Agatha Christie, le chapitre disparu

En 1926, la mère de Agatha Christie meurt et son mari infidèle lui annonce son intention de divorcer. Elle disparaît alors durant une dizaine de jours. Disparition qu’elle n’expliquera jamais.

 « Bon sang, pourquoi ai-je fermé les yeux en lançant la voiture dans la pente », articulai-je. 
 « Puisque c'est comme ça, tant pis, c'est que je dois vivre ! » Je me souviens avoir prononcé cette phrase et je me rappelle également sur quel ton je l'ai émise.
Je me sentis soudain soulagée d'un immense poids, je ne mourrai pas aujourd'hui, ni demain, plus question de mettre fin à mes jours. À la seconde que je crus être la dernière de ma vie, je dois l'avouer, j'avais supplié à la voiture de stopper son allure, à ma mère de me sauver, « non, je ne veux pas mourir, Maman, Maman ». La peur avait été si grande.
Agatha Christie, le chapitre disparu de Brigitte Kernel

Brigitte Kernel s’empare de cette rocambolesque histoire et comble les vides de cette affaire dont toute l’Angleterre parla.

Leeds Mercury - Wednesday 15 December 1926
Leeds Mercury – Wednesday 15 December 1926

C’est drôle, pétillant et léger (un peu beaucoup, même), comme une enquête menée par la protagoniste de son propre rapt

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
The End.
Voilà, le livre est fini.
J'y ai posé le point final vers quinze heures.
Le titre : Une autobiographie. Il n'y a pas plus simple.
Juste au-dessus, en lettres capitales, mon nom, Agatha Christie.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Hiver 1926. Agatha Christie disparaît. L'Angleterre retient son souffle. Pourquoi et comment la reine du crime s'est-elle volatilisée dans la nature ? Qu'a-t-elle fait pendant onze jours ? Cette histoire vraie demeure comme une zone d'ombre dans la vie de la plus célèbre des romancières anglaises et personne encore n'est parvenue à élucider cette énigme.

Dans ce roman passionnant, Brigitte Kernel se glisse dans la peau d'Agatha Christie pour revenir sur cet épisode mystérieux, reconstituer l'étrange disparition, déterrer une sombre affaire de vengeance et même découvrir une histoire d'amour.

Maikan

Un livre comme un film d’horreur, mais en pire. Car tout cela a réellement existé. Et pire encore.

Quelques jours plus tard, quand les élèves se lèvent, personne ne remarque le lit vide. Personne ne note l'absence du numéro vingt. C'est en allant chercher du bois de chauffage, Charles qui, dans la remise. Elle se balance dans la pénombre Sa tête est bizarrement inclinée, ses yeux exorbités semblent fixer le mur de planches, comme si Jeanne avait tenté de voir au-delà.
Charles soulève le corps inerte. Il lui paraît étonnamment léger. Il retire délicatement la corde qui ceint le cou de Jeanne. Puis pose la jeune fille sur le sol. Charles secoue la dépouille déjà refroidie. Isolerait que Jeanne s'éveille, qu'elle a battre et yeux. Il aimerait que son cœur se remette à réchauffe sa poitrine. Mais Jeanne est déjà ailleurs. Son visage, purgé de sang, offre une blancheur qui en rappelle une autre à Charles et qui fait monter en lui une rage sourde et irrépressible.
Maikan de Michel Jean

Acculturation, viols, disparitions, violences systématiques et encore pire (oui, vraiment !), en témoignent les macabres découvertes des dernières années. Des crimes perpétrés par l’église et l’état, main dans la main.

Salle de classe du pensionnat de Fort George, 1939. Archives Deschâtelets-NDC, fonds Deschatelets, Z SS20 D15-3.
Salle de classe du pensionnat de Fort George, 1939. Archives Deschâtelets-NDC

Pourtant, Maikan, reste un beau livre sous la plume de Michel Jean, un très beau livre même grâce à l’humanité et la sensibilité de l’auteur de Kukum ou Atuk. Un livre qui persiste à croire en l’amour, la fraternité et la solidarité, même dans les pires moments

Note en fin d’ouvrage :
Le pensionnat catholique de Fort George a ouvert ses portes en 1936 et les a fermées seize ans plus tard, en 1952. On ne connaît pas avec certitude le nombre de pensionnats ayant existé au Canada. De la fin du XIX siècle à la fin du XX siècle, la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens en a répertorié cent trente-neuf, dont douze au Québec. Le dernier pensionnat a fermé ses portes en 1996, en Saskatchewan.
Cent cinquante mille enfants autochtones ont fréquenté ces établissements. Plus de quatre mille y sont morts. Les conditions de vie difficiles qui prévalaient dans les pensionnats sont le plus souvent attribuables au financement insuffisant du gouvernement canadien. Elles ont entraîné des problèmes sanitaires, un régime alimentaire inadéquat et un manque de vêtements et de médicaments pour les enfants sur place.
La situation est devenue si inquiétante qu’au début du XX siècle le médecin et directeur de la santé du ministère des Affaires indiennes, Peter H. Bryce, a sonné l’alarme et a rédigé pour ses supérieurs de nombreux rapports qui indiquaient que les Autochtones du Canada risquaient d’être décimés, par la tuberculose notamment. Le gouvernement canadien ignora les recommandations de Bryce et le démit de ses fonctions. Dans un ouvrage publié en 1922, Bryce qualifia l’attitude du Canada de « crime national ».
Aujourd’hui, les Nations unies considèrent comme un génocide le fait de retirer les enfants de leurs foyers en se basant sur leur appartenance ethnique pour les placer dans un environnement étranger afin de les endoctriner. Le Canada reconnaît maintenant publiquement que l’objectif des pensionnats était d’assimiler les Autochtones, en somme de « tuer l’Indien dans l’enfant » ; mais souvent, comme le dit le chanteur innu Florent Vollant, ils ont tué l’enfant aussi. Le 11 juin 2008, le Premier ministre Stephen Harper a présenté les excuses officielles du gouvernement canadien aux Autochtones: « L’héritage laissé par les pensionnats indiens a contribué à des problèmes sociaux qui persistent dans de nombreuses communautés aujourd’hui. » A l’image de plus de vingt-cinq pays dans le monde, dont l’Afrique du Sud après l’apartheid et plusieurs États d’Amérique du Sud, tels le Brésil et l’Argentine, le Canada a créé en 2007 la Commission de vérité et de réconciliation, avec pour mandat de lever le voile sur les agressions physiques, sexuelles et mentales qu’ont subies beaucoup d’enfants ayant fréquenté les pensionnats. Dans le rapport final qu’il a rendu en 2015, le chef de la Commission, le juge et actuel sénateur Murray Sinclair, a parlé d’un « génocide culturel » perpétré à l’encontre des populations autochtones du pays aux XIX siècle et XX siècle, une qualification reprise par Beverley McLachlin qui était alors la juge en chef de la Cour suprême du Canada.
Quatre-vingt mille anciens pensionnaires vivent encore.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La pelle frappe le sol, comme la hache l'arbre à abattre. Cette terre ne se laisse pas travailler facilement et l'acier s'y enfonce avec difficulté. II creuse, un coup à la fois, avec une sourde résolution. À mesure que s'ouvre le sol, il bute contre des pierres, de plus en plus nombreuses, de plus en plus grosses, qu'il extrait à la main, une à une.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À quatorze ans, Virginie, Marie et Charles sont arrachés à leurs familles sur ordre du gouvernement canadien. Avec les autres enfants innus du village, ils sont conduits dans un pensionnat, à près de mille kilomètres de chez eux, pour y être éduqués. Là-bas, il leur est interdit de parler leur langue, leurs cheveux sont rasés, leurs objets personnels confisqués. Ils ne sont désormais plus qu'un numéro.

Que s'est-il réellement passé à Fort George, île maudite balayée par l'impitoyable vent du large ?

Soixante-dix ans plus tard, l'avocate Audrey Duval cherche à comprendre ce qu'il est advenu des trois jeunes gens mystérieusement disparus.

Atuk

Après le magnifique Kukum, Michel Jean continue à explorer son ascendance avec la fille de Almanda, Jeanette sa grand mère, Shashuan Pileshish ou Hirondelle, en innu.

La montée vers le territoire est un long voyage qui respecte chaque année les mêmes rites, suit les mêmes chemins, depuis des millénaires. Cela prend plusieurs semaines. Tout est calculé : le nombre d'étapes, le temps qu'il faudra pour les franchir, les portages qui permettent de sauter les rapides et les chutes. Le temps du voyage varie selon les familles et les territoires de chasse, mais il faut arriver avant les grands froids et avant que les rivières ne gèlent. Plus on monte loin vers le nord, plus le froid et la neige surviennent tôt. Le territoire de ma famille se trouvait à plus de cent cinquante milles au nord de Pekuakami. Il nous faudrait un mois et demi cette année-là pour franchir la distance.
Atuk de Michel Jean

Si on retrouve beaucoup d’éléments découverts avec Kukum, le point de vue change légèrement, Jeanette s’étant mariée avec un ouvrier du chemin de fer.

 - Ce n'est pas là qu'il faut mettre ton piège si tu veux attraper une martre, Shashuan Pileshish. Malek me considérait de ce regard que je lui ai toujours connu. Calme et indéchiffrable.
 - Il faut le placer sur la mousse. C'est là que la uapishtan va aller après être sortie de l'eau pour manger. Parce que ça ne laisse pas de traces. C'est malin, une uapishtan. Faut l'être plus qu'elle pour l'attraper. 
Le vieux chasseur m'a montré comment assembler le piège de bois. Comment le disposer sur le tapis de mousse. Je me souviens de ses mains dont on aurait dit qu'elles avaient été taillées avec un couteau rond, de ses doigts courts et de la paume épaisse. Sa peau usée était craquelée et couverte de taches brunes. Des mains usées et pourtant qui étaient plus habiles que les miennes, toutes neuves. 
 - Voilà comment il faut faire, petite, me disait-il sur le ton le plus serein du monde. 
Grand-père avait assemblé et installé le piège. Restait à attendre la martre. Il avait fait ça sans se dépêcher, mais sans perdre de temps.

Un livre où la question des origines, du racisme, de l’appartenance est omniprésent. Et Michel Jean, plus présent dans ce livre se retrouve lui aussi à se questionner sur son identité.

 - Je m'appelle Xavier. François-Xavier Gagnon. Et toi ? Quel est ton nom ? 
Lui, il avait un nom. Beau comme une galanterie.
 - Shashuan Pileshish. Hirondelle, en innu. Mais tu ne parles sans doute pas notre langue, François-Xavier ? 
Il a souri. Et j'ai tout de suite aimé son sourire. Un sourire révèle beaucoup de l'âme d'une personne. Il peut être candide, moqueur, méchant, sournois, niais, hésitant, timide, éclatant. Un sourire peut être tout ce que l'âme d'une personne lui inspire. Son sourire était bon. Et la bonté me touche. 
 - Jeannette. Appelle-moi Jeannette si tu veux. C'est plus simple.
 - Hirondelle. Ça te va bien. J'aime ça. Et il a souri à nouveau. Personne encore ne m'avait jamais souri ainsi, les yeux plantés dans les miens. Je n'aurais pas été davantage troublée s'il m'avait enfoncé son pic dans le cœur. 
Il m'a appelée Hirondelle toute sa vie. Mon vrai nom, soufflé au creux du cou, lancé comme une caresse et parfois avec un brin de taquinerie. Une formule magique, un mot de passe pour ouvrir mon cœur, connu de lui seul à Alma, et que mes propres enfants ignoraient et ignorent encore.

Une biographie familiale où l’intime côtoie des questionnements et des problématiques toujours sensibles au Canada

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Elle repose devant moi, figée dans la mort. Un cadavre embaumé est tout ce qu'il reste de cette femme à la silhouette autrefois robuste et souple. Tout de sa jeunesse a été emporté, maintenant que ses beaux yeux noirs se sont fermés pour de bon. Rien ne subsiste de celle qui a souvent bravé le froid et parfois la faim. Ce corps a frissonné de peur, ressenti le plaisir.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Jeannette a grandi entre les lacs et les forêts de son territoire ancestral, le Nitassinan. Mais lorsqu'elle épouse un Blanc, elle est exclue de sa communauté et forcée de quitter les siens pour s'installer en ville, loin de tout ce qu'elle connaît. Des années plus tard, Michel, son petit- fils journaliste à Montréal, vient se recueillir sur sa tombe et s'interroge sur ce choix qui le fait vivre lui aussi entre deux cultures. Car l'Indien, lui dit-on, il l'a en lui...

Daddy

Dix nouvelles étasuniennes. Tranches de vies désabusées. Portraits flottants dans une brise légère de perversité inassumée.

Comment lui expliquer ? Pour Kayla, tout cela était normal, dans le cours normal des choses. Elle s'était toujours attendue à ce qu'il lui arrive un événement de ce genre. 
 « Tout va bien, répondit-elle en prenant une voix très polie.
 - On s'apprête à regarder un documentaire, dit Mary. Sur une fille qui a été la première fauconnière en Mongolie. » Elle se tut. Comme Kayla ne réagissait pas, elle précisa : « Il paraît que c'est très bien. »
Mary, avec ses grandes chemises en lin, ses richelieus argentés, était le genre de femme d'un certain âge auquel les filles plus jeunes disaient vouloir ressembler. Mary, avec sa super maison dans le canyon, sa déco en bois des années soixante-dix. Son fils adolescent devait l'appeler par son prénom. Kayla voyait que Mary était quelqu'un de bien, sans y croire tout à fait. Mary l'agaçait.
 « Je suis un peu fatiguée, dit-elle. Je vais aller me coucher. »
Daddy de Emma Cline

Des instants inaboutis, polaroids mal cadrés aux couleurs qui bavent. Un peu de drogues, parfois. Des désirs, un peu… mais encore plus de frustration.

Le what the fuck de la vie

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Linda était dans la maison, au téléphone - avec qui, si tôt ? Du jacuzzi, John la regardait aller et venir dans son peignoir et un vieux maillot de bain à motifs tropicaux, décoloré, qui appartenait probablement à une des filles. C'était agréable de se laisser flotter dans l'eau, de glisser jusqu'à l'autre extrémité du jacuzzi, en tenant sa tasse de café au-dessus du bouillonnement des jets.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une jeune fille devient la cible de la presse à scandale après avoir été la nounou du fils d'une célébrité. Une adolescente séjourne chez son amie, dans le ranch d'une communauté hippie, et découvre la perversité des premiers jeux sexuels. Un rédacteur en chef lâché par tout son réseau de relations et par sa fiancée tente de devenir le prête-plume d'un self-made-man. Une trentenaire se fait passer pour une ado sur des sites de rencontre. Une actrice cherche à percer à Los Angeles et joue à un jeu dangereux. Un père se demande quelle image ont aujourd'hui de lui ses enfants, venus fêter Noël en famille. Un autre, alerté d'un incident dans l'école de son fils, a rendez-vous avec le directeur de l'établissement. Un scénariste divorcé retrouve chez elle sa petite amie dont les addictions cachent un profond mal-être. Un jeune homme qui vit et travaille dans la ferme de son beau-frère se demande quel futur les attend ici, lui, sa femme et leur enfant à naître.

Autant de nouvelles que de décors balayés du regard incisif d'Emma Cline, qui éclaire au passage, d'un rai de lumière implacable, la perversité larvée en chacun de ses personnages, en même temps que leur immense vulnérabilité.

Fille en colère sur un banc de pierre

L’histoire d’un drame familial sur une île à côté de la Sicile.

Avec trois (quatre) sœurs criantes de vérité. Et toutes et tous, pères, mères, voisins, mafieux, cantonnier… des personnages incarnés, justes, peintures hyperréalistes.
La Sicile n’est pas oubliée et joue son rôle indolent, à la chaleur étouffante et ne bougeant qu’au rythme lent des combinaziones.
Et le drame ! Dernier personnage. Écrasant de culpabilité et qui ramifie dans chaque chapitre son sale venin.

J'aimerais ajouter que, compte tenu des conditions dans lesquelles elle a été élevée, Aïda est la meilleure version possible d'elle-même.
Elle pense un instant à ce que ses sœurs doivent se dire à l'idée de la revoir. Elle se demande si elles s'étaient préparées à la chose. Normalement oui. Le Vieux était, comme il se doit, censé casser sa pipe un de ces quatre. Et il faudrait bien s'occuper de la succession. Mais parfois, les gens sont étonnants. Ils cantonnent dans un espace fort reculé de leur crâne les cogitations déplaisantes. Les projections accablantes. Les fantômes de petite fille.
Décidément on est doué chez les Salvatore pour la jolie danse de l'esquive et du déni. Aïda autant que les autres, avec son incapacité de penser la disparition de Mimi en d'autres termes que « coincée quelque part ». Les mots « enlevée » ou « morte » sont des mots résolument impossibles.
Fille en colère sur un banc de pierre de Véronique Ovaldé

Sans oublier l’écriture et la narratrice ! Légère, sautillante et joueuse, presque malicieuse. Contre-pied salutaire à cette histoire glauque et qui donne toute la vie et la puissance à cette fille en colère

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quand elle voulut passer par la fenêtre, elle entendit la petite l'appeler. Pourtant elle croyait savoir se faire aussi discrète qu'un chat. Elle fut effrayée puis agacée puis (S'il te plaît s'il te plaît s'il te plaît, emmène-moi, chuchota la petite) résignée. Elle posa un doigt autoritaire sur ses lèvres même si ce n'était pas nécessaire. Il ne fallait pas réveiller les autres, la petite le savait aussi bien qu'elle. Les autres ameuteraient les parents. C'étaient de vraies poules caquetantes et froussardes. Et si elle n'emmenait pas la petite, il y avait le risque, qu'elle n'était pas prête à courir, que celle-ci se mît à hurler - ou plus vraisemblablement qu'elle se postât à la fenêtre à l'attendre toute la nuit en chantonnant de plus en plus fort et en finissant par alerter la maisonnée. Merci bien.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Elle aurait pu renoncer. Elle aurait dû renoncer.

Elle se le répéta bien un million de fois toutes les années qui suivirent. Elle eut d'ailleurs une hésitation, peut-être valait-il mieux rester, se rallonger dans la chambrée, à écouter ses deux autres sœurs qui gesticulaient dans leur sommeil, pétaient et miaulaient sous leurs draps à cause de leurs rêves lascifs tout juste pubères. Peut-être valait-il mieux abdiquer, enrager, et se délecter de sa rage, puisqu'il y a un plaisir dans l'abdication, cela va sans dire, le plaisir tragique de la passivité et du dépit, le plaisir du drapage dans la dignité, on ne nous laisse jamais rien faire, on a juste le droit de se taire, on nous enferme, alors que les autres là-bas au loin s'amusent et se goinfrent, qu'est-ce que j'ai fait dans mes vies antérieures pour mériter ça, oh comme je suis malheureuse. Peut-être aussi que le jeu n'en valait pas la chandelle. Mais le jeu, n'est-ce pas, en vaut rarement la chandelle. Le jeu n'est désirable que parce qu'il est le jeu. »

Véronique Ovaldé, à travers l'histoire d'une famille frappée par une mystérieuse tragédie, ausculte au plus près les relations que nous entretenons les uns avec les autres et les incessants accommodements qu'il nous faut déployer pour vivre nos vies.

Le dernier des écrivains

Au moment de recevoir son prix Nobel, un écrivain disparaît. Son attachée de presse, Marie, mène l’enquête au domicile de l’auteur à Saint-Malo. Et tout s’emmêle…

 - Écoutez... je crois que vous connaissez les écrivains mieux que moi. Loin de moi l'idée de faire d'eux des dépressifs qui s'ignorent mais enfin soyons sérieux... J'imagine qu'un homme qui fait le choix de s'enfermer, seul, des journées entières, dans le silence de son appartement pour écrire des livres dont il ignore qu'ils seront lus un jour n'est pas exactement ce qu'on appelle un être optimiste ou sociable. Sinon, il irait pêcher ou taperait la belote au bistrot...
Il la regardait avec insistance, en hochant la tête. Puis, soudainement, il eut un geste vague. 
 - ...mais Pierre n'a aucune tendance suicidaire, si c'est votre question
Le dernier des écrivains de Gwenaële Robert

Si les références nombreuses à Maigret parsèment cette plaisante enquête, nulle trace ici de la bonhomme écriture de Simenon.

Une parfaite lecture pour l’été sur un transat en bord de mer bretonne

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
7 décembre
Il pleuvait. Elle regardait les gouttes d'eau s'écraser sur la vitre, puis s'étirer et suivre sur le carreau des chemins incertains ralentissements suivis de brusques accélérations -, loupes ductiles et fugitives où s'enflaient la campagne, les vaches, l'ardoise des toits.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Qu'est-il arrivé à Pierre Le Guellec, nouveau lauréat du prix Nobel de littérature ? Déposé à l'aéroport de Rennes le matin du 8 décembre, il n'est jamais arrivé à Stockholm pour recevoir sa récompense. Enlèvement d'un écrivain devenu soudainement riche et célèbre ? Règlement de comptes entre les derniers terre-neuvas dont il est le descendant ? Disparition volontaire ? Inquiétante ? Définitive ? Marie Rivalain, son attachée de presse, est troublée. Contrainte de rester à Saint-Malo jusqu'au retour hypothétique du romancier, elle découvre la part d'ombre d'un homme qu'elle pensait pourtant bien connaître. Dans un hôtel particulier chargé d'histoire et sur les plages ventées de la cité de granit, Marie part à la recherche de celui que beaucoup considèrent comme « le dernier des écrivains ». Mais chaque nouvel indice ne fait qu'épaissir son mystère.

Dans la lignée des romans de Georges Simenon, Gwenaële Robert signe une intrigue captivante au cœur de la cité corsaire dont les remparts abritent de lourds secrets.

Les maisons

Tessa se retrouve face à un ex, une séparation mal digérée. Toutes les émotions et les sentiments refont surface, aussi tranchantes qu’alors, malgré un mariage et trois enfants.

Demain il fera beau. Une quatrième journée de ciel dégagé. Je pourrais sortir mes ballerines dorées, achetées sur Internet dans un élan d'insouciance, l'été dernier, je ne les ai portées que trois fois parce que la vue de mes pieds de madame dans des chaussures de jeune fille me rendait malade. J'ai remisé les ballerines au fond de l'armoire, avec les maillots de bain. Mais demain ne sera pas ordinaire. Les circonstances appel- lent des souliers dorés et une robe neuve, car s'il est un jour pour défier les conventions, c'est bien celui où l'on retrouve l'Homme-qui-a-tout-changé-et-nous-a-révélée-à-nous-même. Une femme en pleine passion amoureuse n'est plus tenue de se plier aux règlements de son âge ou de sa situation, right? Elle devient Charlotte Gainsbourg dans les rues de Paris, Patti Smith en session d'enregistrement, et Emily Brontë qui se fait sa propre éducation. Elle est libre.
Les maisons de Fanny Britt

Que faire avec ça ?
Comment ne pas se demander : « Qu’ai-je fait de ma vie ? »
Et que faire lorsqu’il propose de se retrouver pour boire un verre ?

Une histoire au scénario bien sympa avec une tension qui monterait bien, hélas entrecoupée de tant de flash-back et de digressions qu’ils ont fini par gâcher une fin pourtant magnifique

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je ne sais pas encore que je suis chez lui. J'aurais peut-être dû le deviner. Y avait-il un indice dans cette assiette au fond de l'évier, le couteau posé sur l'assiette, le beurre et la confiture sur le couteau? Les cheveux de Francis s'emmêlaient-ils sur le peigne dans la salle de bains? Se rasait-il toujours au rasoir à lames, ses pantalons se déchiraient-ils encore aux genoux ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tessa, chanteuse classique reconvertie en courtière immobilière à Montréal, ne va pas bien. Elle élève pourtant ses trois fils qu'elle adore avec Jim, un homme qui la chérit. Lors d'une vente, elle croise Francis, son ancien grand amour, qu'elle n'a jamais oublié. Ils se donnent un rendez-vous qu'elle souhaite autant qu'elle appréhende, revisitant malgré elle un passé mal enfoui.

Les maisons fouille les drames privés d'une époque d'insatisfaction et de conformisme. Derrière les portes closes sur des intérieurs encombrés par la solitude, on rit les larmes aux yeux.

Le parfum des cendres

Sylvain est croque-mort. Il redonne un semblant de vie aux corps dont il scrute les parfums. Mais lui-même est n’est plus trop vivant depuis une quinzaine d’année. C’est alors qu’il croise le chemin d’Alice, qui travaille à un doctorat sur les thanatopracteurs.

Sylvain ouvrit le frigo, en sortit la dépouille du jour soigneusement rangée dans sa housse et la transporta jusqu'à la table de préparation. Il sentit, comme toujours, l'excitation monter en lui au son de la fermeture Éclair glissant entre ses doigts gantés ; l'enthousiasme d'une nouvelle découverte, d'un nouveau voyage dans les profondeurs d'une peau humaine, d'une nouvelle rencontre, intime et éphémère, qui viendrait, comme toutes les autres, nourrir son univers.
De Catherine émanait un délicat parfum floral, à dominante d'iris. Son maintien élégant, soigné, empreint de bon goût bourgeois, son corps resté séduisant en dépit de l'âge et de la maladie, son brushing gris à peine défait [...]
Le parfum des cendres de Marie Mangez

Un joli livre aux milles parfums et à la playlist fournie mais qui fait craindre rapidement à un énième feel-good au dénouement heureux (ou les amitiés et les rencontres pensent les plaies les plus profondes et où l’espoir reste toujours permis)

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Bernadette était allongée, paupières fermées, les bras sagement étendus le long du corps. Au cœur de ses joues sillonnées de rides, légèrement affaissées, on distinguait le creux des fossettes, centres névralgiques d'un visage encore animé par des années de sourire. Visage arborant désormais une expression sereine - Bernadette attendait que l'on s'occupe d'elle, remettant placidement son enveloppe charnelle aux soins d'autres mains que les siennes.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Les parfums sont toute la vie de Sylvain Bragonard. Il a le don de cerner n'importe quelle personnalité grâce à de simples senteurs, qu'elles soient vives ou délicates, subtiles ou entêtantes. Tout le monde y passe, même les morts dont il s'occupe tous les jours dans son métier d'embaumeur.

Cette manière insolite de dresser des portraits stupéfie Alice, une jeune thésarde qui s'intéresse à son étrange profession. Pour elle, Sylvain lui-même est une véritable énigme : bourru, taiseux, il semble plus à l'aise avec les morts qu'avec les vivants. Elle sent qu'il cache quelque chose et cette curieuse impénitente veut percer le mystère.

Doucement, elle va l'apprivoiser, partager avec lui sa passion pour la musique, et comprendre ce qu'il cache depuis quinze ans.

Le dernier des siens

Voilà une curiosité bien émouvante. Le dernier des siens, le dernier grand pingouin, recueilli par Gus, juste après le massacre de sa colonie, la dernière, au milieu du 19e siècle. Une histoire d’amitié entre un homme et un survivant.

Ils arrivèrent au nord-ouest de l'Islande pendant l'été 1849. Ils s'installèrent dans une maison d'une seule pièce, faite de pierre et d'herbe près du rivage. La maison garderait la chaleur en hiver. Le premier village se trouvait à quatorze kilomètres. Ils étaient juste tous les deux, sur les cailloux et les prairies, mais c'était normal, ils étaient les seuls et les deux derniers: Gus le dernier homme sur terre qui verrait un pingouin, Prosp le dernier des siens.
Le dernier des siens de Sibylle Grimbert

C’est doux et tendre pour une sale histoire, l’extinction d’une espèce par l’homme. Moins connue que la fin des dodos, tout aussi consternante.

Un livre de prises de consciences et de questionnements. Qu’avons-nous fait ? Que faisons-nous ? Que continuons-nous à faire ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
De loin, seule la tache blanche de leur ventre se détachait sur la paroi de la falaise, surmontée d'un bec qui brillait, crochu comme celui d'un rapace, mais beaucoup plus long.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
1835. Gus, un jeune scientifique, est envoyé par le musée d'Histoire naturelle de Lille étudier la faune du nord de l'Europe. Lors d'une traversée, il assiste au massacre d'une colonie de grands pingouins et sauve l'un d'eux. Il le ramène chez lui aux Orcades et le nomme Prosp.

Sans le savoir, Gus vient de récupérer le dernier spécimen sur Terre de l'espèce. Une relation bouleversante s'instaure entre l'homme et l'oiseau. La curiosité du chercheur et la méfiance du pingouin vont bientôt se muer en un attachement profond et réciproque.

À l'heure de la sixième extinction, Sibylle Grimbert convoque un duo inoubliable et réussit le tour de force de créer un personnage animal crédible, avec son intériorité, ses émotions, son intelligence, sans jamais verser dans l'anthropomorphisme ou la fable. Le Dernier des siens est hanté par une question aussi intime que métaphysique : que veut dire aimer ce qui ne sera plus jamais ?

La pouponnière d’Himmler

C’est froid, impersonnel et les maigres émotions qui transparaissent ne suscitent guère d’empathie. Difficile d’entrer dans ce roman. Dans cette fiction historique devrais-je dire, et même là, le mot fiction semble de trop, tant cela devait bien ressembler à ça.

Plus de sirènes, mais les dents de Renée continuent à claquer. La guerre arrivera. Elle en est sûre. Elle le sent, même physiquement, que la guerre est en train d'avancer dans sa direction. Respiration haletante, comme si elle courait. couchera plus, elle ne sera plus jamais chez elle nulle part. Elle le sent dans le picotement du bout de ses doigts. Elle le sent dans ses os.

La guerre arrive
La pouponnière d’Himmler de Caroline De Mulder

Alors oui, voilà probablement un livre excellent par sa volonté de coller au plus près de ce que furent ces Lebensborn. Ces maternités de sang pur – délire eugéniste – qui étaient censées repeupler un Reich arien.

Mais il m’a manqué clairement un plaisir de lire. Tel n’était vraisemblablement pas le but

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Deux cents langes, sur trois rangées parallèles. Pas un souffle dans la blancheur du coton. Un parfum de savon de Marseille, de lait sucré. Des rires grelottants. Un moment ils couvrent les gazouillis d'enfants qui viennent à la fois du parc et des fenêtres grandes ouvertes. Les femmes qui rient sont quatre, elles parlent et retirent des cordes les pinces à linge, les jettent dans une boîte métallique. Elles plient les carrés de tissu, qu'elles empilent ensuite dans de vastes paniers d'osier.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Heim Hochland, en Bavière, 1944. Dans la première maternité nazie, les rumeurs de la guerre arrivent à peine ; tout est fait pour offrir aux nouveau-nés de l'ordre SS et à leurs mères « de sang pur » un cadre harmonieux. La jeune Renée, une Française abandonnée des siens après s'être éprise d'un soldat allemand, trouve là un refuge dans l'attente d'une naissance non désirée. Helga, infirmière modèle chargée de veiller sur les femmes enceintes et les nourrissons, voit défiler des pensionnaires aux destins parfois tragiques et des enfants évincés lorsqu'ils ne correspondent pas aux critères exigés : face à cette cruauté, ses certitudes quelquefois vacillent. Alors que les Alliés se rapprochent, l'organisation bien réglée des foyers Lebensborn se détraque, et l'abri devient piège. Que deviendront-ils lorsque les soldats américains arriveront jusqu'à eux ? Et quel choix leur restera-t-il ?

Reconstituant dans sa réalité historique ce gynécée inquiétant, ce roman propose une immersion dans un des Lebensborn patronnés par Himmler, visant à développer la race aryenne et à fabriquer les futurs seigneurs de guerre. Une plongée saisissante dans l'Allemagne nazie envisagée du point de vue des femmes.