Les fantômes du chapelier

Dans ce roman très psychologique, Simenon s’intéresse à la folie d’un tueur en série, aux petits grains de sable qui dérèglent la routine, aux petites frustrations qui s’accumulent et à la réalité qui se brouille.

 - Pourquoi sept et pas huit?
 - Et pourquoi ma sœur, qui n'a jamais fait de mal à personne ?
 - Il n'aime peut-être pas les vieilles femmes, grasseya Chantreau.
M. Labbé le regarda curieusement, car la réflexion n'était pas si bête. Ce n'était pas tout à fait exact, mais ce n'était pas bête du tout.
 - Avez-vous remarqué, poursuivait Caillé, qu'elles sont toutes plus ou moins de notre âge ?
Alors Arnould, le gros Arnould, des sardines Arnould qui n'avait encore rien dit, d'intervenir :
 - Il y en a au moins deux avec qui j'ai couché et une que j'ai failli épouser.
Lambert prit la mouche.
 - Ma sœur?
 - Je ne parle pas de ta sœur.
Mais tout le monde savait que Mme Geoffroy-Lambert avait eu les cuisses hospitalières. Il est vrai que cela ne lui était venu que vers la quarantaine, après son veuvage, et qu'elle ne s'en prenait qu'aux très jeunes gens.
Les fantômes du chapelier de Georges Simenon
Un homme qui perd tous repères et qui sombre en emportant tout dans sa chute.

Un roman parfois confus ou répétitif et qui tourne en boucle, à l’image du meurtrier

Le 65e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
On était le 3 décembre et il pleuvait toujours. Le chiffre 3 se détachait, énorme, très noir, avec une sorte de gros ventre, sur le blanc cru du calendrier fixé à la droite de la caisse, contre la cloison en chêne sombre séparant le magasin de l'étalage. Il y avait exactement vingt jours, puisque cela avait eu lieu le 13 novembre - encore un 3 obèse sur le calendrier - que la première vieille femme avait été assassinée, près de l'église Saint-Sauveur, à quelques pas du canal.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Chaque soir au café des Colonnes, à La Rochelle, quelques notables, parmi lesquels le commissaire Pigeac et Monsieur Labbé, le chapelier, se retrouvent pour une partie de bridge.
En ce début d'hiver, on ne parle plus que des assassinats de femmes qui terrorisent la ville et défraient la chronique de L'Echo des Charentes... Comment les paisibles joueurs de cartes se douteraient-ils que le criminel est parmi eux ? Seul le petit tailleur Kachoudas, voisin du chapelier, a surpris la vérité. Il le paiera lui aussi de sa vie. Peinture de la vie de province, psychologie du meurtrier, monstruosités morales dissimulées sous des apparences respectables...

Le Coup de Vague

Je me suis souvent posé la question. Simenon était-il raciste, sexiste, antisémite… ? Difficile à dire. Mais en tout cas, c’est un formidable peintre de son époque qui elle l’était. Et donc, forcément, on y retrouve une société odieuse (comme ici), cupide, cynique… ou un langage et des comportements très dérangeant comme dans Le blanc à lunettes. Les peinture fidèles ne sont pas toujours les plus belles.

Et ici, tout est un peu sale, moche… Les secrets pourrissent tout et pourtant, on s’y accroche, et ça coûte cher… aux femmes d’abord.

C'est ainsi qu'ils étaient descendus tous les trois chez Nine, un café du bord de la route, où ils avaient continué à boire. Nine était une sorte de jument moustachue au langage encore plus cru que celui de Jourin, à l'érotisme débordant et vulgaire.
On l'avait saoulée. Puis, comme Jourin voulait la prendre devant les autres et qu'elle s'était débattue, on l'avait attachée sur le lit, les mains et les pieds aux quatre coins.
Jean était ivre aussi. Il avait fait comme les autres, mais c'était Jourin, encore, qui avait eu l'idée, à certain moment, de remplacer l'eau chaude par du vin rouge.
 - Tu te souviens?... Celle-ci, je crois bien qu'on n'aurait pas besoin de l'attacher...
Et Jean comprenait l'invite. L'autre n'était pas assez saoul pour se montrer plus catégorique, mais il n'y aurait eu qu'un signe à faire : ils seraient entrés tous les deux dans la chambre de derrière....
 - Faut que je m'en aille, dit-il.
Le Coup de Vague de Georges Simenon
Des vies tristes aux petits plaisirs gâchés par les compromissions.

Simenon peintre réaliste de la puanteur faisandée

Le 36e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il n'avait pas le moindre pressentiment. Si, au moment où il se levait et regardait par la fenêtre le ciel encore barbouillé de nuit, on lui avait annoncé qu'un événement capital marquerait pour lui cette journée, il n'aurait sans doute pas haussé les épaules, car il était volontiers crédule. Peut-être aurait-il pensé, en fixant le plancher de ses yeux gonflés de sommeil :
- Sûrement un accident de motocyclette !


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Jean a toujours vécu heureux avec ses deux tantes, dans son village de Marsilly, non loin de La Rochelle. Il aime son travail de bouchoteur, sa moto et une partie de billard de temps à autre ; la vie lui semble unie, simple, sans mystère. Mais un incident lui fera découvrir que le village n'est pas aussi serein qu'il le paraît et que ses tantes elles-mêmes cachent des secrets. On l'oblige à partir et, lorsqu'il revient, le village a repris son visage impassible. Curieuse sérénité...

Faudrait peut-être recadrer : petites pensées féministes dans un monde plutôt genré

Après une hideuse et merveilleuse (si, si) traduction de Guillaume Remuepoire et un génial livre féminirigolo, l’Indéprimeuse ne baissent pas les bras 😉 et remettent le couvert sur la table de monsieur pour un opus pas féminichiant du tout et pas que !

Faudrait peut-être recadrer : petites pensées féministes dans un monde plutôt genré de L’Indéprimeuse
Oui, le féminisme, c’est aussi rigolo, joyeux, festif, libéré et toujours : déterminé !

Un vrai bonheur qui réjouira même le tonton grognon au prochain repas de famille (… enfin, on peut toujours tenter)

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Jeune fille, je ne saisis pas tout de suite l'importance d'être féministe. Mes amis, camarades, amoureux, père et oncles, tous les hommes de mon entourage ne me veulent aucun mal, bien au contraire. Je vis dans un pays libre, j'ai la possibilité de faire des études et je reçois autant d'argent de poche que les garçons. L'égalité semble évidente.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Plongez dans l'univers poétique de L'Indéprimeuse, à travers plus de 130 aphorismes, fausses couvertures de livres et autres fantaisies - dont de nombreux inédits. Les soeurs Davina et Felicia Sammarcelli érigent le féminisme et la sororité en étendard dans des créations engagées, irrévérencieuses et terriblement drôles. L'Indéprimeuse croque aussi bien la typographie que notre société, met les points sur les I, les barres sur les T et le patriarcat au bûcher.

Ligne imaginaire

Des textes courts, des pensées, de Genève à Sydney, du printemps à l’hiver, du réveil à la sieste, du lever du jour à la nuit noire.

Ligne imaginaire de Marie Gaulis
Au rythme des saisons ou du paysage par la fenêtre du train, Marie Gaulis partage ses pensées et réflexions poétiques.

C’est doux, tendre et léger

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Sieste
Le sommeil de la sieste est dense, avec des remuements noirs tout au fond. Très rarement y passent des rêves. Sommeil immobile, sur le dos - dans un abandon, mains posées sur le livre qu'on lisait, qui ne ressemble en rien à l'installation dans le sommeil nocturne, auquel on se prépare avec tout un rituel.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tout au long de cette « Ligne imaginaire » défilent des images, des instantanés, moments de vie heureux, éphémères, à peine esquissés, ou comme entrevus au sortir d'une sieste délectable faite dans la touffeur de l'été, et, toujours, une présence au monde.

My Love

Une histoire d’amour, du printemps à l’hiver, des premiers bourgeons jusqu’à la confiture, de l’absolu à l’absolu.

My Love de Niki de Saint Phalle
C’est exubérant, chatoyant, poétique, naïf, coloré… C’est Niki

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Where shall we make love ?
On top of the sun ?
In a bed ?
In a field of flowers ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Artiste franco-américaine reconnue internationalement pour ses œuvres engagées et colorées, tour à tour plasticienne, peintre et sculptrice, Niki de Saint Phalle (1930-2002) s'est également consacrée à l'écriture et a publié plusieurs ouvrages autobiographiques illustrés. En 1971, elle entreprend de raconter l'histoire d'un amour, en mots et en dessins, sous la forme d'un livre-objet qui se déploie en accordéon. My Love, ce livre d'artiste, rare et longtemps introuvable, est ici reproduit à l'identique de l'édition originale, telle que Niki de Saint Phalle l'avait imaginée.

Galette au miel

Tout d’abord, c’est très beau ! Les illustrations de Kat Menschick sont magnifiques avec leurs tons en violet et jaune. Une grosse réussite graphique dans la lignée des précédentes nouvelles de Murakami.

Galette au miel de Haruki Murakami, illustrations de Kat Menschik
Et l’histoire n’est pas en reste ! Une nouvelle où se mêle conte, enfance et… une histoire d’amour à trois temps.Alors certes, le format court souffre peut-être de sa superficialité et Murakami ne semble pas toujours à son aise dans les scènes plus intimes, mais voilà un petit plaisir à goûter comme son titre nous y invite

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Masakichi avait pris tellement de miel qu'il ne pouvait pas tout manger, aussi en a-t-il mis dans un seau pour aller le vendre à la ville au pied de la montagne. L'ours Masakichi était un célèbre cueilleur de miel.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
- Je crois que c'est parce qu'elle a trop regardé les informations. Les images du tremblement de terre de Kobe sont sans doute trop impressionnantes pour une petite fille de quatre ans. Depuis le séisme, elle se réveille toutes les nuits. Elle dit que c'est un vilain monsieur qu'elle ne connaît pas qui vient la réveiller.

Elle l'appelle le « Bonhomme Tremblement de Terre ».

Quand la femme dont il est secrètement amoureux lui révèle que sa petite fille est en proie à un cauchemar récurrent, Junpei, auteur de nouvelles, invente l'histoire d'un ours mélomane capable d'apaiser toutes les peines...

Superbement illustrée, une histoire tout en délicatesse et mélancolie en forme d'hommage pudique du maître Murakami aux victimes du séisme de Kobe, et à ceux que leurs failles intérieures font parfois vaciller.

Produits dérivés : reverdies combinatoires

Certains livres échappent à toute note, évaluation, résumés ou peut-être même critique. Objets, livres ils sont porteurs d’une essence, une vibration, une onde poétique… ils peuvent être jugés bons ou très mauvais, il ne s’agira que d’un point de vue tellement éloigné de son objet qu’il en deviendra forcément ridicule.

Produits dérivés : reverdies combinatoires de Isabelle Sbrissa
Et à l’instar de Noces de Laurence Boissier que j’avais finalement renoncé à noter ou à trop en dire… Ici non plus, rien de trop n’en faut.

Mais si vous avez la chance de tomber sur ce petit objet graphico-économico-poétique, régalez-vous, c’est déroutant et musical

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Autrefois localisé en un lieu précis, le marché moderne devient diffus. Les échanges s'effectuent de plus en plus rarement dans un espace réel : l'ordinateur central d'un marché organisé, qui se conforme à des règles édictées par une bourse, ne correspond plus qu'à une place virtuelle, tandis que les transactions d'un marché de gré à gré, sans contrôle ni garantie externes, sont négociées sur des réseaux de télécommunication.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Trois reverdies combinatoires pour refaire la langue et le monde. Cette série transforme un texte issu du domaine financier par déplacement de mots, de syllabes ou de lettres, décompose le français de la spéculation financière, le mène à la musique sans tout à fait supprimer le sens, puis recompose une langue plus humaine, qui dit le partage des ressources et l'ouverture de la conscience.

Nani

Après avoir lu, voilà deux jours, Les sources de Marie-Hélène Lafon, je me suis retrouvé avec Nani dans les mains. Et quelle horreur de lire encore, et encore la même histoire. Un homme violent, une femme battue. Une fois dans une vallée en France, cette fois en Suisse.

Nani de Mélanie Richoz
La violence n’a pas de pays, mais encore et toujours le même sexe.

L’histoire des hommes violents. Une horreur

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Albina emmène Siara et Arben à l'école. Sur le trottoir, devant le grillage, elle s'agenouille et les enlace. Très fort. Elle resserre les bretelles de leur sac à dos et arrange le col de leur veste, un peu légère pour la saison. Au loin, les Vanils ont déjà enfilé leur capuchon blanc. Sur les joues rondes et rouges de ses enfants, Albina dépose un baiser sonore, puis plonge son nez à la racine de leurs cheveux. Elle ne sent rien. Depuis plusieurs années, la seule odeur perçue est celle, putride et âcre, de la peur.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Comme si chaque détail exige d’être
évoqué, revécu, pour se désagréger dans la
vase avec les cellules meurtries de ce corps.
Son corps.
Épuisé, souillé, appartenant plus à sa
progéniture et à son mari qu’à elle-même,
ce corps nourricier. Objet. Torture. Étranger.
Ce corps déjà mort. »

Nani, raconte l’histoire d’une jeune femme vendue par son frère à l’âge de quatorze ans à un mari violent.

Addictions

Il y a évidemment un petit air de Sempé ou de Voutch dans ces planches aux traits et à l’humour léger.

Addictions de Francois Ravard

Des dessins d’humour drôle (ne chipotons pas) avec de bons moments de sourires subtils et poétiques

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Oui, je trouve aussi ce spectacle absolument magnifique, Nathalie. Et d'ailleurs, cela me fait penser que j'ai oublié le rosé dans la voiture.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Nombreuses sont nos addictions, des plus douces aux plus terribles, des plaisirs coupables aux mauvaises habitudes...

Ravard se saisit de saynètes du quotidien pour rire de nos vices les plus tenaces, avec son cynisme et son regard narquois, et met son aquarelle au service d'une poésie délicieusement drôle.

Les sources

Quelle violence dans ce petit livre ! Alors que ces sources ne semblent que survoler la campagnes, tout le talent de Marie-Hélène Lafon nous embarque pudiquement dans un cauchemar rural, bien loin des yeux.

C'est un dimanche ordinaire dans la vie ordinaire et pas foutue des gens normaux qui n'ont pas peur tout le temps. Ces mots lui montent à la gorge, exactement dans cet ordre. Elle pense aussi aux deux fils de la Marissou. Elle s'appuie contre le buffet, elle se sent soulevée, elle a le vertige mais quand sa mère entre dans la salle à manger, elle commence à parler; elle parle ; ça ne dure pas longtemps parce qu'elle raconte le pire tout de suite, sans pleurer, elle montre aussi les bleus, les traces, sous la jupe; elle dit que là-haut elle ne peut rien empêcher, les enfants ont peur et elle a peur pour eux, main-tenant ils grandissent et comprennent tout, ils voient tout. Sa mère a refermé la porte et reste debout ; elles sont seules dans la salle à manger. Elle dit que c'est fini, qu'elle ne remontera pas, plus jamais.
Les sources de Marie-Hélène Lafon
Une histoire désespérante comme tant d’autre, d’une tristesse désolante. Une femme qui subit la violence dans une ferme isolée. Et trois enfants !

Un livre dans l’attente de la goutte qui fera déborder la source

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il dort sur le banc. Elle ne bouge pas, son corps est vissé sur la chaise, les filles et Gilles sont dans la cour. Ils sont sortis aussitôt après avoir mangé, ils savent qu'il ne faut pas faire de bruit quand il dort sur le banc. Claire a refermé derrière elle les deux portes, celle de la cuisine et celle du couloir. La table n'est pas débarrassée, elle s'en occupera plus tard, quand il aura fini la sieste.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La cour est vide. La maison est fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l'érable, mais elle n'entre pas dans la maison. Elle n'y entrera plus. Elle serait venue même sous la pluie, même si l'après-midi avait été battue de vent froid et mouillé comme c'est parfois le cas aux approches de la Toussaint, mais elle a de la chance ; elle pense exactement ça, qu'elle a de la chance avec la lumière d'octobre, la cour de la maison, l'érable, la balançoire, et le feulement de la Santoire qui monte jusqu'à elle dans l'air chaud et bleu. Années 1960. Isabelle, Claire et Gilles vivent dans la vallée de la Santoire, avec la mère et le père. La ferme est isolée de tous.