Sexy summer

Juliette à 14 ans – l’âge des premiers émois – et est électrosensible. Suite à l’installation d’une antenne relais, ses parents décident de quitte Bruxelles pour un trou perdu durant l’été, un village dans une zone blanche.

La journée du 15 août débute sous le soleil habituel, encore plus brûlant que les jours d'avant. Les routes se sont mises à fondre. Bientôt les gens s'enliseront. Juliette lisait gamine l'histoire d'un cochon jaune qui aimait plus que tout s'enfoncer dans la boue. Un jour il s'échappait en ville et prenait pour de la boue du béton fraîchement coulé sur un trottoir. Il s'enfonçait et se retrouvait prisonnier du béton séché. Juliette tâte du bout de sa chaussure les flaques fondues devant la fermette. Elle imagine les habitants de Varqueville pris par les pieds dans la route. Un premier prisonnier, un autre voulant le secourir à son tour figé, et ainsi de suite jusqu'au dernier. Dans le livre, les pompiers libéraient le cochon jaune au marteau-piqueur. Un dépôt grumeleux s'accroche au bout de la chaussure. Ça luit. On dirait le mazout qui englue les oiseaux dans la mer. Le début d'une marée noire.
Sexy summer de Mathilde Alet

Une histoire sans vraiment de fil et qui part dans tous les sens, premiers baisers, bande de jeunes, électrosensibilité, surpoids, agression sexuelle, tensions des parents, chaleur de l’été, amitié… difficile d’accrocher

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quitter Bruxelles. Quitter Bruxelles, changer de boulot, se désabonner de la télé, quitter Bruxelles, partir au vert, prendre le vélo, manger bio, quitter Bruxelles...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Elle n'a pas vraiment peur, de quoi aurait-elle peur ? Des chiens de garde assoupis, des curieux mal planqués, du mouvement d'un voilage ? Ce ne sont pas les inconnus qui l'effraient, ce sont ceux qui savent. Ici en un sens elle est sauve. Personne ne connaît le poids de l'amour dans son ventre. »

Juliette souffre de la « maladie des ondes ». Raison de son déménagement au coeur d'une zone blanche loin de Bruxelles. Fille de la ville, que va-t-il lui arriver dans ces paysages plats et mornes où la violence couve autant que l'humanité ?

L'étrangeté des campagnes belges forme le décor de ce roman âpre, l'histoire d'une jeune fille dont les rêves enfantins se heurtent à la difficulté de grandir.

La ballade de Nitchevo

Woaw ! Quelle claque que cette ballade (pas du tout reposante, pour une ballade) ! Un bouquin complètement barré qui fait du bien, à condition de s’y laisser guider !

J'ai à peine le temps de reposer mon stylo que Milton me
demande : « Sinon, Slim, c'est ton mec ? »
Je rougis comme si je venais de passer sept heures sous un soleil de feu : « Non, pourquoi ? »
Slim me fusille du regard.
Je bafouille : « Bah, quoi, t'es pas mon mec. Si ?... »
Il ne réplique pas, mais je sens qu'il bouillonne de l'intérieur. Milton, qui ne sait manifestement pas lire les signaux muets du corps (ou qui n'en a rien à battre), plonge ses yeux dans les miens, façon hameçons: « Cool. J'avais un doute. Tu ne veux pas qu'on se fasse un câlin tantrique? Je suis sûr que ta yoni est plus désaltérante qu'une framboise. »
Alors que je suis encore en train de me demander ce que peut être une yoni et un câlin tantrique (je viens de prendre de l'héro, il faut pardonner la lenteur de mon esprit), Slim se lève d'un bond et gueule : « Elle a pas envie, non ! »
Jean-Pierre ouvre un œil.
Milton reste imperturbable: « Pourquoi tu le laisses répondre à ta place, Nitch' ? Tu sais que t'es libre ? Tu le sais, ça, j'espère. En même temps, je te propose ça, mais il ne faut pas faire l'amour avant une cérémonie d'ayahuasca. Il ne faut pas boire d'alcool, non plus. Ni manger trop sucré ni trop salé. Et éviter la viande. Et les épices. Et le matin même : jeûne total. »
La ballade de Nitchevo de Claire Barré

Car oui, cette histoire prend la forme et le fond de ce qu’elle raconte et il va bien falloir vomir tripes et boyaux avant de commencer à comprendre où Claire nous guide, à la façon d’une grande chamane.

« Pourquoi tu manges pas de porc, si t'es pas croyant ?
 - J'aime pas ça.
 - Moi non plus, j'aime pas trop ça. Dans l'idéal, tu vois, j'aimerais devenir végétarienne. Par compassion envers le règne animal et tout. Mais le fait est que, quand on me met un steak sous les yeux, si j'ai faim, je le mange. Je suis paresseuse. Je crois bien que c'est la paresse qui tuera le monde. »

L’histoire de la rencontre de deux jeunes toxicos avec un trans, tous bien paumés ! Une fable moderne à la rencontre de soi et du « plus que soi »

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Une bruine désolante fait grincer les essuie-glaces.
Et nous, on est là. Dans une voiture qui roule trop vite. Une 205 sans âge qui risque de finir épinglée à un platane si Slim ne se calme pas sur l'accélérateur.
Tout ça parce qu'un type m'a reluquée.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Écorchée vive. Nitch' traîne sa mélancolie auprès de Slim dont elle est secrètement amoureuse. Les deux jeunes gens « roulent des pelles à l'autodestruction » en abusant de drogues qui anesthésient leur mal de vivre. Elle se rêve poétesse, lui graffeur, mais l'avenir est enlisé dans les « champs de pavot de Miss Défonce ». Les chemins de l'errance aboutissent chez Jean-Pierre, travesti paumé qui leur offre le gîte, le couvert et l'amitié. Une altercation avec un dealer qui tourne mal et tout ce petit monde prend le large, direction La Rochelle. L'avenir avec sa « sale gueule d'impasse » offre tout d'un coup une échappée que Nitch' va saisir.

Serait-il possible qu'au bout de la nuit noire de l'âme se trouve une lumière qui, sitôt qu'on l'a vue, nous transforme ?

Ce grand roman de résilience y répond avec force, ode à une jeune femme qui reçoit au détour, de son chemin abîmé, l'enseignement des plantes de la forêt amazonienne et qui fait, les yeux grands ouverts, le choix de vivre.

Ne crains pas l’ombre ni les chiens errants

Camille Zabka nous raconte une fin de couple, dans la violence et la fuite. Et c’est pas mal bien foutu.

Tous entraient en Indonésie comme dans un supermarché. Il leur fallait tout voir, tout visiter. Une plage déserte, un ancien palais devenu hôtel, un bivouac avec cuisinier et guide à Kalimantan, une goélette affrétée juste pour eux dans les champs d'algues de Nusa Lembongan, une croisière le long du fleuve Mahakam. Avec de l'argent, il y a de multiples manières de s'emparer du monde. Ils étaient des consommateurs de paysages, de fausses aventures, de souvenirs.
Moi, je n'aimais pas l'avion, et Lucas estimait qu'il voyageait déjà assez pour son travail.
Ne crains pas l’ombre ni les chiens errants de Camille Zabka

Mais mieux encore, elle nous raconte l’Indonésie, les expats condescendants, vivant en groupes dans des prisons dorées, servis par « ceux qui font », les pembantus, domestiques, chauffeurs, jardiniers…

Je noue le kain autour de mon épaule, y cale bien mon enfant et demande autour de moi :
 - Ojek ? Taxi ?
Je marche vers les remparts de Jogjakarta, le centre de l'ancienne capitale de Java, cette ville qu'avec Lucas nous avions tant aimée. Les rues en arc de cercle suivent l'ancien tracé des rizières. 
Partir, partir, partir.

Elle raconte aussi les ravages des cultures de palme, la déforestation, la destruction de l’habitat des orang-outans…

Une bien moche réalité

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C'est la bonne nuit pour fuir. La lune éclaire la route.
Je chante pour me donner le courage de rejoindre le village, au loin là-bas, de l'autre côté de la forêt.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
C'est l'histoire d'une femme qui a cru au paradis en s'installant sur l'île de Java.

Mais quand elle se retrouve derrière les hauts murs de son Complex pour Occidentaux, elle découvre une autre réalité, un autre homme et le décor de rêve se fissure.

Elle refuse d'être écartelée entre deux mondes.

Elle vient d'avoir trente ans, un âge pour vivre ou pour mourir. Elle va choisir de vivre.

Troll me tender

Du feel-good version institutrice candide en ZEP sur les réseaux sociaux.

 - Écoute, j'ai failli te dire de ne pas venir, mais je n'ai pas voulu t'affoler... 
 - Ton père est parti.
 -Quoi? Comment ça, parti?
Il est allé retrouver sa PUTE! lance Chantal rageusement en tournant la clef de contact.
Abasourdie, Amandine se prend une décharge de dix mille volts, tétanisée sur son siège, le souffle coupé, la mâchoire béante. Choquée et effrayée par sa mère qui semble possédée. L'insulte l'a percutée de plein fouet. Et pour cause, Chantal ne s'est jamais rabaissée à pareil langage devant elle, dans sa bouche, ces propos relèvent du délire. D'ailleurs, Amandine reconnaît à peine son visage crispé de douleur, ses deux mains désespérément agrippées au volant, comme si, après son mari, on essayait aussi de lui voler sa voiture. En cinquante ans de mariage, ses parents ne se sont jamais quittés, ce sont des inséparables. Pendant trente-deux ans, ils ont travaillé côte à côte dans leur petite charcuterie de Saint-Désir, Chantal à la caisse, toujours coquette dans sa blouse fleurie, aimable et bien coiffée, tandis que Gérard s'affairait gaiement, jovial, derrière son comptoir pour servir au mieux leurs clients.
Troll me tender de Sophie de Villenoisy

Clairement, je ne suis pas le bon public, mais les vacances servent aussi à la découverte.

Une histoire rigolote pleine de bons sentiments à la morale pédagogique qui aligne les clichés et images préfabriquées et qui a eu raison de mon plaisir

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Un an déjà qu'elle enseigne au collège Georges-Brassens et la peur est toujours là, comme une intruse, tapie dans la chaleur de ses entrailles. L'appréhension de rentrer en classe. Ce sentiment irrépressible de ne pas être à la hauteur. La hantise d'être avalée crue par vingt-cinq ados survitaminés. C'est comme se retrouver dans la cage aux lions, sans fouet, ni protection.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Amandine Doucet, jeune professeure de français, est parachutée dans un collège sensible de banlieue parisienne. Sur place le constat est sans appel, elle n'a ni la bosse pédagogique ni l'autorité pour dompter ses élèves. Désabusée, elle se console en clashant sur les réseaux sociaux des influenceurs issus de la téléréalité, en particulier Sandra Faitout. Celle-ci cristallise à ses yeux la déchéance intellectuelle qui mine cette jeunesse.

Sous couvert d'anonymat, Amandine soigne son ego en se taillant une réputation de vanneuse et n'hésite pas à confronter en duel son ennemie virtuelle. Mais ce don pour la médisance pourrait bien se retourner contre elle...

Nafasam

Un livre beau comme l’amour, dépaysant comme l’exil, questionnant comme la religion, délicieux comme le tadig et triste comme la maladie.

La cuisine iranienne s'apprend en secret. Tu ne poses pas de questions. Tu ne demandes pas. Tu observes. Tu goûtes. Tu traînes des heures entières en cuisine. Tu soulèves les couvercles. Tu te promènes avec une cuillère. Et tu regoûtes. Tu respires. Respire l'odeur. Et tu reconnais. Tu comprends. C'est cette épice qui donne ce goût-là. Tu regardes la viande qui mijote. Le mouvement de la très vieille cuillère en bois. Et tu enregistres. Tu apprends. Sans qu'on le sache. Tu deviens une femme qui sait faire.
Un jour, tu cuisineras au grand jour. Tu surprendras alors les autres femmes qui savent. Elles te regarderont autrement.
Nafasam de Chirine Sheybani

L’histoire d’une fille de famille juive ayant fuit le régime du Shah d’Iran pour les États-Unis et se retrouvant à Genève pour ses études et… Rencontrer Augustin. Une histoire d’amour au parfum des cuisines.

Sepideh attend. Encore une autre salle d'attente. Elle regarde le mur. Il n'y a pas de fenêtre. Elle aimerait voir dehors. Ça serait plus facile. Elle pense. Putain, quand même. Sepideh ne jure jamais. Et encore moins en français. Pourtant elle pense. Putain, quand même. Tu mets une vie à la construire. Une vie. Tu la construis. Tu t'appliques. Et c'est un château de cartes. Un souffle. Un coup trop fort. Et pouf. Tout tombe. Tout s'écroule. Toutes ces cartes que tu as disposées. Imbriquées. Toutes ces réflexions. Toutes ces hésitations. Pour faire bien. Pour faire au mieux. Tous ces choix. Toutes ces décisions. Et un jour. Un mec en blouse blanche. Te dit, ça ne va pas.

Une histoire de vie magnifique qui vibre au rythme des émotions

PS pour l’éditeur : Chères éditions cousu mouche, s’il vous plait, plus de polices sans-serif qui ne mettent pas vraiment en valeur vos textes. J’ai eu l’impression de lire un horaire de gare.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Augustin est assis en tailleur sur le tapis.

Elle s'asseyait toujours en tailleur. Partout. Sur les chaises, les fauteuils. Les canapés. Et par terre, évidemment.

Il y a du soleil dehors. Doux. Un chuchotement de lumière.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Augustin et Sepideh. Deux destins. Une rencontre. L’histoire d’un amour. En allant picorer dans leur existence, Chirine Sheybani parle de culture, d’identité, de cuisine, de maladie et d’amour.

À travers le personnage de Sepideh, elle raconte le destin des juifs iraniens, exilés sur leurs terres, puis de par le monde. Elle évoque la dignité de ces hommes et de ces femmes qui se construisent sans racines.

Chirine Sheybani dépeint aussi, au fil de pages puissantes, le combat contre la maladie et le droit de chacun d’écrire le mot fin de son histoire.

Écrit dans un style âpre, haché, et maîtrisé, Nafasam vous entraîne au plus près d’un couple attachant, dans l’intimité de Sepideh la fière et d’Augustin le conciliant.

Histoire du fils

Une histoire de famille avec une pièce manquante, des secrets d’une vie, de plusieurs même !

Les mains de Paul font merveille. Gabrielle ne se lasse pas des mains longues de Paul. Elle sait depuis le début qu'il partira, qu'il la laissera, parce qu'elle a seize ans de plus que lui et qu'elle lui a tout appris des femmes, ce qu'un homme comme lui ne saurait pardonner à aucune femme. Paul est un jeune chien un sauvage un rusé; il fait sa cour, il butine, il coule des regards de velours, il s'aiguise, il s'affûte, il a vite appris; il plante ses crocs, il sera capable de tout, il ne sera pas recommandable. C'est son type d'homme, elle le sait depuis longtemps; elle sera déchirée, comme jamais encore elle ne l'a été, c'est le prix à payer, le prix de l'ivresse.
Histoire du fils de Marie-Hélène Lafon

Et dans cette histoire du fils remarquablement écrite – mais à laquelle j’ai dû m’accrocher une peu – et qui commence bien avant lui, Marie-Hélène nous fait parcourir une généalogie entière ou les briques n’accrochent pas toujours.

Une galerie de portraits inachevés, mais criants de réalisme

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Les pieds nus d'Armand glissent sur le parquet; il ne veut pas réveiller Paul qui dort encore et fait son petit bruit de lèvres dégoûtant, comme un chiot quand il tète.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le fils, c'est André. La mère, c'est Gabrielle. Le père est inconnu. André est élevé par Hélène, la sœur de Gabrielle, et son mari. Il grandit au milieu de ses cousines. Chaque été, il retrouve Gabrielle qui vient passer ses vacances en famille.

Entre Figeac, dans le Lot, Chanterelle ou Aurillac, dans le Cantal, et Paris, Histoire du fils sonde le cœur d'une famille, ses bonheurs ordinaires et ses vertiges les plus profonds, ceux qui creusent des galeries dans les vies, sous les silences.

Maud Martha

Maud Martha, c’est l’enfance, la jeunesse, le mariage et la famille d’une femme noire à Chicago dans les années 40.

Ses rêveries n'appartenaient qu'à elle. Elle aimait rêvasser à des textures aussi douces que de la mie de pain, à la lumière, à la beauté sophistiquée, à des surfaces aussi étincelantes que des joyaux. Il n'y avait aucun mal à cela, n'est-ce pas ? Par ailleurs, qui pouvait jurer qu'elle ne réaliserait pas son rêve? Pas complètement, d'accord! Mais au moins en partie ?
Elle avait dix-huit ans et le monde attendait. De pouvoir la caresser.
Maud Martha de Gwendolyn Brooks

C’est donc aussi la violence du racisme, l’inexorable patriarcat, la pauvreté, les petits appartements miteux, les boulots avilissants…

Elle avait aspiré à quelque chose de solide. Elle avait aspiré à quelque chose de chatoyant, de chaleureux, mais qui fût dur aussi, comme du roc, incassable. Elle avait aspiré à établir... une tradition. Elle avait aspiré, pour leur propre usage, pour elle, pour lui, pour la petite Paulette, à un ensemble de coutumes inébranlables. Elle avait aspiré à de la pierre ; seulement voilà, elle se conduisait comme son épouse, apaisante, attentive en tous points, maternante - bref, la voilà qui fêtait Noël en faisant passer des bretzels et des bières.

Mais aussi, les joies de l’enfance, de la maternité, les rêves de l’amour et l’humour cruel de la vie.

Il y avait aussi Clement Lewy, un petit garçon qui vivait au premier étage, dans l'un des logements donnant sur la cour de derrière.
La vie des Lewy n'était pas très animée. Elle était même plutôt sans saveur. Comme une pâte à gâteau pas mélangée. Avec des grumeaux.

C’est écrit magnifiquement bien, les phrases y sont les bijoux d’un collier et les petits chapitres, des tranches de vies comme des peintures évidentes de réalisme

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ce qu'elle pouvait aimer les bonbons boutons, et les livres, et peindre la musique (do bleu profond, ré délicatement argenté), et le ciel de l'ouest, si changeant, vu des marches de la véranda de derrière; et les pissenlits.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Publié en 1953, Maud Martha est le premier et unique roman de l'immense poétesse américaine Gwendolyn Brooks. Largement inspiré de la vie de l'autrice, Maud Martha retrace en trente-quatre brefs tableaux les différentes étapes de son existence : enfance, jeunesse, mariage, vie conjugale, maternité... Les épisodes de la vie, qui sont les mêmes pour tous, éprouvés par une jeune femme noire de Chicago dans les années 1940.

À partir des petits riens qui forment le tissu de l'existence et épousent la courbe de la mémoire, Gwendolyn Brooks a composé une grande oeuvre littéraire traversée par les questions raciales et leurs violences silencieuses. Un roman magnifique sur une femme qui doute d'elle-même et de la place qu'elle tient dans le monde.

Sauvage

Sauvage, c’est l’histoire d’une femme à la cuisine. Mais attention, pas de confusion ! Forte et maîtresse de sa destinée dans un restaurant romain.

Trois années étaient passées comme ça. Ma mère butée et furieuse, Matilda grandissant, mon père au sommet de son art, et Cassio et moi dans la cuisine bourdonnante, à se brûler les doigts. Antipasti, primi piatti, secondi piatti, dolci. Carciofi alla romana, pasta all'amatriciana, pasta alla carbonara, têtes d'agneau au four, cacio e pepe, coda alla vaccinara, tarte à la ricotta du Haut Latium, agneau de lait à la romaine, salade de puntarelle aux anchois. L'ivresse du travail qui nous réunissait tous les trois comme un culte. Le feu bleu des gazinières. Les hurlements.
Sauvage de Julia Kerninon

Mais aussi une femme qui se cherche, bousculée par sa passion, ses amours, sa famille et son désir.

J'étais entrée dans le restaurant de Cassio, il avait goûté la cuillerée que je lui avais tendue, il avait avalé, et il avait souri d'un sourire immense. Il avait dit « C'est fabuleux, Ottavia. Fabuleux. Qu'est-ce que c'est ? » L'espace d'un instant suspendu, tout avait paru si simple. Je nous avais vus continuer comme nous étions, nos deux appartements, nos habitudes, nos convictions, nos souvenirs, j'avais pensé aux derniers jours, à combien il m'avait manqué à Paris, à tout ce qu'il était le seul à savoir sur moi, tout ce que j'étais la seule à savoir sur lui et continuer avait semblé possible. Mais la seconde d'après je m'étais entendue dire à voix haute « C'est toute ma colère contre toi, Cassio. C'est terminé, cette fois. »

Une ode à la cuisine romaine portée par une femme décidée et qui, malgré ses doutes, prend sa vie en main.

Magnifique !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C'est le matin à Rome. Quelques heures plus tôt, je me suis réveillée à côté de Bensch, il m'a embrassée, et puis les voix cristallines des enfants se sont élevées dans les chambres, le jour s'est ouvert. J'ai filé dans la salle de bains, je me suis lavé les cheveux, je les ai séchés, attachés en chignon. J'ai passé une robe noire et des collants, j'ai mis de la crème, du mascara, du rouge à lèvres, des boucles d'oreilles.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À Rome, Ottavia Selvaggio a décidé à quinze ans d'être maîtresse de son destin. Ni ses histoires d'amour, ni le mariage, ni même la maternité ne la font dévier de sa route. Pendant que son mari s'occupe de leurs enfants, elle invente dans son restaurant une cuisine qui ne doit rien à personne.

En robe noire et sans frémir, Ottavia avance droit, jusqu'au jour où un homme surgit du passé avec un aveu qui la pousse à douter de ses décisions. Comment être certaine d'avoir choisi sa vie ?

Le désir a-t-il une fin ?

La langue des choses cachées

La forme est travaillée, recherchée, poétique à l’excès. Elle en enrobe le fond et l’histoire pour en devenir une figure de style ampoulée qui m’a lassé et laissé en surface.

 - Je ne dis pas que c'est votre faute, ni que vous avez menti. Mais vous n'êtes pas malade, pas vraiment, n'est-ce pas?
La jeune femme soupira. La maison ne prendrait pas feu. La colère redevint une ombre et la mère avança le buste, pliée, son visage à hauteur de figure, elle tendait le cou comme un cygne.
 - Je ne suis pas malade, mais j'ai si mal, souffla-t-elle, les yeux descendus sur son ventre.
 - Vous avez mal de chagrin. C'est la vraie douleur.
La langue des choses cachées de Cécile Coulon

Et même l’histoire (qui baigne dans un ésotérisme qui me laisse généralement froid, il est vrai), de guérisseurs et guérisseuses se transmettant leurs dons pour soigner celles et ceux pour qui les hommes ne peuvent rien, ne m’a pas vraiment touché

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Car c'est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent, en prenant avec les cieux de funestes engagements: leurs mains caressent et déchirent, rendent la peau si douce qu'on y plonge facilement des lances et des épées.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À la tombée du jour, un jeune guérisseur se rend dans un village reculé. Sa mère lui a toujours dit : « Ne laisse jamais de traces de ton passage. » Il obéit toujours à sa mère. Sauf cette nuit-là.
Cécile Coulon explore dans ce roman des thèmes universels : la force poétique de la nature et la noirceur des hommes.
Avec La Langue des choses cachées, ses talents de romancière et de poétesse se mêlent dans une oeuvre littéraire exceptionnelle.

Je suis fait de leur absence

Je suis fait de leur absence avance masqué, mais aussi rapidement qu’insidieusement, il devient plus sombre. Et au fil des flash-back (un peu lassants, certes), la noirceur s’installe au cœur d’un amour naissant.

Mais rien n'y a fait. Force est de constater que je me suis imposé, seul, l'idée de ne pas avoir d'autre choix. Je ne trouve aucune alternative pour changer le récit. Seule la rage s'éternise. Tant pis. J'irai au bout résoudre l'éternelle contradiction. La violence pour achever la violence.
Je suis fait de leur absence de Tim Dup

Un livre marquant sur les féminicides. Mais plus encore, sur ceux qui restent, les victimes collatérales, les enfants et la famille qui devront vivre avec. Avec la culpabilité et la douleur des survivants

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'adore cette maison. Elle raconte ma famille comme personne; d'où nous venons, nos enfances, nos miracles, nos aberrations. Roseville- sur-Mer. C'est là que tout s'est joué et que tout se joue encore.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Je me concentre sur la panoplie de cartes postales. Sophie écrit d'une colonie de vacances, à l'été 1975, d'un trait large et penché de petite fille. Je trouve un calepin. Dépassent une branche, des pétales séchés. Se suit, page après page, une succession d'herbiers. Ces fleurs font apparaître en moi la grive de mes rêves, l'oiseau de la culpabilité. Les feuilles sont datées à l'encre noire, sur chaque coin gauche, d'une écriture plus mûre. Sous le carnet, d'autres cartes. Un fjord s'étire, blanchi de flocons, sous une brume mortuaire. L'image est paisible, appelle à plonger le regard comme pour se déverser dans l'interdit. Je la retourne. Un haut-le-coeur. Je la parcours, tremblant. Les empreintes de Sophie sont là. Elle a dû la lire, la relire un nombre incalculable de fois ; d'abord transie d'amour, puis cherchant un soupçon d'espérance à mesure que tout sombrait. »

Dans un paysage balayé par le sel et le vent, le premier roman de Tim Dup explore avec nuances la question des violences intrafamiliales, tout en reconduisant le lecteur dans la maison universelle de son enfance.