

Open Bar : 2e tournée de Fabcaro

Un peu inégal avec des perles diamantifères !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
1re tournée
Y a un bébé éléphant dans ma salade...

2.
Mmh, c'est très bon...
Mince, sans faire exprès, elle s'est mis une cuisse de poulet sur la tête en coupant son poulet...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une bande dessinée qui tourne en dérision certains travers humains et sociaux, comme les mécanismes de la séduction, les réunions de copropriété, le langage du marketing, les stages de développement personnel, le racisme, les trottinettes électriques, les embouteillages des vacances, les grèves ou encore la location d'appartements

Zaï zaï zaï zaï

Il a oublié sa carte de fidélité du magasin parce qu’il a changé de pantalons

Zaï zaï zaï zaï de Fabcaro

Et c’est la fuite, la cavale, une course poursuite, la police, les médias, les rencontres… tout se succède dans un road movie incompréhensiblement jouissif.

Un chef d’oeuvre aussi ahurissant que la société qu’il décrit… la notre !

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
N'ayant pu présenter sa carte de fidélité au supermarché, un auteur de bandes dessinées est confronté à un vigile avec qui il a une altercation. Il s'enfuit et sa traque provoque une réaction en chaîne