Crime impuni

Dans ce roman séparé en deux parties, Simenon explore les tourments d’un jeune étudiant, laid et sans moyens, confronté à un beau gosse riche à qui tout réussi. Un face à face où la rancœur et la jalousie s’installent et prennent de plus en plus de place jusqu’à un fatal dénouement.

- Mademoiselle Lola ! avait-elle fini par dire à voix basse. Faites attention. On voit tout. 
 - On voit quoi? 
 - Vous. 
Cela suffisait à faire éclater son rire de gorge. 
 - C'est mal ? 
 - Il y a des messieurs. 
Stan Malevitz ne paraissait pas entendre, mangeait en silence, comme d'habitude, le regard sur un livre ouvert à côté de son assiette. 
 - Cela les gêne ? questionna la grosse fille. 
 - A votre place, c'est moi que cela gênerait. 
 - Sur les plages de la mer Noire, garçons et filles se baignent nus et personne n'y trouve à redire. 
 - C'est dégoûtant. 
Mlle Lola s'était fâchée, de but en blanc, ce qui lui arrivait de temps en temps. Elle s'était levée et avait lancé en se dirigeant vers la porte : 
 - Ce sont vos pensées qui sont dégoûtantes !
Crime impuni de Georges Simenon
Et arrive la surprenante seconde partie, qui fait encore monter la tension.

Une construction assez géniale pour un roman dur finement mené mais plombé par un personnage central guère attachant

Le 80e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Des cris d'enfants éclatèrent dans la cour de l'école d'en face et Elie sut qu'il était dix heures moins le quart. Certaines fois, il lui arrivait d'attendre avec une impatience qui frisait le malaise ce déchirement brutal de l'air par les voix de deux cents gamins jaillissant des classes pour la récréation. On aurait juré que, chaque matin, quelques instants avant ce feu d'artifice sonore, le silence régnait plus profondément sur le quartier comme si celui-ci tout entier était dans l'attente.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
On meurt mieux en Amérique
Mme Lange, à Liège, loue des chambres garnies à des étudiants. Depuis trois ans, elle a parmi ses locataires un Polonais qui prépare son doctorat en sciences mathématiques, Elie, garçon studieux et pauvre. Michel Zograffi, un jeune Roumain, issu d'une famille aisée, vient prendre pension complète chez Mme Lange. Il essaie, en vain, d'obtenir l'amitié d'Elie et séduit la fille de Mme Lange, Louise. Elie surprend cette intimité...

Les volets verts

Il n’est pas vraiment vieux mais au top de sa célébrité. Il n’est pas vraiment malade, mais son médecin vient de lui dire que la machine est irrémédiablement usée. C’est un bourreau de travail mais franchement alcoolique. Homme à femmes, tyran à l’âme vide.

C’est le bout du chemin. Et maintenant ?

Consuelo avec son goût du péché.
Yvonne avec ses volets verts. (Il n'y avait pas de volets verts, à Antibes. Ils étaient bleus. Mais n'était-ce pas tout comme ?)
Juliette Cadot, elle, lui avait donné l'horreur de ce que les gens appellent la vertu.
Elles étaient toutes là et, puisque nos actes influent sur le destin d'autrui, il était évident qu'il en avait été ainsi pour ses actions à lui. Il plaiderait. Il demanderait pardon, en toute sincérité. Il n'avait jamais pensé que les mots qu'il prononçait, les gestes qu'il faisait - quelquefois pour le seul plaisir de remuer de l'air - étaient un peu comme les cailloux qu'on jette dans une mare et qui tracent des ronds toujours plus grands.
Les volets verts de Georges Simenon
La star se met à douter, à regretter, à chercher un sens et à prendre peur. Seul devant sa fin.

Mais la sauce ne prend pas vraiment, tout semble là, les anecdotes sonnent juste, mais ces volets verts peinent à s’ouvrir

Le 70e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C'était curieux : l'obscurité qui l'entourait n'était pas l'obscurité immobile, immatérielle, négative, à laquelle on est habitué. Elle lui rappelait plutôt l'obscurité presque palpable de certains de ses cauchemars d'enfant, une obscurité méchante qui, certaines nuits, l'attaquait par vagues ou essayait de l'étouffer.

- Vous pouvez vous détendre.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un fâcheux manque de discernement
Emile Maugin apprend du médecin qui l'examine qu'il n'a plus une longue espérance de vie devant lui. Il fait alors un retour sur lui-même : acteur comblé, il règne de manière tyrannique sur son entourage qui vit à ses dépens. Parvenu au faîte de la gloire, il aime à rappeler son enfance misérable dans le Marais vendéen...

Le haut mal

La tension de ce haut mal ne réside pas dans le suspense, le meurtrier (enfin, la tueuse) étant connue dès le début. Pourtant, ce roman noir de Simenon reste nauséabond d’un bout à l’autre. Sale dehors comme dedans.

Mme Pontreau alla dans le dernier grenier et choisit le plus profond des intervalles qui s'étaient creusés entre les poutres. Avant d'y mettre les dix billets, elle les entoura de papier qu'elle ficela avec un morceau de cordon rose pris à son jupon. 
La place de Nieul était toujours aussi nue. Les curieux, refoulés par les gendarmes, formaient un barrage à cent mètres de la maison grise. Parfois une auto passait sans s'arrêter devant chez Louis, en direction de Marsilly ou de La Rochelle. Le docteur était parti à Lauzière où il avait trois malades. 
On aurait pu croire qu'il allait geler, tant le ciel était blanc et toutes les couleurs crues dans l'air trop transparent. 
Un seul être traversait de temps en temps la place déserte. C'était la mère Naquet, avec son chapeau noir, son parapluie, qui marchait jusqu'à l'angle du chemin de la mer. Là, elle avançait un peu la tête pour voir sans être vue. Elle parlait toute seule. Elle battait en retraite, agitée, comme si elle eût voulu rentrer chez elle, mais bientôt elle faisait demi-tour et venait voir à nouveau.
Le haut mal de Georges Simenon
Dans une ferme mal tenue, la belle-mère tente de remettre de l’ordre en se débarrassant de son gendre incapable.

Un vrai Soulages, brillant de noirceur

Le 7e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le gamin poussa la porte et annonça, en regardant la femme de ménage qui, les mains sanglantes, vidait les lapins :
« La vache est morte. »
Son vif regard d'écureuil fouillait la cuisine, à la recherche d'un objet ou d'une idée, de quelque chose à faire, à dire ou à manger et il se balançait sur une jambe tandis que sa sœur, ronde et frisée comme une poupée, arrivait à son tour.
« Allez jouer, prononça Mme Pontreau avec impatience.
- La vache est morte !
- Je le sais.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Trois femmes traversent la place du village en direction de l'église. Depuis des années, on les voit toujours ensemble. On ne s'occupe plus d'elles, on ne leur parle plus. Impénétrable, la veuve Pontreau marche en tête, gantée et chapeautée. Sa fille Hermine la suit, invisible dans son tailleur gris. A son côté, la mère Naquet, laide et sale, avec son parapluie et ses souliers trop grands, a l'air de sortir d'un conte de fées.
Il y a longtemps que ce trio sinistre ne fait plus peur à personne. Depuis ces jours d'été tragiques à la ferme Pontreau où un homme atteint d'épilepsie – le haut mal –, faisait une chute mortelle. De cette mort et des drames qui s'ensuivirent, ces femmes murées dans leur silence détiennent le secret.

2060

Pour une dystopie apocalyptique, voilà un livre vraiment très court. Alors en plus, qu’il soit bien foutu, éco-féministe et même (au vu de l’actu étasunienne du début 2025) franchement visionnaire, relève de l’exploit !

Ne persistaient dans les rayonnages que des bibles, des pamphlets exaltés sur la nation et une poignée de romans épargnés par les autodafés du Régime. Elle aurait pu s'en douter. Elle avait elle-même participé aux grandes opérations de sauvetage des livres féministes de 2028. Avec Nour et les autres, elles avaient soustrait un exemplaire de chacun des livres interdits pour les classer dans la bibliothèque de sa maison du bord du fleuve. Elle savait que plus une ligne ne persistait qui propose la vision d'un monde différent de celle des fascistes qui venaient de prendre le pouvoir.
2060 de Lauren Bastide
Un très bon petit livre, trop vite lu, avec une bien sombre vision de notre avenir moutonnier.

Alors faisons la fête en attendant la FDM

L’extrême-droite avait pris le pouvoir en 2027 et ne l’avait jamais rendu.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
6h00
Lever
Elle n'a plus besoin de réveil. Chaque matin, ses paupières frémissent à l'aube. Elle reste au lit, fixe l'obscurité en essayant de rattraper des bribes de rêves où souvent elle doit fuir. L'hiver, elle met longtemps à s'extraire de sa chambre.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
22 juin 2060. Après des siècles à vivre comme si demain n’existait pas, l’humanité se prépare à une Fin du Monde, rebaptisée FDM comme pour conjurer l’inéluctable.

Durant son ultime journée, heure après heure, l’héroïne va revivre les combats féministes et écologistes qui ont rythmé sa vie.

Dans une ambiance à la fois mélancolique et poignante, qui évoque Charlotte Perkins Gilman ou Virginia Woolf, cette fiction trouve un équilibre subtil entre anticipation, littérature et politique.

Quand arrivent les chevaux

Marc Lavoine m’avait bien fait rire et beaucoup touché avec son homme qui ment, un livre sur son gros mytho de père, communiste aux multiples maîtresses. Je l’avais trouvé sincère et touchant.

Je lui ai dit: « Don, je vais la faire courte. Je sais pas si tout cela a un lien, mais c'est comme ça, ma mère que tu connais peut-être ou dont tu as entendu parler... bon, toujours est-il qu'elle t'aurait adoré. » 
Le cheval n'a rien répondu et c'était très bien comme ça. Je suis monté sur son dos, c'était déjà le matin, les autres étaient en selle et nous allions prendre le chemin du retour. Nous avons entamé le galop sur la glace du lac gelé. Don galopait seul. Je n'avais aucune prise, il suivait ses congénères sans même me calculer. Cette ignorance de sa part à mon égard me fit froid dans le dos, j'avais mal partout. 
J'ai tiré sur les rênes et l'ai sommé de s'arrêter. 
Stop !
Quand arrivent les chevaux de Marc Lavoine
Mais ici, peut-être parce que les émotions sont trop fortes, c’est avec une fiction qu’il a choisi de parler de sa mère, de son deuil. Et c’est drôle, touchant, chevaleresque, et plein d’un amour fantastique et surnaturel, fictionnellement très sincère.

Une magnifique lecture, avec une gestion des dialogues peut-être un peu… théâtrale

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Petit a
Avant de vous plonger dans la lecture du roman qui rend hommage à la femme merveilleuse que fut ma mère, que je remercie de l'héritage considérable qu'elle m'a laissé et que je ne cesse de découvrir tous les jours de ma vie, je voulais vous dire pourquoi j'ai écrit ce livre.

Je me sens responsable de sa mort.

Par manque de courage, je n'ai pas voulu la changer de clinique pour la remettre aux mains du docteur Francis Djian, qui lui avait déjà fait rebattre le cœur par deux fois. Et un peu plus pour être exact...

Vous voyez...

Je n'ai pas eu le cran. Je n'ai pas voulu faire le chieur, le malin. Je le regrette.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Mon p’tit rat, J’espère que toutes mes histoires ne te perturbent pas trop et que tu commences à sentir le passage de mon âme vers la tienne. Je m’y suis préparée. Je sais que, pour toi, c’est un choc, mais il faut calmer le jeu, c’est pas la fin du monde, bien au contraire. C’est un grand rendez-vous que nous avons, toi et moi, mon rat. Je dois tout mettre en ordre de mon côté, j’y suis presque. Mais toi, tu as des choses à faire, si tu veux bien me faire confiance. »

Dans un monde dont les repères s’effacent, où les identités se confondent, où le temps ne semble pas toujours s’écouler dans le même sens, un fils se tient au chevet de sa mère en train de vivre ses derniers jours. Est-ce parce qu’il ne se résigne pas à la disparition annoncée de cette femme merveilleuse et irremplaçable qu’il est dans cet état ? Elle aussi, de son côté, semble perdre la tête. Mais ce qui pourrait passer pour de la démence n’est-il pas plus simplement une manière de façonner le monde à sa guise ?

L’éthique de la terre : suivi de penser comme une montagne

Cette compilation de nombreux articles impressionne par sa pertinence et plus encore par l’époque à laquelle elle a été écrite ; L’éthique de la terre a été publiée en en 1933 ! Oui, cela fait bien longtemps que le signal d’alarme a été tiré.

Pour qu'une éthique puisse se développer, la solution est simple cessez d'envisager le bon usage de la terre comme un problème purement économique. Examinez chaque question à l'aune, non seulement de son opportunité économique, mais également de sa valeur éthique et esthétique. Une chose est bonne quand elle tend à préserver l'intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique, et mauvaise dans le cas contraire.
L’éthique de la terre : suivi de penser comme une montagne de Aldo Leopold
En plaidant pour une éthique de la terre, similaire à celle qui régit nos rapports humains ou avec les animaux, Aldo Leopold souligne l’importance vital, esthétique, culturel ou nourricier… de la terre sur laquelle nous vivons. Non, nous ne pouvons (pour notre propre survie et notre bien-être) en faire n’importe quoi. Il est essentiel de la préserver, ainsi que d’en conserver certaines zones intactes d’une dégradation humaine.

Certes, il s’agit ici de la parole d’un forestier du début du 20e siècle, et certains points de vues environnementaux ont probablement évolué, mais le fond de sa vision reste absolument actuel et se décline aisément pour l’entier du monde qui nous entoure

SOURCE DES TEXTES
Trois textes d’Aldo Leopold sont à l’origine de Land Ethic (L’éthique de la terre») : «The Conservation Ethic (Journal of Forestry, vol. 31, nº 6, octobre 1933, p. 633-643), «A Biotic View of Land » (Journal of Forestry, vol. 37, n° 9, septembre 1939, p. 727-730) et «The Ecological Conscience (conférence du 27 juin 1947 publiée dans le Bulletin of the Garden Club of America en septembre 1947, p. 45-53). Cet ensemble, ainsi que «Thinking Like a Mountain» (Penser comme une montagne»), écrit en avril 1944, «Good Oak» («Un bon chêne»), écrit en janvier 1948, «The Remnants» («Les vestiges»), «Conservation Esthetic» («Esthétique d’une protection de la nature »), publié dans Bird-Lore, vol. 40, nº 2, mars-avril 1938, «Wilderness As a Land Laboratory» («La nature sauvage, un laboratoire de la terre»), publié dans Living Wilderness, vol. 6, juillet 1941, ont ensuite été intégrés au recueil A Sand County Almanac. «Boomerangs» a été publié en avril 1918 dans The Pine Cone, journal officiel du New Mexico Game Protection Movement, où Leopold publia beaucoup entre 1915 et 1924. «The River of the Mother of God» («La Rivière de la mère de Dieu»), que la Yale Review avait refusé, date de décembre 1924 et «What Is Wilderness Area?» («Qu’est-ce qu’un espace naturel?») est extrait de «Wilderness As a Form of Land Use», publié en octobre 1925 dans le Journal of Land and Public Utility Economics (vol. 1, nº 4, p. 398-404).

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quand le divin Ulysse rentra de la guerre de Troie, il fit pendre une douzaine de jeunes esclaves qu'il soupçonnait de s'être mal conduites en son absence.
Il ne le faisait pas pour une question de morale. Ces filles lui appartenaient. Disposer de ses biens était alors, comme aujourd'hui, une affaire de convenance personnelle, non de moralité.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Prends garde à ce que tu laisses. »

Il y eut trois pionniers américains de la pensée écologique : l'ermite Henry David Thoreau, le voyageur John Muir et le forestier Aldo Leopold. On doit à ce dernier, que certains tiennent pour un géant littéraire et un prophète, les premières politiques de protection des espaces naturels, une réflexion inégalée sur la nature sauvage, et la conviction qu'il est possible à l'homme de développer une intelligence écologique. Car l'« éthique de la terre » est possible. Elle repose sur l'idée lumineuse de communauté et d'équilibre. Grâce à elle, nous pouvons tous apprendre à être heureux dans la nature. À la fois narrative et philosophique, l'écologie d'Aldo Leopold possède une force surprenante : elle pulvérise notre arrogance tout en nous chuchotant « l'opinion secrète » de la montagne à l'égard des loups.

Le printemps peut-être

C’est avec une écriture impressionniste que Léna Furlan nous raconte cette histoire. Avec des touches de couleurs et de lumières qui vues de trop près peuvent sembler erratiques mais qui finissent par donner un tableau très réussi lorsqu’on regarde l’ensemble.

Je me suis levée, j'ai mangé deux tranches de pain déjà sec. Je l'avais pourtant acheté la veille. 
Je me suis douchée, j'ai fait un masque pour les cheveux, j'ai oublié de chronométrer et j'ignore si je l'ai laissé trop ou pas assez long temps. Il sent l'amande et la vanille, ça m'écœure.
Le printemps peut-être de Léna Furlan
Une histoire de soeurs un peu fusionnelles et de leurs amours.

Des amours pas vraiment heureux… Et qui laissent des traces qui durent

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quand j'étais petite, je voyais beaucoup d'incendies au bord de l'autoroute.
Il y avait des maisons qui brûlaient. Des usines. Au milieu des champs.
J'appuyais mon front contre la vitre et je regardais la fumée noire s'échapper dans le ciel.
J'imaginais les sirènes des pompiers.
L'agitation.
Pourtant tout avait l'air immobile. Figé


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Le minuscule cahier est devenu réservoir. Et sous mes yeux, là, s’allonge ce qu’il y avait dans ma tête, sous ma poitrine, au fond de ma gorge. Les mots viennent seuls, je n’ai pas besoin d’y penser qu’ils sont déjà écrits. J’en ai presque peur, je ne peux plus m’arrêter. Toutes ces choses que je ne savais pas. Elles sont désormais là. Elles n’appartiennent pas à quelqu’un d’autre, ce sont les miennes. »

Dans une écriture d’ellipses et d’instantanés, où présent et souvenirs se mêlent et s’entrecroisent, Le printemps peut-être dévoile le lien intense entre deux soeurs et, en parallèle, une relation amoureuse où la violence s’insinue.

La valise noire

A l’occasion d’un voyage à Québec, la narratrice ressent une présence, des objets se déplacent. Et les souvenirs de Sélim au Caire affluent.

Souvenirs, présence, la réalité reste incertaine.

Quand je me réveille, la valise a bougé. Elle n'est plus debout à côté de l'armoire, là où je l'avais rangée mais au milieu de la pièce, face à la porte. Une bête furtive mais énergique, une souris, l'un de ces rongeurs qui affluent vers les immeubles de Montréal à l'approche de l'hiver, a dû la pousser là. Ou alors un esprit, celui qui déplace les objets d'un endroit à l'autre, celui qui les transfère ou les cache. L'esprit de la valise, peut-être - Sélim.
La valise noire de Maylis de Kerangal
Une nouvelle subtile, toute de dentelle tissée. Un peu trop légère pour moi qui n’ai pas vraiment croché, malgré un ouchebti tout à fait intéressant

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La nuit est tombée depuis longtemps sur l'Amérique du Nord. L'aérogare est dépeuplée. Les passagers sont rassemblés autour du carrousel à bagages, ils attendent, la plupart retiennent d'une main des chariots encore vides qui valsent au moindre choc, des annonces vocales multilingues diffusent des vœux de bienvenue mais la fatigue d'un vol long-courrier se fait sentir, on en a marre, on voudrait partir d'ici, arriver vraiment.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
L’instant d’après, dans la salle du petit-déjeuner de l’hôtel où je suis descendue, j’ouvre mon livre et une image tombe sur la table, une image que Sélim a visiblement oubliée entre ces pages, ou plutôt, maintenant que j’y pense, qu’il a laissée là à dessein : elle lui aura certainement servi de marque-pages.

La montagne entre nous

Après avoir trouvé le dessin un peu approximatif malgré des planches aux aquarelles très réussies, j’ai fini par me laisser emporter par cette bande dessinée très touchante. Histoires de vies qui se sont manquées, de secrets de famille un peu pourris, de la violence des hommes et de la force des femmes.

La montagne entre nous de Marcel Shorjian, dessins de Jeanne Sterkers
Une histoire – parfois un peu cliché – qui se passe au rythme des villages qui vieillissent, à l’heure où les morts qui s’en vont révèlent des secrets bien enfouis

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Dans quelques minutes, le train entrera en gare d'Entre-les-Monts.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
N’est-il jamais trop tard pour s’aimer ?

De leur village d’enfance niché dans la montagne, Marcia s’est échappée pour la grande ville. Pour une autre vie. Florence, elle, est restée, s’est mariée et a repris la boucherie familiale comme son père l’avait toujours espéré. Pourtant, à l’adolescence, lors leurs escapades secrètes dans la forêt loin des regards inquisiteurs des villageois, c’était Florence qui brillait par son désir d’évasion.

Pourquoi Marcia a laissé Florence derrière elle ? Pourquoi Florence ne l’a pas suivie ? Quand Marcia rentre dans son village natal après trente ans d’absence et de silence, les retrouvailles entre les deux femmes sont assombries par les non-dits et les regrets. Entre rapprochements timides et tension latente, les vraies raisons de leur séparation refont surface…

Les féministes t’encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir trans-pédé-gouine

Hé ben voilà qui est ébouriffant, mazette !

Misandrie ordinaire
Longtemps tu as aimé les mec-cis-het pour de mauvaises raisons. 
Peut-on être une féministe qui aime les hommes 
oui 
un temps 
Peut-on les estimer assez pour penser qu'ils puissent changer 
oui 
le temps de réaliser qu'en fait 
non.
Les féministes t’encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir trans-pédé-gouine de Alex Tamécylia
Dans cet essai poétique, Alex Tamécylia se lâche pour un petit livre rose absolument hors normes. Créatif autant que combatif, ce manifeste dégomme à-tout-va !Jouir sans entrave d'accord mais quand est-ce qu'on dort. Si tu tombes en amour de qui te fait jouir branle-toi beaucoup. Mieux vaut être ton amie que ton amant_e ça dure plus longtemps. 
Pas besoin du couple pour orgasmer et bouloter l'écran en pilou pilou tu gères ça solo le bonheur qui serait meilleur en commun pas d'accord en termes de mousse chocolat à l'ancienne une seule petite cuillère suffit. 
La joie est dans le calme des solitudes choisies. 
C'est quand il faut s'étaler la crème solaire au milieu du dos que ça devient dur le célibat.Et les mecs-hét-sys s’en prennent bien dans les… et avec eux, c’est toute la société et ses dysfonctionnements qui sont désignés, preuves et démonstrations à l’appui.

Génial et brutal !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Peut-être que c'est un cri. Mais le souffle qui le porte s'avère tellement puissant qu'il pulvérise autant qu'il galvanise. Une tendresse radicale, une ironie jouissive; le goût du vitriol et de la lucidité. Un cri capable de transmuter la colère en gestes qui déconstruisent et en éclats de rire. Articulant sa charge autant que ses réflexions dans une langue inventive, corrosive, poétique et frontale à la fois.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Un souffle tellement puissant qu’il pulvérise autant qu’il galvanise... Le goût du vitriol et de la lucidité. » Chloé Delaume

« Tu ne seras ni social justice guérillère ni caution féministe pour ligne budgétaire. »

alex~tamécylia a 37 ans. Autrice, poétexsse et performeureuse, ielle anime à Paris les ateliers d’écriture féministe Langue de Lutte dans divers lieux dont La Mutinerie et la librairie Violette and Co ; ielle a confié son manuscrit au nouvel attila par admiration pour Michelle Lapierre-Dallaire.