L’amour

A en croire ce que j’avais appris, ce livre est un véritable tour de force, un exploit ! On m’avait dit (et j’avais cru) qu’il était impossible de raconter le bonheur. Ce livre magnifique vient casser ce mythe !

Dans le même genre, Jacques ne comprendra jamais qu'elle préfère entamer le pain frais plutôt que de finir le pain d'hier. Et pas la peine de venir nous raconter qu'elle en fera du pain perdu, elle n'en fait jamais. Ce que Jeanne peut éventuellement reconnaître, mais pour aussitôt observer qu'à ce compte-là ils ne mangeront jamais de pain frais. Si on mange le pain du jour le lendemain du jour, on mange toujours du pain d'hier. Ce à quoi Jacques objecte que ben voyons.
Jeanne et Jacques ont comme ça des débats.
L’amour de François Bégaudeau

C’est beau et tendre, ça ne veut pas dire que des malheurs n’y ont pas leur place, mais c’est bien une histoire heureuse dont il s’agit. Pas même de suspense inutile, c’est inscrit au dos en première ligne, ce livre raconte deux vies, il raconte l’amour.

Un vrai bonheur !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La première fois que Jeanne voit Pietro, c'est au gymnase où sa mère fait le ménage.
Quand c'est le jour de nettoyer les gradins, la mère embarque sa fille, on n'aura pas trop de quatre bras. Jeanne y gagne 20 francs, ça fait un petit complément à sa paye de l'hôtel. Et puis ça l'occupe.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« J’ai voulu raconter l’amour tel qu’il est vécu la plupart du temps par la plupart des gens : sans crise ni événement. Au gré de la vie qui passe, des printemps qui reviennent et repartent. Dans la mélancolie des choses. Il est nulle part et partout, il est dans le temps même.
Les Moreau vont vivre cinquante ans côte à côte, en compagnie l’un de l’autre. C’est le bon mot : elle est sa compagne, il est son compagnon. Seule la mort les séparera, et encore ce n’est pas sûr. »
F. B.

Le jardin du Bossu

Après être tombé sur la très drôle bande dessinée La cage aux cons, c’est avec hâte que j’ai cherché ce jardin du Bossu dont elle était tirée. Toutefois, si la BD est très fidèle au polar, le dessin lui ajoute une dimension graphique (oui… évidement) fort réussie et son dessin un peu cracra lui donne toute sa saveur.

 - Ça, vous savez faire ! j'ai dit.
 - Des années d'expérience ! Une discipline quotidienne! De l'entraînement ! Et encore de l'entraînement ! Des années! Un sacerdoce! C'est ce que je dis toujours: on n'a rien sans rien ! Il faut s'investir!
 - Je ne me suis pas ménagé, croyez-moi !
 - Que voulez-vous, la route est longue, mais c'est la route!
 - La route est longue, mais c'est la route! Belle formule.
 - Elle est de moi, j'ai dit.
 - Vous avez l'art des fulgurances, il a dit.
 - C'est que j'ai mouillé la chemise moi aussi, au niveau poésie ! Et j'ai jamais eu la télé pour me motiver! Je suis un bagnard de la création littéraire. Un peu comme Rimbaud de son vivant.
Le jardin du Bossu par Franz Bartelt

Un roman donc un poil décevant à l’écriture stéréotypée « polar à l’ancienne » qui, certes ne manque ni de gouaille ni d’imagination, mais que j’ai trouvée un peu plus terne que son adaptation graphique

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il était là, le con ! Rond comme un bidon. Entouré d'une flopée d'ivrognes encore plus saouls que lui. Je ne l'avais jamais vu en ville. J'ai demandé au Gus qui c'était. Il n'en savait rien. J'ai recommandé une bière. Le type se vantait. Il ne parlait que de son pognon. Il en avait, puisqu'il payait les tournées en sortant de sa poche des poignées de billets. Il refusait la monnaie. Il s'y croyait. Le con. Ah, le con!


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un petit voyou se voit refuser l'entrée du foyer par sa femme tant qu'il n'aura pas trouvé une solution pour subvenir aux besoins de la famille. Alors qu'il s'introduit dans une maison pour voler de l'argent, le propriétaire surgit et l'empêche, sous la menace d'une arme, de repartir. Il devient désormais l'esclave de cet homme en attendant de mettre au point un moyen d'évasion

Les bracelets d’amour

Avec humour et tendresse, Emmanuelle Pol explore les relations parents-enfants, la maternité et le corps. Mères et filles se dévoilent ici, tendres, parfois ridicules, attentives ou dépassées. Et les pères ne sont pas forcément très loin.

Ballottant jusque sur son ventre, deux mamelles larges et plates aux aréoles brunes s'étalaient comme des besaces vides. Françoise se tourna vers Juliette.
 - J'en peux plus, j'y vais aussi.
Un peu gênée, elle se leva, marcha jusqu'à l'évier. C'est elle qui se sentait ridicule maintenant, avec son ventre concave, son bas de bikini rose et ses seins refaits, absurdes obus plantés sur son torse maigre. Un blanc de poulet, ricana-t-elle intérieurement. Un blanc de poulet aux hormones.
Les bracelets d’amour de Emmanuelle Pol

Neuf nouvelles autour de cette relation, c’est autant de portraits dressés avec plein d’humour, comme neuf sucreries aux parfums acidulés

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Un cri perçant déchire l'air. La mère a détaché le nourrisson de ses bras pour le déposer dans son relax : ce n'est visiblement pas du goût de l'enfant, qui manifeste sa colère par des vagissements stridents dont l'intensité va crescendo. On peut voir son minuscule visage crispé de fureur virer à l'écarlate, les traits déformés par la violence de ses pleurs, les sourcils gonflés au-dessus de ses yeux exorbités, les narines frémissant de colère impuissante et la bouche ouverte comme un four, large trou noir où la langue oscille en suspension au rythme de l'air expulsé.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La maternité n'est pas une mince affaire.

Emmanuelle Pol s'amuse à en explorer les marges, les franges sombres, à travers neuf histoires qui rendent compte de la complexité de ces étranges relations qui unissent parents et enfants, pour le meilleur ou pour le pire. Ici, pas de tendres portraits de famille, mais une exploration au scalpel des liens du sang.

Grâce à une écriture incisive et une subtile ironie, Emmanuelle Pol maltraite avec intelligence bon nombre de clichés autour de l'enfance et de la filiation

Juicy : une idylle à quatre pattes

Juicy, une histoire festive de porn joyeux ? Pas tout à fait…

Dans la cabine, je souris devant tous les déshabillés, c'est parfait, la journée est parfaite et la musique juste un peu too much, puis quand la vendeuse se retire, je soupire et je fais la moue.
- Gary, j'ai juste besoin que tu me baises. Si tu veux m'acheter quelque chose, j'aimerais avoir un costume de licorne. J'ai assez de petites culottes comme ça et ma chatte est plus douce que tous les tissus. Touche, touche.
Il passe sa main sous ma robe. En caressant ma culotte, il tente de la repousser sur le côté, je le sens toucher mes lèvres, puis glisser un doigt dans ma chatte.
Juicy : une idylle à quatre pattes de Melodie Nelson

Une jeune fille de 17 ans couronnée Miss Teen America gentiment obsédée par son corps (difficile de ne pas l’être dans ce cas) glisse rapidement dans le monde du porno. Et sous le couvert d’une histoire érotique jamais tout à fait glauque mais pas vraiment joyeuse non plus, Juicy raconte une petite jeune fille qui pense tout maîtriser et décider (à part son amour obsessionnel pour Gary) dans le monde du porno.

Une historiette souvent drôle mais questionnante qui m’a parfois rappelé Florida et sa vision du monde des miss (des mini-miss dans Florida) et des ravages sur la psyché des jeunes filles

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je suis la personne la plus gentille de Tacoma, la plus gentille et celle qui a sucé le plus de mecs à la place de leur vendre des barres de chocolat à mille calories la bouchée. Pour pouvoir me rendre jusqu'à la finale de Miss Teen USA, j'ai cuisiné des biscuits aux pépites de chocolat pour le concessionnaire Toyota de mon quartier, j'ai regardé des recettes de savon à la menthe et au thé vert sur Pinterest avant d'en piquer chez Soaptopia pour en offrir à des revues de mode, j'ai envoyé des petites culottes avec des traces de mouille et de menstrues à des firmes d'avocats.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une gentille blondinette californienne remporte le concours de Miss Teen America. Son diadème lui semble aussi important que son hymen jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse de Gary T-Rex, un chanteur populaire moustachu et has-been. La célébrité, la crystal meth et les vibrateurs lui feront vite oublier ses rêves de paix dans le monde…
Juicy est une histoire d’amour pornographique, un roman Harlequin pour ceux qui préfèrent mélanger mouille et vodka plutôt que se balader sur un cheval blanc au coucher du soleil – parce que, de tous les artifices, ce n’est pas le silicone qu’il faut craindre, mais les promesses d’amour éternel.

Que notre joie demeure

Si Kevin Lambert s’amuse avec les mots avec grand talent, usant de phrases à rallonges comme de très courtes pour rythmer les instants (258 mots pour la première phrase, quand même (tout en citant Proust par ailleurs)), cette joie m’a semblé bien plate, hélas.

Les commandes ralentirent aux Ateliers C/W, l'affaire fit pendant plusieurs semaines la une. Céline se mit à perdre des cheveux. Elle en trouvait, paniquée, par grosses mottes dans le drain de la douche. Le stress la rongeait. Le monde entier s'était ligué contre elle, plus personne n'osait lui parler, la défendre. Elle consulta pour des maux de ventre, une perte d'appétit, un torticolis, des migraines, des tremblements, avant que son médecin ne lui suggère que la source de ses malaises puisse être l'anxiété et peut-être la cigarette, qui finirait par la tuer. Elle essaya d'arrêter, y parvint, puis se remit à fumer.
Que notre joie demeure de Kevin Lambert

L’histoire d’une architecte talentueuse, immensément riche et reconnue internationalement qui chute devant la voix populaire, une colère entretenue par des médias visiblement en mal de bouc émissaire. Histoire d’ultra-riches et de leur déconnexion du monde, de responsabilité sociale, d’image publique. Tout semble factice, aseptisé… Et même les grandes douleurs manquent d’émotions.

Un livre qui m’a laissé froid

(mais si vous désirez un livre de Kevin Lambert qui vous décoiffe sévèrement, lisez Querelle)

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Les conversations du trottoir tourbillonnent et gagnent l'escalier de secours, montent à l'étage puis au suivant et montent encore, dépassent les portes d'un ascenseur qui s'ouvrent sur un couple en robes froissées par le vent, les invitées se laissent porter par le courant d'air et réajustent leurs tenues, en sortant elles sont déjà dans le sublime appartement, plafonds hauts, moulures de bois, carrelage de marbre blanc, il faut habituellement posséder une clé pour enfoncer le bouton du dernier étage, mais ce soir, l'appartement est ouvert et balayé par les bourrasques qui se faufilent dans les corridors, se répercutent contre les portes closes de chambres et de bureaux décorés avec soin, des chapelles éteintes à la gloire de divinités qu'on ne prie plus où chuchotent des agneaux en attente du sacrifice sur les lits, les sofas, allongés sur le parquet parfois, ils se refont la courbure de la colonne vertébrale sur d'épais tapis en négociant une entente financière ou amoureuse, le regard, le sourire, le rire éclatant font figure d'offre ou de concession pour ces nouveaux adolescents qui, la cinquantaine avancée, boivent enlacés et complotent contre un monde qu'on aura tôt fait d'oublier en lisant le ton emporté d'un courriel écrit trop tard, vantant l'amour et l'espoir, ces puissances archaïques qui déplaceront toujours monts et mers, dit-on, en chuchotant ils gardent un œil sur le rayon jaune qui filtre sous la porte, j'ai peur qu'on nous entende, un rire étouffé d'enfant abusant de sa permission, mélodie d'une immortelle joie qui les dépasse et les rassemble dans ce berceau d'amour.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
L’éblouissante Céline Wachowski, architecte de renommée internationale, dévoile enfin le Complexe Webuy, un projet ambitieux et structurant; surtout, le premier grand projet public qu’elle réalise pour Montréal, sa ville. Pourtant, les critiques de la population et de groupes militants ne tardent pas à fuser : on accuse Céline de détruire le tissu social, d’accélérer l’embourgeoisement des quartiers, de péchés plus capitaux encore. L’architecte est prise dans la tourmente et sommée de réagir.
C’est la classe dirigeante que Kevin Lambert met en scène ici, fouillant la psyché de ces gens au sommet de leur discipline et qui pour la première fois de leur vie risquent de perdre pied. Quelle fiction se racontent-ils pour justifier leurs privilèges, pour asseoir leur place dans un monde qu’ils ont eux-mêmes bâti ?
Dans une prose leste et immersive, «Que notre joie demeure» fait entendre les points de vue et pensées secrètes de ses personnages, tout en peignant le portrait clairvoyant du Montréal d’aujourd’hui.

L’art et la manière

Treize nouvelles autour de la baise, du sexe et du désir. Oui, cool ! Par Barbara Carlotti, en plus ! Autrice, compositrice et interprète talentueuse. Oh oui, voyons vite ce que ça peut donner.

Hélas, pas d’envol ni d’émotions dans ce recueil inconstant. Pas franchement érotique, parfois cru, souvent plat, je n’ai malheureusement que rarement trouvé la sensualité qui nous était vendue en quatrième de couverture.

Je m'endors sur le ventre, une main calée sur mon sexe dont je caresse les poils comme un doudou, j'ai toujours fait ça. Quand j'étais petite, j'arrivais même à m'endormir en boule, les genoux repliés sous mon ventre, le front sur l'oreiller, glissant les mains sous mes fesses comme sur la photo de Man Ray, La Prière.
L’art et la manière de Barbara Carlotti

Zut, Barbara, nous ne nous sommes pas vraiment rencontrés cette fois-ci. Je m’en vais retourner à vos chansons et votre voix sublime et profonde.

… Et pour les intrigués qui ne voient pas vraiment à quoi ressemble cette Prière de Man Ray… La voici

La Prière de Man Ray – 1930

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Rester enfermée dans le silence de mon appartement pour l'éternité... Voilà ce que je voulais faire. À la fin de mon histoire avec Luc qui avait duré six ans et des poussières, j'étais à la dérive mais je continuais à sortir la nuit avec ma nouvelle meilleure amie, Lassitude.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Dans la baise, il y a l'art et la manière, les bonnes manières et les mauvais coups. La relation sexuelle, dans ses gouffres charnels, est un langage secret qui dévoile le fond de nos êtres. Sans doute est-ce pour cela que j'aime tant baiser. J'ai en moi cette curiosité insatiable. Les mots, que je crois savoir manipuler un peu, me laissent souvent frustrée, ils ne me donnent pas tout à fait les clés de mon existence. »

Des histoires sensuelles, troublantes et poétiques, sur ce qui se joue dans l'incarnation du désir. Des histoires racontées avec audace et effronterie par un chœur de femmes cherchant à comprendre leurs élans sexuels

Tu aimeras ce que tu as tué

Quelle hargne, quelle violence ! Combien de frustrations, de douleurs, de blessures pour arriver là ?

Je cherche le ciel pour mieux le maudire, je veux te saisir entière, Chicoutimi, pour connaître le visage de celle que je déteste. J'ai hâte de te voir ravagée. J'ai tellement hâte de te voir agonisante, de voir tes yeux en détresse implorer ma pitié. Mais je serai sans pitié. Je n'en peux plus d'attendre ta destruction, d'espérer une catastrophe qui mettrait fin à tes jours, qui te rayerait de la carte. C'est moi qui te détruirai, Chicoutimi. En consultant le ciel, en parlant aux astres et aux puissances occultes, à tous ces morts que tu portes en toi, j'ai reçu ma mission. J'ai rêvé ta fin toutes les nuits. Je ferai œuvre de ta destruction, je serai un artificier splendide; la démolition systématique à laquelle je me prépare, seuls les saints ou les hypocrites n'en conviendront pas, sera bien agréable.
Tu aimeras ce que tu as tué de Kevin Lambert

Kevin Lambert écrit des romans hypnotiques, hallucinatoires. Des textes portés par la rage.

Et Tu aimeras ce que tu as tué porte suffisamment de violence pour détruire Chicoutimi et tous ses enfants. Enfin, tous ceux qui ne sont pas encore morts. L’histoire d’une jeunesse homosexuelle au Québec avec des morts, tout plein. Une écriture qui ne reprend jamais son souffle, un cri ininterrompu.

J’en reste sans voix, et même pas vraiment capable de comprendre ce que j’ai aimé tant tout ça est rude. Et pourtant, c’est génial !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Dans la classe, la professeure entre. Elle porte une canne et son autorité fêlée, on rit d'elle dans son dos, la vieille sorcière, on est en deuxième année du primaire. Elle s'appelle madame Marcelle. On se fait des grimaces, des attrapes, des mauvais coups, sauf quand elle nous regarde; là, on s'applique fort sur notre feuille. Le local d'arts plastiques rend toujours surexcité, je sais pas si c'est la couleur des murs ou les dessins des autres classes qui sont exposés un peu partout et qu'on regarde avec intérêt, surtout pour les trouver laids, surtout le nom de ceux qui les ont faits, leur faire savoir, à la récréation, qu'ils ont aucun talent.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Faldistoire s'ennuie tellement à l'école qu'il a juré la perte de sa ville.
Bel édifice de pelouses et de béton, Chicoutimi cultive derrière ses murs l'hypocrisie et les vices de ses habitants. Quand la petite Sylvie meurt dans un accident de déneigeuse, une série d'actions en chaîne fait tomber le vernis de la normalité. Une nouvelle réalité émerge : celle des enfants morts qui reviennent en vie pour hanter la ville et prendre leur revanche.
Faldistoire donne le signal de la révolte. Dans les cahiers d'écoliers comme dans la forme des nuages, il lit les signes qui annoncent la fin de Chicoutimi. Entre coups de poing et coups de bassin, il prend la tête de la conjuration. Sa ville sera l'épicentre de l'apocalypse.
Dans un style punk étrangement poétique,
Kevin Lambert dévoile les fantômes d'une société urbaine, où la différence est considérée comme une menace à l'ordre établi.

« Ce que nous portons en nous est trop grand et le monde trop petit. La destruction est notre manière de bâtir. »

Faire les sucres

Il ne faut pas s’y tromper, derrière les codes feel-good de la couv’ ou du titre, se cache un autre type de livre. Pas forcément un livre d’horreur, trash ou que sais-je, mais les amateurs de jolies histoires qui finissent bien ne s’y retrouveront pas forcément.

- Tu vas m'embrasser encore?
Quand elle repenserait à cette soirée, elle ne saurait plus qui, d'elle ou de lui, avait posé la question. Mais ça n'a pas eu d'importance pour la suite, parce qu'ils s'étaient embrassés de nombreuses heures, et lorsqu'elle s'était rhabillée pour rentrer à la maison, la lumière du jour commençait à poindre par la fenêtre de la chambre de son chef de choeur.
Faire les sucres de Fanny Britt

L’histoire d’une middle-age crisis, à l’âge où un événement (pas forcément gravissime) peut tout faire dérailler. Un moment où les repères ne sont plus clairs, où l’usure des couples se fait ressentir et où le besoin de sens se fait prégnant. Un accident, la peur de mourir et voilà qu’Adam bascule emportant avec lui Marion, sa compagne.

Un livre qui – tout en restant choupinou – propose avec finesse – et quelques clins d’œils amusés – une jolie satire sociale en exposant quelques contrastes de préoccupations. Et comment ne pas sourire devant ce besoin de retour à la terre d’une personne à qui tout réussit ou face à l’abandon dans d’autres bras de son épouse délaissée. Et comment ne pas réagir devant leur incompréhension face aux douleurs qui leur font face ?

Cliché ? Oui, mais bien pris, avec le bon angle et sans trop de douceur malgré tout

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il l'asseyait sur un tabouret placé près du ventilateur et elle le regardait faire. Il versait d'abord le sucre dans la grande marmite de cuivre, dont Celia pensait qu'elle se transformait en timbale d'orchestre, le soir venu. Parfois, pour lui faire plaisir, il décrochait une des grandes cuillères de bois qui pendaient au mur et tapait de toutes ses forces sur la surface arrondie de la marmite. Un timbre profond, vibrant, s'en échappait, qui captivait Celia. Alors elle applaudissait et disait encore ! Encore ! Et son grand-père s'exécutait.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Faire les sucres, au Québec, c'est exploiter une érablière. Obsédé par le retour à la terre, Adam achète la propriété de la famille Sweet dans l'espoir qu'une nouvelle vocation le sauvera de ses torts et de la vacuité de sa vie de restaurateur vedette. Parallèlement, sa femme Marion délaisse peu à peu ses manières douces et son cabinet de dentiste. Aux États-Unis, à quelques centaines de kilomètres au sud, la jeune Celia voit son île natale, où sa mère tient une boutique de taffys, envahie par des touristes sans gêne.

Comment vont s'entrecroiser le destin de ce couple de Montréalais à qui tout réussit, installés - Jusqu'à tout récemment, du moins - dans leur certitude d'être bons et modernes, et celui de la jeune femme ?

Dans ce roman choral, l'odeur délicieusement réconfortante du sirop d'érable se mêle à l'âpreté des fonds marins. Il y a du Virginia Woolf chez Fanny Britt, qui, cinglante et tendre, creuse la question de nos privilèges et de nos illusions, balayées par les vagues du ressentiment et de la souffrance sociale.

Et Dieu riait beaucoup

Joann Sfar est un surdoué prolifique. Malheureusement, prolifique, il l’est peut-être un peu trop et parfois… reste un sentiment de brouillon, de premier jet mal corrigé, d’inabouti. Et là, ben ouais ! Zut !

Ils ne parvenaient pas à s'empêcher de marcher côte à côte. Le juif d'extrême droite et le juif bien-pensant accéléraient et ralentissaient leur cadence au même moment.
Loin au-dessus, Dieu riait beaucoup.
Et Dieu riait beaucoup de Joann Sfar

Alors, certes, je n’ai pas l’éducation religieuse suffisante pour bien tout comprendre. Et du judaïsme, ma foi… je n’en sais rien où pas grand chose que des généralités.

Pourtant, serais-je passé à côté d’un grand chef d’oeuvre ? Et bien même pas, me semble-t-il, tant tout cela m’a vraiment semblé confus.

Dieu a-t-Il vraiment ri ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Chaque nuit, on asseyait le roi David à la terrasse de son palais. Il passait un moment à faire semblant d'y voir encore et nommait toutes les collines de son empire.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
C'est l'histoire de deux juifs dans un avion vide.
C'est aussi celle d'un homme qui quitte la France à la recherche de sa terre promise et ne la trouve pas.
On y croise un metteur en scène qui n'a plus rien à perdre, une comédienne armée d'un revolver, un polémiste juif d'extrême droite, un vétérinaire, un chien, un Joann Sfar, sans oublier le roi David et la Shulamite. Dans ce récit de pure fiction, chacun cherche sa place, même Dieu.
Lorsqu'on a des mauvaises idées, il faut parfois s'y accrocher obstinément, surtout quand c'est tout ce qu'il nous reste.

« Nous ne sommes pas éloignés de Dieu, il habite loin, c'est tout. »

Tokyo express

Un bon polar à l’ancienne qui, plus que de chercher whodunit va s’attacher à how, tant le coupable semble être désigné d’emblée. Mais, bon-sang-de-bon-soir, comment a-t’il pu ? alors qu’il se trouvait de l’autre côté du Japon, sans cesse de train en train ou en bateau ?

 - Le problème est de savoir si Yasuda a obtenu ces témoins de quatre minutes par hasard ou volontairement.
En disant ces « témoins de quatre minutes », le commissaire avait eu une bonne expression. Ensuite, attentif aux explications de Mihara, il écrivit sur un papier les points suivants:
1. La veille, Yasuda invite à dîner deux serveuses du Koyuki. C'est un prétexte pour aller ensemble à la gare de Tokyo.
2. Dès le dîner, il regarde sans arrêt sa montre.
3. Ils arrivent sur le quai numéro treize juste à temps pour l'intervalle de quatre minutes en question.
4. C'est Yasuda qui découvre Sayama et Toki alors que ceux-ci montent dans l'Asakaze et qui les désigne aux deux serveuses.
Ayant fini d'écrire, il se tapota la joue avec le bout de son crayon, comme un écolier, en regardant fixement sa feuille de papier.
 - Bon, dit-il un instant plus tard, ce n'est pas le fait du hasard. C'est volontaire !
Tokyo express de Seichō Matsumoto

Une histoire de corruption au ministère X et de deux suicidés au cyanure retrouvés sur une plage.

Un chouette bouquin pour les amateurs du genre avec une enquête un peu complexe mais qui se dénoue petit à petit et avec suffisamment d’explications pour que tout reste clair, même pour qui ne connaîtrait absolument pas le Japon et ses horaires de trains à la précision légendaire (oui… difficile de transposer ça au pays de la SNCF)

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le treize janvier au soir, Tatsuo Yasuda invitait un de ses clients au Koyuki, un restaurant de luxe d'Akasaka. L'invité était un directeur de ministère.
Tatsuo Yasuda dirigeait la société Yasuda de matériel pour machines. Celle-ci s'était considérablement développée ces dernières années. On disait que des subventions ministérielles y étaient pour quelque chose. Cela expliquait sans doute pourquoi Yasuda invitait très souvent des clients d'une telle importance au Koyuki.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un double suicide d'amoureux et une sordide affaire de corruption. Un meurtrier très méticuleux et une enquête bien embrouillée qui pourrait ressembler à première vue à une visite touristique dans tout le Japon.

Dans les bars de Tokyo, l'inspecteur Mihara découvre des pots-de-vin et la vérité au fond d'un verre. Dans les trains, de Kamakura à Hokkaido, il a de curieux pressentiments devant un paysage de chiffres et apprend aussi la poésie japonaise dans un annuaire des chemins de fer.

Tokyo Express est un des plus célèbres polars japonais contemporains. C'est ce livre qui consacrera en effet Matsumoto comme le meilleur écrivain de romans policiers du Japon. Vendu à plusieurs millions d'exemplaires, il obtint un succès légendaire et sa réédition faisait de lui un des plus grands best sellers de l'après-guerre