Réécriture de Escorte paru en 2010 (que j’avais lâché après quelques pages que j’avais alors trouvées un peu indigestes), on retrouve ici une femme [qui] regarde les hommes regarder les femmes comme l’écrivaient Siri Hustvedt ou Louise Chennevière dans Pour Britney… avec le désespoir en moins.
Mais toujours et encore, une femme, son corps, sa jeunesse… pour les hommes. Forcément impudique, évidement dérangeant, cette mécanique des désirs est pourtant très touchante par son intime sincérité.
Certes, on n’y retrouve pas le même sentiment d’oppression qu’avec Nelly Arcan, pas non plus l’exhibitionnisme autofictionnel d’Emma Becker… mais toujours cette ambiguïté dont parlait Nancy Huston, oscillant entre le désir de plaire et la souffrance de cette soumission – désirée autant que subie. Une autobiographie qui semble nous renvoyer à Schopenhauer et sa fameuse citation « La vie oscille, comme un pendule, de la souffrance à l’ennui ». Et comme seul l’art pourrait nous en sauver… Mélodie écrit. Et même fort bien !
Mais désormais mère ! Et la maternité n’efface pas la violence du désir…
J'ai toujours été un peu mélancolique, et cette tristesse s'incruste même quand je change de couleur de cheveux ou de vernis à ongles, même quand je me blottis contre un homme, comme une bête sauvage qui fait semblant d'être apprivoisée dans un lit, sous un arbre, au parc, dans l'espace restreint d'une banquette arrière, avec de la buée dans les fenêtres.
La mécanique des désirs transpose le regard lucide et distancié d'une femme devenue mère qui revisite son passé d'escorte. Ce récit littéraire parfois cru, révèle la froideur des hôtels du centre-ville, les secrets des maisons de la banlieue et les confidences entre amies sur les banquettes de la Belle Province. Sans fard, la narratrice évoque ses moments d'intimité avec les clients, les rencontres marquantes qui ont jalonné sa trajectoire, ainsi que ses relations avec ses proches. La mécanique des désirs, c'est aussi l'exploration de la nature profonde d'une femme, de sa sexualité, et au-delà du désir et des attentes jamais vraiment comblées, des décisions qui fabriquent une vie.