Les frères Sisters

Un pur western, avec des tueurs à gages, bien méchants (et peut-être pas tant que ça), du sang, des chevaux, des chercheurs d’or, de la folie et beaucoup, beaucoup d’humour !

Père a cassé la fenêtre d'un coup de poing puis il l'a frappée sur le bras avec le manche de la hache. Je crois qu'il était devenu fou. Il avait déjà frôlé la folie auparavant, mais quand je suis retourné dans la maison pour aider Mère, j'ai eu le sentiment qu'il était complètement dément. Il ne m'a pas reconnu lorsque je suis entré avec mon fusil.
 - Comment se fait-il que les gens deviennent fous ?
 - Ça arrive, c'est tout.
 - Peut-on vraiment perdre l'esprit et redevenir normal ensuite ?
 - Pas complètement. Non, je ne crois pas. J'ai entendu dire que c'était héréditaire, que c'est le père qui transmettait la folie aux enfants.
 - Je n'y ai jamais pensé. Pourquoi ? Tu te sens fou, parfois ?
 - Parfois je me sens impuissant.
 - Je ne crois pas que ce soit la même chose.
Les frères Sisters de Patrick deWitt

Vraiment un très, très bon livre qui m’a bien fait rire et dont Jacques Audiard en a fait une adaptation pas trop dégueu

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Assis devant le manoir du Commodore, j'attendais que mon frère Charlie revienne avec des nouvelles de notre affaire.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Oregon, 1851. Eli et Charlie Sisters, redoutable tandem de tueurs professionnels aux tempéraments radicalement opposés mais d'égale (et sinistre) réputation, chevauchent vers Sacramento, Californie, dans le but de mettre fin, sur ordre du « Commodore », leur employeur, aux jours d'un chercheur d'or du nom de Hermann Kermit Warm. Tandis que Charlie galope sans états d'âme - mais non sans eau-de-vie - vers le crime, Eli ne cesse de s'interroger sur les inconvénients de la fraternité et sur la pertinence de la funeste activité à laquelle lui et Charlie s'adonnent au fil de rencontres aussi insolites que belliqueuses avec toutes sortes d'individus patibulaires et de visionnaires qui hantent l'Amérique de la Ruée vers l'or.

Dans ce roman jubilatoire où l'humour noir le dispute à une subtile excentricité, Patrick de Witt rend un hommage décalé aux classiques du western tout en invitant le lecteur à en explorer les ténèbres, sous l'inoubliable houlette de deux frères moins liés par le sang et la violence que par l'indéfectible amour qu'en silence ils se portent.

Furies

Quel impressionnant premier roman ! Construction, personnages, lieux, forme et fond… tout est maîtrisé, les éléments du récit se répondent les uns aux autres, sans fioritures dans un furieux roman.

 - Tout va bien ?
Asim grogna. Ce tissu sous ses doigts, c'était une étoffe qu'il avait déjà serrée. Il en reconnaissait les perles, l'entrelacement des fils. Et il y avait ce bouton de nacre qu'il avait attaché sous sa nuque... Asim tourna légèrement la tête, et ce fut l'extinction du monde.
Ah, tu as trouvé la mariée! Elle devait être belle! Depuis la montagne on a pu voir son cortège quitter la ville. Dommage pour eux, ils ont croisé une brigade de djihadistes. Ils l'ont décapitée parce qu'elle était maquillée et ne portait qu'un voile transparent. Ils ont dit que c'était contraire au Coran et ils ont aussi tué l'époux. Pour impureté. Il aurait dû empêcher l'indécence de sa femme, c'est ce qu'ils ont dit.
Furies de Julie Ruocco

Et dans cette furie, la force des femmes s’élève en rempart contre la barbarie des hommes, de Daesh, de la guerre en Syrie.

Bérénice avait cru dans la langue. Elle avait reçu de son père le sens de chaque mot comme un cadeau, un trésor que son accent polissait spécialement pour elle. Aujourd'hui elle rencontrait une autre parole, à la fois sublime et impuissante. Une voix qui ouvrait un gouffre. Elle comprenait soudain que les mots avaient deux faces, deux histoires parallèles qui s'écrivaient avec le sang d'une même humanité. Plus jamais elle ne pourrait prononcer le mot paix, le mot justice, sans éprouver de la honte. Les lettres s'effaçaient, elles n'étaient plus que des coquilles vides. Toute la lâcheté de la civilisation résidait dans cette promesse non tenue, dans cet écho répété à l'infini.

Un roman ou la tendresse trouve toutefois sa place, même parfois dans le cœur des hommes. Furies vengeresses, résilientes ou utopistes… toujours combattantes

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
"On vit dans un monde de coïncidences. Un homme et une balle qui se rencontrent, c'est une coïncidence."
Elle ne savait pas pourquoi, mais les mots d'Aragon tournaient en boucle dans sa tête et elle ne pouvait rien y faire. Cela faisait pourtant longtemps qu'elle n'avait pas relu Aurélien. Elle fixait les grappes d'air qui s'agglutinaient à la surface de son café bouillant. On aurait dit des œufs d'insecte en train d'éclore.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
En mission à la frontière turque, Bérénice, archéologue française dévoyée en receleuse d'antiquités, se heurte à l'expérience de la guerre. Dans la convulsion des événements, elle recueille la fille d'une réfugiée, et fait la rencontre d'Asim, pompier syrien devenu fossoyeur. Poussé par l'avènement de l'État islamique, ce dernier s'est exilé en Turquie, où il fabrique de faux passeports. Aux morts enterrés dans son pays, il tente de redonner vie par la résurrection de leurs noms. La grandeur de sa tâche est à la mesure de sa folie. Celle de maintenir une mémoire vive, au moment même de son effondrement. Cette cause, qui perdure au-delà du seul pari individuel, les mènera jusqu'au Rojava, sur la trace des guerrières peshmergas et de leur combat pour la liberté.

Entre ce que Bérénice déterre et ce qu'Asim ensevelit, il y a l'élan d'un peuple qui se lève et qui a cru dans sa révolution. Quand les événements s'emballent et qu'ils contractent les existences, seules les coïncidences peuvent retisser ce qui a été défait par la guerre.

Sondant notre histoire contemporaine à la recherche des Furies antiques, le roman de Julie Ruocco rend un hommage puissant aux femmes qui ont fait les révolutions arabes, et à leur quête de justice.

Le monde véritable

Ce monde véritable est sous titré « fable ». Une fable tendant à illustrer une leçon de vie… Et donc ? De quelle leçon Jim Fergus souhaite donc nous parler ? Il y a des méchants ? Le bonheur ne dure jamais, soyons vigilants ? Il faut faire confiance aux animaux ?

Premiers arrivés, les loups se sont massés sur la colline voisine, formant des meutes de différentes espèces. Pitoyables créatures, et pourtant angoissantes, secondées de coyotes, de renards, de chiens, tous pelés et la bave aux babines. Leurs côtes saillantes semblent prêtes à leur trouer la peau. Ils sont si proches maintenant que nous parviennent les miasmes qu'exhalent les cavaliers et leurs montures. Des hommes, des femmes se dressent sur une seconde colline, répandant tous une puanteur mortifère, l'odeur infecte de la chair putride.
Le cavalier qui s'avance à présent, brandissant un drapeau aux couleurs inconnues, n'a pas cet aspect maladif que présentent les autres. Ni son cheval ni lui ne paraissent mal en point.
Le monde véritable de Jim Fergus

Un petit opus qui m’a semblé bien inutile et fort loin de la puissance des Mille femmes blanches.

Illustrations de Anne-Gaëlle Amiot

Restent de très belles illustrations de Anne-Gaëlle Amiot qui agrémentent une bien faiblichonne fable

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je m'appelle Molly McGill Hawk et je suis arrivée ici, en compagnie d'un certain nombre de mes concitoyennes, à l'automne de l'an de grâce 1877.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
1877 : Victime de violences conjugales, Molly McGill, une jeune institutrice, est condamnée pour le meurtre de son mari. Emprisonnée à Sing Sing, elle a l'occasion de s'en sortir en acceptant de rejoindre un convoi de mille femmes blanches destinées à épouser des guerriers indiens. Bientôt, elle découvre les mœurs des Cheyennes, leur culture, leur communion avec la nature, et trouve une liberté inespérée en adoptant leur mode de vie. Mais quelques mois plus tard, en dépit de tous les traités, l'armée américaine décime sa tribu. Molly a désormais le choix entre rejoindre une prétendue « civilisation » dont elle ne connaît que trop les méfaits ou dépérir dans une réserve. Elle décide alors, en compagnie d'un petit groupe de femmes, de suivre une vieille Cheyenne aveugle vers le « Monde véritable », un paradis selon la mythologie amérindienne. Et elle se retrouve en effet dans un véritable Éden, une prairie luxuriante au pied des montagnes, en compagnie de Hawk, son époux indien, de leurs filles, et de leur chien, Falstaff. Mais bientôt, une voyageuse impromptue se présente pour prévenir la petite communauté d'une menace imminente...

Après Mille femmes blanches, c'est sous la forme d'une fable que Jim Fergus nous raconte ici la destinée de Molly, une héroïne hors du commun. Il nous offre à la fois un magnifique portrait de femme et un hommage bouleversant à une culture pleine de vie que la civilisation moderne s'est efforcée d'éradiquer. On peut aussi y lire une parabole d'une actualité brûlante sur les dangers qui guettent notre monde.

Le vent léger

Le vent léger, c’est l’enfance heureuse, joyeuse et insouciante. La vie qui naît, ensemble, en famille avec une sœur et des frères. La musique des saisons et l’amour qui porte et transporte.

Mon grand-père justement avait répandu toute sa vie cette légende jamais démentie: « Un jour, dans la petite vallée où nous avions notre ferme, le grand char du vent, passant en trombe dans le pacage, a soulevé notre plus grosse vache et l'a déposée sur le toit de la grange. Parce qu'il ne disposait pas d'une grue, mon père a dû grimper là-haut avec sa scie et découper la portion du toit où reposait l'animal. Aussitôt la dernière planche sectionnée, la vache a traversé le grenier à la verticale pour aller lourdement finir sa course dans l'énorme tas de foin aménagé sur le plancher du bâtiment. » Voici ce que j'en pense : ça ne s'est pas passé comme ça. Mais je considère cette histoire merveilleuse comme étant l'origine familiale de notre intérêt pour un usage, disons, poétique de la vie, et pour une certaine refonte du réel appuyée aux ressorts de l'imagination, à sa cause agissante, sa force occulte et morale.
Le vent léger de Jean-François Beauchemin

Et la maladie et la mort qui s’invitent.

Et c’est très beau, même si ça force un peu sur le mélo et le « c’était plus authentique avant »

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Un matin de l'été mille-neuf-cent-soixante-cinq, peu après le passage de la benne à ordures, la verroterie des dernières étoiles a cessé de scintiller, et la nuit noire du monde a majestueusement cédé sa place aux rayons poétiques et très anciens du soleil.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À l’automne de l’année mille-neuf-cent-soixante-et-onze, une famille composée de six enfants délurés et de leurs parents vit une existence paisible à la campagne. La mère, bientôt malade, est l’objet de l’attention tendre et des soins empressés du père et de ces enfants aimants, à la fois graves et légers, introspectifs et expressifs. À leur récit de ce passage obligé par le malheur et le chagrin s’enchevêtrent divers événements ponctuant l’histoire récente du Québec et du monde. Comme si l’aventure humaine n’était en vérité ni petite ni grande, mais jalonnée de faits, de courants et de hasards, tragiques ou frivoles, formant à la fin un collier, ou une chaîne, celle de cette existence dérisoire et merveilleuse que nous traversons tous.

Le combat ordinaire : intégrale

Un chef d’oeuvre de la BD. Un homme qui s’agrippe et tente de construire sa vie.

Le combat ordinaire de Manu Larcenet

Oscillant entre grosse marrade et profonde déprime, humour léger et crises d’angoisses, ce combat ordinaire dévoile un homme qui doute, se cherche, et se confronte (voir, se retrouve confronté bien malgré lui) pour tenter d’avancer.

Et c’est beau, sensible et d’une grande finesse

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un jeune photographe, en pleine interrogation existentielle, se retire à la campagne. Il rencontre alors un vieux pêcheur, une jeune femme vétérinaire et l'amour, avec les choix qu'il implique

Terrasses ou Notre long baiser si longtemps retardé

Terrasses, c’est la vie qui aime, joyeuse et impatiente et qui va rencontrer la mort, l’arbitraire, la violence indicible.

Sur ceux qui étaient assis à côté de nous. Sur ceux à qui nous parlions. Sur ceux qui essaient de s'enfuir.
Ils tirent. Ils tirent. Ils prennent tout leur temps.
« Toi, oui... Toi, pas...» Le Hasard est arrivé. Il est sur nous, s'amuse en poussant nos vies du bout des doigts. « Toi, oui... Toi, aussi...»
Terrasses ou Notre long baiser si longtemps retardé de Laurent Gaudé

Comment comprendre ce que tout sépare ?

C'est la lenteur qui vient maintenant. Il faut quelques secondes pour saccager une vie mais des années pour la réparer. Longue patience du corps qui va devoir se rééduquer, gagner du terrain, séance après séance. Volonté des muscles d'aller plus loin, de tirer un peu plus fort, de repousser les limites, pour marcher à nouveau. Longue patience de l'âme qui s'effondre parfois, se met à pleurer, pense que rien n'aura plus jamais le goût d'avant puis se reprend, s'accroche. Vivre à nouveau. C'est un exercice difficile.

Au travers des voix qui seront au mauvais endroit, Laurent Gaudé célèbre la vie, l’entraide, l’amour et la résilience face à la barbarie

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ouvre les yeux. Je me dis que cette journée est belle puisque nous allons nous voir ce soir. Je souris à l'idée de ce rendez-vous et sens, dès le matin, cette boule dans le ventre qui dit que je t'aime peut-être plus que je ne le pensais.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Vendredi 13 novembre 2015, il fait exceptionnellement doux à Paris - on rêve alors à cette soirée qui pourrait avoir des airs de fête. Deux amoureuses savourent l'impatience de se retrouver ; des jumelles s'apprêtent à célébrer leur anniversaire ; une mère s'autorise à sortir sans sa fille ni son mari pour quelques heures de musique. Partout on va bavarder, rire, boire, danser, laisser le temps au temps. Rien n'annonce encore l'horreur imminente.

Laurent Gaudé signe, avec Terrasses, un chant polyphonique qui réinvente les gestes, restitue les regards échangés, les quelques mots partagés, essentiels - écrit l'humanité qui éclot au cœur d'une nuit déchirée par l'impensable. Et offre à tous un refuge, face à un impossible oubli.

La muette

Mariée de force, battue et violée par son mari, Fatemeh va être pendue dans quelques jours. Elle en profite pour écrire son histoire, la suite des événements qui ont précédé la sentence.

On l'a enterrée dans la parcelle du cimetière réservée aux criminels pour que son péché d'adultère ne contamine pas les vertueux musulmans. Misérables humains que les pauvres croyants. Les jours qui ont suivi j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps.
Sept jours après l'enterrement, un homme sonna à notre porte, mon petit frère a ouvert. Ton père est là ? a dit une voix masculine qui tenait à se faire entendre. Mon père s'est levé, il s'est entretenu quelques minutes avec l'inconnu, en laissant la porte entrouverte derrière lui, puis il est rentré, l'air accablé, a fermé la porte, s'est affaissé sur le kilim. Il tenait un papier à la main
La muette de Chahdortt Djavann

Aujourd’hui, des femmes sont lapidées pour être tombées amoureuses et avoir eu des relations en dehors du mariage. Aujourd’hui, des femmes sont violées et battues en toutes impunité.

Chahdortt Djavann raconte à travers la voix de Fatemeh, une vie de femme en Iran. Et c’est glaçant !

Une autrice indispensable, une plume qui découpe les faux-semblants mieux qu’un scalpel

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai quinze ans, je m'appelle Fatemeh, mais je n'aime pas mon prénom. Dans notre quartier, tout le monde avait un surnom, le mien était la nièce de la muette. La muette était ma tante paternelle. Je vais être pendue bientôt : ma mère m'avait nommée Fatemeh parce que j'étais née le jour de la naissance de Mahomet, et comme j'étais une fille, elle m'avait donné le prénom de la fille du Prophète. Elle ne pensait pas qu'un jour je serais pendue ; moi non plus.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« J'ai quinze ans, je m'appelle Fatemeh mais je n'aime pas mon prénom. Je vais être pendue bientôt... »

L'amour fusionnel d'une adolescente pour sa tante muette, l'amour passionné de celle-ci pour un homme tournent au carnage dans l'Iran des mollahs. Chahdortt Djavann fait un récit incisif et dénué de tout artifice. Une histoire qu'on n'oublie pas.

Confessions à un ficus

Roman absurde sur l’absurde ou roman drôle sur la tristesse ?

Ces confessions à un ficus sont un peu de tout ça tout en parlant de rupture, du monde du travail, de psychothérapie et de théâtre contemporain.

Foulerai-je un jour la terre d'un pas léger, délesté du fardeau qui m'encombre, et que je peine à définir ? Le docteur Somme ne m'a rien promis, sans me décourager non plus. « Pensez-vous pouvoir faire quelque chose pour moi ? » lui ai-je demandé lors de notre deuxième rendez-vous. L'air dubitatif, il a affirmé que « oui, si vous pouvez faire quelque chose pour vous ».
Il ignore que j'ai frappé à la porte d'un psychiatre par inadvertance, alors que j'espérais un généraliste disposé à me fournir de puissants somnifères.
Confessions à un ficus de Catherine Logean

Et c’est brillant ! Comme les feuilles d’un ficus qu’on aurait cirées
S'il ne répondait pas aux Pourquoi, le docteur Somme acceptait le Comment, sans se montrer très explicite cependant.
 - Comment faire, Docteur ?
 - Essayez.
 - Essayer quoi ?
 - Autre chose.

Un petit livre très (vraiment très) drôle qui se joue de Geoffroy qui peine à jouer. Paumé, largué, inadapté… mais sincère et touchant. Et capable, comme nul autre, de démontrer l’absurde par lui-même

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je me lève, mais je reste assis

Avant de revoir la lumière du jour devant un parterre de voisins curieux, compatissants, atterrés ou furieux - « mais que fait la régie ? » -, je suis resté coincé deux heures dans l'ascenseur. J'avais pour me distraire une facture, un prospectus annonçant une promotion sur les matelas Bico, au confort de couchage inégalé, et mon reflet dans le miroir: un individu ni grand ni petit, ni gros ni maigre, ni beau ni laid ; un compromis entre Laurel et Hardy.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Quand nous découvrons Geoffroy, le héros de ce roman, il est coincé dans un ascenseur, simple métaphore de l'existence pour cet employé timoré qui échoue superbement à faire son chemin. Doté d'un jumeau à qui tout réussit, il végète dans une entreprise d'emballage dont il va claquer la porte pour se consacrer au tri des pommes. Repéré par une metteuse en scène d'avant-garde qui porte haut l'art du vide, il subit les autres sans cesser de s'interroger, tant sur son absurde parcours que sur sa capacité à tout supporter.

Il faudra un ficus compatissant pour qu'il ose enfin sortir du cadre. Car il suffit parfois d'une plante de salon pour révéler une tragédie intime et bouffonne.

Catherine Logean, qui signe ici son premier livre, possède ce dont rare de faire rire avec un personnage aussi navrant que sincère.

Azincourt par temps de pluie

Avec Jean, c’était souvent truculent, picaresque, avec du gras sur la viande, du bruit en mangeant la soupe, une bonne claque dans le dos et une chopine de gros rouge en fessant la bonniche.

Alors que ça s'engueule à l'intérieur de la tente pour savoir où foutre les arbalétriers et les canons, à l'extérieur ça cause chiffon (de fer) :
 - Moi, pour la cotte de mailles, j'aime bien les anneaux rivés. C'est plus souple.
 - Je les préfère soudés, c'est plus compact. 
Pendant que des valets douchés tendent des lanières de cuir autour de leur personne, deux nobles de moindre importance que ceux qui entourent Charles d'Albret, sous la pluie diluvienne, comparent leurs armures :
 - Je voulais que la mienne ait une influence italienne mais aussi avec le style allemand; italienne dans ses formes plus seyantes mais allemande dans le décor de ses cannelures destinées à renforcer le métal.
 - Pour n'être pas directement à même la peau, au contact des plaques de tôle qui m'écorcheraient, j'ai demandé qu'on garnisse la face interne de ma carapace de drap et de velours.
 - Et moi je l'ai fait bourrer de coton et de soie. Avez-vous remarqué que mon épée, que j'ai baptisée « Douce », porte la marque d'un atelier d'Augsbourg ?
Azincourt par temps de pluie de Jean Teulé

La bataille d’Azincourt (vue du côté français), c’est une grosse défaite, la loose totale et une boucherie innommable. Une bataille qui sonnera la fin des guerres chevaleresques.
 - Je veux laver l'honneur de la France !
Au galop, épée au poing, il rejoint puis s'élance par-dessus la colline de percherons et d'hommes morts pour se jeter, seul, à l'assaut de l'armée ennemie tandis que le seigneur de Dammartin, qui l'observe, dit :
 - Quand même, il arrive bien tard, lui... 
Tué aussitôt, du crâne brisé d'Antoine de Brabant la cervelle se répand sur ses épaules alors que le comte d'Aumale précise au seigneur :
 - Oui mais juste à temps pour mourir !
Ben voilà, hein ! On s'emporte, on s'emporte...

Et les goguenards français partis pour ne faire qu’une bouchée des anglais décimés par la dysenterie. Nobles et nobliaux fanfaronnant en tête, pleins de leur bravoure et de leur supériorité, vont se prendre la pâtée !

Le matin précédant la bataille. Peinture de Sir John Gilbert (1884)

C’est gaulois, drôle et enlevé, mais c’est une boucherie. Il fallait Jean pour raconter ça

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Jeudi 24 octobre 1415
- Tiens, voilà aussi le poète !... Parmi les plis remuants de sa bannière trempée, on aperçoit un serpent couronné avalant un enfant. C'est celle du duc Charles d'Orléans!
- Oh, père, le neveu du souverain? Il semble jeune d'allure.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Azincourt, un joli nom de village, le vague souvenir d'une bataille perdue. Ce 25 octobre 1415, il pleut dru sur l'Artois. Quelques milliers de soldats anglais qui ne songent qu'à rentrer chez eux se retrouvent pris au piège par des Français en surnombre. Bottés, casqués, cuirassés, armés jusqu'aux dents, brandissant fièrement leurs étendards, tous les aristocrates de la cour de France se précipitent pour participer à la curée. Ils ont bien l'intention de se couvrir de gloire, dans la grande tradition de la chevalerie française. Aucun n'en reviendra vivant. Toutes les armées du monde ont, un jour ou l'autre, pris la pâtée, mais pour un désastre de cette ampleur, un seul mot s'impose : grandiose !

Avec la verve qu'on lui connaît et son sens du détail qui tue, Jean Teulé nous raconte ces trois jours dantesques où, sous une pluie battante, des milliers d'hommes se sont massacrés dans un affrontement sanglant d'autant plus désastreux que cette bataille était parfaitement inutile.

Journal cru et trop intime d’une fille qui voulait se taper la terre entière

Glôdine est seule, depuis un peu trop longtemps. Elle veut changer ça !

Vous me croyez ?
Non évidemment, vous ne me croyez pas...
Bah, vous avez raison...
Plus la vie avance, plus j'apprends à accepter ce qu'elle m'amène, à savoir:
Pas grand-chose.
Je vis ma vie sans attendre de surprise.
Je mène ma barque, sans vraiment savoir où elle me mène.
D'ailleurs, je crois qu'elle se déporte.
Je ne me dis pas, par exemple, qu'après le ponton tout rafistolé à deux doigts de céder sous mon poids, je trouverai une belle plage de sable blanc bordant une mer aux reflets turquoise. Non, ça, je ne me le dis pas... ou plus.
J'ai arrêté.
Je n'attends rien de la vie.
Ça génère trop de frustrations.
Journal cru et trop intime d’une fille qui voulait se taper la terre entière de Sarah Treille Stefani

Ce livre est le journal de ses efforts pour rencontrer l’homme qui la serrera dans ses bras… Car bien sûr, ça ne sera pas aussi simple que ça.

J'en ai rien à foutre, je vais me faire des crêpes. Une razzia de crêpes au Nutella.
15 h 42
Les crêpes étaient malsaines.
Délicieusement malsaines.
Mon dieu, le pied que j'ai pris.

C’est drôle et piquant, ça sent le désespoir et les incompréhensions. Et comme une toxico en manque, Glôdine est prête à toutes les compromissions pour une dose de câlins

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Samedi 18 avril, 23 h 35
Je m'appelle Glôdine.
Alors non, c'est pas une blague.
Et oui, c'est un prénom.
Glôdine.
Bon okay.
C'est pas Glodine.
C'est...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Je fuis les hommes parce qu'ils ne m'aiment pas comme je voudrais qu'ils m'aiment. Avant, c était une stratégie pour qu'ils me courent après. Mais comme personne ne me rattrape jamais, maintenant, c'est une devise. »

Elle a 34 ans et elle s'appelle Glôdine.

Pas vraiment laideron mais un peu bougon, Glôdine est persuadée que son prénom lui porte la poisse avec les mecs qui la voient davantage comme une bonne pote que comme une target potentielle.

Un jour, Glôdine, passablement bourrée, retombe sur le carnet Diddle de ses 12 ans et décide de se lancer un défi : trouver l'homme de sa vie avant d'avoir noirci la dernière page du carnet.

Si c'est un échec, alors elle partira en transhumance estivale avec un troupeau de chèvres.

À travers ce récit cru et sans tabou, Sarah Treille Stefani nous fait entrer dans l'intimité d'une anti-héroïne qui ose tout.