Les bracelets d’amour

Avec humour et tendresse, Emmanuelle Pol explore les relations parents-enfants, la maternité et le corps. Mères et filles se dévoilent ici, tendres, parfois ridicules, attentives ou dépassées. Et les pères ne sont pas forcément très loin.

Ballottant jusque sur son ventre, deux mamelles larges et plates aux aréoles brunes s'étalaient comme des besaces vides. Françoise se tourna vers Juliette.
 - J'en peux plus, j'y vais aussi.
Un peu gênée, elle se leva, marcha jusqu'à l'évier. C'est elle qui se sentait ridicule maintenant, avec son ventre concave, son bas de bikini rose et ses seins refaits, absurdes obus plantés sur son torse maigre. Un blanc de poulet, ricana-t-elle intérieurement. Un blanc de poulet aux hormones.
Les bracelets d’amour de Emmanuelle Pol

Neuf nouvelles autour de cette relation, c’est autant de portraits dressés avec plein d’humour, comme neuf sucreries aux parfums acidulés

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Un cri perçant déchire l'air. La mère a détaché le nourrisson de ses bras pour le déposer dans son relax : ce n'est visiblement pas du goût de l'enfant, qui manifeste sa colère par des vagissements stridents dont l'intensité va crescendo. On peut voir son minuscule visage crispé de fureur virer à l'écarlate, les traits déformés par la violence de ses pleurs, les sourcils gonflés au-dessus de ses yeux exorbités, les narines frémissant de colère impuissante et la bouche ouverte comme un four, large trou noir où la langue oscille en suspension au rythme de l'air expulsé.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La maternité n'est pas une mince affaire.

Emmanuelle Pol s'amuse à en explorer les marges, les franges sombres, à travers neuf histoires qui rendent compte de la complexité de ces étranges relations qui unissent parents et enfants, pour le meilleur ou pour le pire. Ici, pas de tendres portraits de famille, mais une exploration au scalpel des liens du sang.

Grâce à une écriture incisive et une subtile ironie, Emmanuelle Pol maltraite avec intelligence bon nombre de clichés autour de l'enfance et de la filiation

Les caractères

Quelle déception, zut ! Alors qu’il y a tellement de talent !

Cette reprise mot-à-mot des vidéos que je regardais sur Insta n’apporte rien. Rien que le texte. Pourtant, les originales bénéficient de la voix, de l’image, du ton, des filtres image et son qui donnent toute la puissance à ses créations. Ici, elles semblent amputées, démembrées et seule ma mémoire m’a permis de reconstruire ces petites saynètes (au demeurant excellentes).

Sinon, bombombombom, plus léger ! Je vais avoir un cabernet franc. C'est un vieux cépage ligérien avec un beau travail de fermentation malolactique, une vinification en foudre qui est vraiment hyper intéressante... Franchement les mecs sont hyper bons quoi et les cuvées sont de plus en plus complexes au fil des ans. Moi je partirais là-dessus surtout si vous avez un peu envie de faire la différence ce soir, quoi, clairement. Surtout si vous accompagnez avec un petit chèvre type Chavignol, là devient ça carrément joueur. 
Vous savez ce que vous allez manger ce soir? 
Des Tuc? 
Ouais, ouais, ouais, ça s'y prête carrément, carrément, why not...
Les caractères de Lison Daniel

Alors, oui, si vous êtes rétifs à toute sorte de réseaux sociaux, que vous ne tolérez que l’écrit… pourquoi pas. Cela peut être une archive intéressante face à la volatilité du web. Mais alors, tentez a minima de jeter une oreille sur France-Inter, vous serez, j’en suis sûr, absolument conquis.

Chère Lison Daniel, re-zut, c’est un peu gâché ici.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Gaëtan
(un cours de théâtre)
Ok, merci, ça suffit, on arrête le massacre. Attends, Maxence, reconvoque-toi s'il te plaît.
« Je demeurrrais longtemps errrrrant dans Césarrrrée »... Y'a rien qui t'interroge sur la rythmique ? Ceux qui ont suivi le module Racine avec moi, rien? Ouiii merci ! « Je demeurais / longtemps / errant / dans Césarée » : 4/2/2/4, merci Samia, je commençais à avoir peur là, sincèrement.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Isabelle, grande bourgeoise confinée à Saint-Lu, appelle ses enfants pour se plaindre de Xav’, son mari, entre deux chapitres de La recherche. Franck, caviste intègre et sans filtre, refuse de vendre un Saint-Emilion à un client qui voulait « impressionner beau-papa ». Mélanie, cagole du Midi, alpague des touristes parisiennes qui ont eu le malheur de s’installer sur son banc. Et qu’adviendra-t-il des amours d’Adélaïde et Livio, son épicier italien ?
Tous ces personnages sont écrits, pensés et joués par Lison Daniel sur sa page Instagram « Les caractères », qui connaît un immense succès lors du premier confinement. Chacun a son vocabulaire, sa diction et son histoire qu’on suit de sketch en sketch. On rit aux éclats devant ces archétypes, on s’attache à eux et, parfois, on s’y reconnaît. L’humour moqueur de Lison Daniel est plein d’une tendresse qui n’est pas sans rappeler Riad Sattouf et La vie secrète des jeunes.
Follement douée, elle fait vivre dans ce recueil ses douze protagonistes phares et frappe par la justesse sociologique de son regard. Tout semble plus vrai que nature. Plus qu’une satire, c’est un portrait vif et ludique de la France d’aujourd’hui qui se dessine en creux : une France fragmentée de la diversité régionale, culturelle et sociale. Un livre à mettre entre toutes les mains

Le café suspendu

A la manière des impressionnistes, Amanda Sthers présente un tableau de Naples par petites touches de couleurs.

« C'est pour ça que j'écris sur Naples vous comprenez, pour me débarrasser d'une chose de moi-même, pouvoir commencer une vie neuve.
 — Et vous en ferez quoi ?
 — C'est une bonne question. Je pense que je ne le saurai qu'une fois le roman écrit. Je suis encombrée de trop d'histoires pour le moment. C'est comme si j'étais hantée, et que mes fantômes se servaient de moi pour finir leur tâche.
Le café suspendu de Amanda Sthers

Installé dans un café, un écrivain raconte ses souvenirs. Sept histoires qui font parler la vie napolitaine, les ruelles, la Camorra, l’amour, les petits métiers, le bruit, la ville, la mer, le bagout, la petite noblesse déchue, les femmes fatales, l’âme de Naples et les parfums du café.

Un livre un peu décousu avec une représentation qui m’a semblé très authentique de cette ville incroyable

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Si vous fermez les yeux, vous entendrez les linges qui dansent au vent comme autant d'étendards, les mâts clinquants des bateaux, les voix qui rient ou crient au loin, la mer Tyrrhénienne qui s'en va et revient, quelques Vespa agiles, et tout ce chœur improvisé vous dira qu'un chemin est gravé sous les semelles de ceux qui foulent les pavés napolitains.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Lorsqu'on commande un café à Naples, on peut en régler un second indiqué sur l'ardoise du bar comme un café sospeso : un café suspendu, offert à qui entrera sans avoir les moyens d'en payer une tasse. Voici un récit fait de sept histoires que j'ai recueillies par bribes au café Nube pendant les quarante dernières années, toutes sont liées par ce fil invisible. »
Un Français, installé à Naples après une déception amoureuse, vit au-dessus d'un café où il passe une grande partie de son temps. Il y observe la ronde envoûtante de clients qui se croisent ou se manquent, se cachent ou se cherchent, s'aiment et se quittent. Le lecteur voit ainsi se tisser des histoires pleines d'humanité, de fantaisie, de mystères, de croyances et de légendes. Toutes nous rappellent le sens du partage et de la générosité.

Le talent de conteuse d'Amanda Sthers fait merveille, alliant grâce poétique, peinture des sentiments et évocation d'une ville à l'atmosphère unique

Les messieurs

Amusantes, ces nouvelles. Enfin, pas vraiment des nouvelles en fait. Plutôt des introductions, des présentations sur des « couples » avec des grandes différences d’âge. Elles sont très jeunes et eux, beaucoup moins.

Les messieurs de Claire Castillon

Ils sont souvent pathétiques, veules, fuyants, excités, culpabilisés, frimeurs ou complexés. Elles sont naïves ou intrigantes, sincères, manipulatrices, gaies ou désabusées… parfois tous le sont tout en même temps.

Des textes un peu courts pour apporter une réflexion, des coup d’oeil amusés

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«Corse en pendentif, santiags bleues et Mazda à toit ouvrant, à midi, Jean-Lou, lunettes noires, classe absolue, m'attendra devant le collège.»

Lycéennes effrontées ou fiancées romantiques, les jeunes filles de Claire Castillon ont un trait commun : les hommes dont elles tombent amoureuses sont plus âgés, voire bien plus âgés qu'elles. Sont-elles intrigantes ou ingénues ? Naïves ou rouées ? Les deux, sans doute. Mais ne nous y trompons pas : la cible que visent ces 21 nouvelles, ce sont avant tout ces «messieurs». Leur légèreté est pathétique. Leur veulerie, inébranlable. À quelques exceptions près.
Suite de variations sur un thème classique, Les Messieurs sont autant de contes cruels, de brèves comédies. S'y dessinent les intermittences du désir masculin et les espoirs déçus des filles. Des histoires d'abandon, d'innocence et d'effroi comme seule en connaît l'adolescence, ce moment de fragilité extrême que Claire Castillon décrit admirablement

Kérozène

Curieux ce bouquin ! Au début, difficile de savoir où il va…

Kérozène de Adeline Dieudonné

Et à la fin, difficile de savoir où on est allé dans ce livre sans unité de temps, de lieu ni même d’action… à peine un prétexte de station service

Pourtant, c’est réussi, comme une galerie de portraits tous plus étranges, flippants, intrigants et décalés. Adeline se dispense même d’une pseudo justification de fin avec une grande scène finale… Et à posteriori, cela ne manque même pas

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une station-service le long de l’autoroute, une nuit d’été. Sous la lumière crue des néons, dans les odeurs d’essence et d’asphalte, quelques tables en plastique jaune délavé.

23h12. Ils sont quinze à se croiser, si on compte le cheval et le cadavre planqué à l’arrière d’un gros Hummer noir. Une minute encore, et tout bascule…

Adeline Dieudonné se joue des codes avec une irrésistible audace. Kérozène est drôle comme une comédie, tendu comme un thriller, mordant comme le réel

Petit traité du lecteur : un libraire raconte ce que le vôtre pense (peut-être) tout bas

Shaun Bythell est libraire d’occasion en Écosse et voit passer toutes sortes de lecteurs… Ceux qui viennent acheter et ceux qui désirent vendre des livres. Plein d’humour il nous les détaille.

Petit traité du lecteur : un libraire raconte ce que le vôtre pense (peut-être) tout bas de Shaun Bythell

Car si chaque client est différent, leur libraire appartient au type des classificateurs. Et donc, à l’instar de Linné (mais avec beaucoup plus d’humour, ouf!), il nous propose ici sa classification des clients des librairies (qui ressemblent d’ailleurs fort à ceux des bibliothèques).

Et vous ? Quel client êtes-vous ?

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Quand on flâne entre les rayons, on oublie souvent que le libraire est là qui nous observe. Et quand l'un deux épingle nos bizarreries et nos manies d'une plume malicieuse, il peut en faire un joyeux jeu des sept familles, caustique et cocasse. Vous reconnaîtrez-vous dans un des lecteurs de ce savoureux recueil de portraits et d'anecdotes ?

Les femmes de

Le soir de réveillon, toutes ses femmes sont là, mais Vittorio ne vient pas

Les femmes de de Caterina Bonvicini

Le livre, donnant la voix à chacune, dresse des portraits teintés de jalousies et de rancœurs, de regrets et d’incompréhensions

Une construction sympa et bien menée qui, hélas tend à s’épuiser rapidement…

… pour un rebondissement final bienvenu mais qui m’a semblé un peu bricolé

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Milan. Le soir de Noël. La mère, la soeur, la femme, l'ex-femme, l'amante et les deux filles de Vittorio attendent en vain cet écrivain à la carrière déclinante. Une enquête pour disparition est ouverte. Au fil des mois, un nouvel équilibre vient régir les rapports entre ces femmes. Chacune des protagonistes narre son histoire avec l'absent

Déjeuner en paix

Chick-lit, pop-lit ou feel-good… difficile de coller une étiquette très claire sur ce portrait en miroir de deux femmes sur une terrasse. Deux femmes dont on suit les pensées, les envies, les frustrations, les bonheurs, les errances, les jalousies et les échecs…

Déjeuner en paix de Charlotte Gabris

C’est en tout cas absolument drôle, facile à lire et plus profond qu’une simple blagounette

Un brillant premier roman à la construction remarquable !

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Paris, une terrasse de café ensoleillée.

C'est l'heure du déjeuner, les gens font la queue. Les salades sont immangeables, une tasse de thé coûte huit euros, le personnel est abject. Mais les gens font la queue.

Une jeune provinciale est attablée, seule. À ses côtés, une Parisienne attend son amoureux qui tarde à la rejoindre.

Deux femmes qui n'ont a priori rien en commun. Si ce n'est que l'une et l'autre se regardent, se jaugent, se moquent.

Peut-on parler fort, ne jamais sourire, et porter un panier en osier avec autant d'assurance et d'aplomb ? se demande la première. Peut-on boire un verre de vin en trinquant... avec soi-même, et sembler heureuse malgré tout ? se demande la seconde.

Mais sont-elles si différentes ? Et qui sont-elles pour se juger si durement ?

Charlotte Gabris s'amuse ici de la rivalité féminine avec malice.

Et si nous essayions, nous aussi, de déjeuner en paix ?

Culottées : des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent

C’est drôle et envolé et ça parle de destins de femmes

Culottées : des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent de Pénélope Bagieu

Plus encore, ça parle de femmes qui ont pris leurs destins en main et se sont affranchies de leurs maris, du « qu’en-dira-t-on », de la pression sociale, des lois ou de leurs propres barrières

On retrouve la femme à barbe, une sirène, une créatrice de trolls, Joséphine Baker et… Quinze femmes qui ont inventé leurs destinées

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Clémentine Delait
Femme à barbe
1865 - 1939
Clémentine est une petite fille très costaude.
Voilà qui est bien commode, pour donner un coup de main à ses parents fermiers vosgiens.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Guerrière apache ou sirène hollywoodienne, gardienne de phare ou créatrice de trolls, gynécologue ou impératrice, les Culottées ont fait voler en éclats les préjugés.

Quinze portraits de femmes qui ont inventé leur destin

Les femelles

Pas fan absolu des nouvelles, la couv. m’a quand même bien branché et mes dernières lecture de Joyce Carol Oates (m’)ont achevé… de me convaincre.

Les femelles de Joyce Carol Oates
Les femelles de Joyce Carol Oates

Et je n’ai pas été déçu par ces femelles qui, par vengeance, sadisme, accident, démence ou opportunité passent à l’acte. Mais, comme pour toutes les nouvelles, il faut se contenter d’une brève accroche, d’un court développement et d’une fin rapide. En l’occurrence, souvent brutale…

A conseiller aux amateurs de cruauté amorale et aux fans d’histoires courtes qui n’ont pas peur de s’endormir au coté d’une femme.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Petite fille jalouse, prostituée précoce, vierge effarouchée, bourgeoise en mal de sexe ou infirmière dévouée, elles ont six, onze, vingt, trente-cinq ans et, à première vue, paraissent inoffensives. À ceci près qu'il vaut mieux ne pas laisser traîner un revolver, un couteau ou une seringue à leur portée. Car ce sont des tueuses, les (anti) héroïnes de ces neuf nouvelles dérangeantes, que Oates met en scène avec un sadisme d'une sournoise sobriété. Une savante économie de moyens qui explique sans doute la montée de tension que le lecteur ressent à chacune de ces pages où l'horreur s'installe tranquillement...