Assise, debout, couchée !

Un livre surprise. Alors que je m’attendais à un essai sur les femmes qu’on traite comme des chiens (le parallèle est intéressant et y est quelque peu (oui, un petit peu quand même) abordé), Ovidie parle principalement ici des chiens de sa vie, Eddy, Raziel, Alaska, Freyja et Brünnhilde.

Alaska, la soumise
2012. À dix ans, Raziel se fait âgé. Il a cette fierté touchante des vieux molosses prêts à partir au combat pour peu qu'on leur demande, les yeux embrumés par la cataracte, quelques dents en moins et une légère surdité. Le tueur de taureaux est devenu un pépère qui vieillit sur son coussin. Je me mets en tête de lui trouver une amie. Mais Raziel est un chien compliqué, un brin égoïste, heureux d'être le clebs unique de la famille. Il faut qu'il choisisse lui-même celle qui partagera son panier,
Assise, debout, couchée ! de Ovidie

Et c’est une très bonne surprise mêlée d’anecdotes, de pensées, d’amour et de deuils (comme toujours avec les chiens).

Et la vision d’un Jésus bad ass entouré de femmes et de rebuts ou de Luther fantasmant sur des petits chiens d’or aux boucles en pierres précieuses m’a bien amusé

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
« Prends le chien avec toi ! » J'ai dix ans et je pars sur mon vélo acheter des barres chocolatées à la petite épicerie du village voisin, tenue par une femme à l'âge indéfinissable qui passe ses journées à tricoter.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Les chiens accompagnent Ovidie depuis l'enfance. Animaux protecteurs, membres de la famille, thérapeutes, ils l'escortent. Ils sont des marqueurs biographiques, indissociables des moments importants de son existence.

Ovidie raconte ce lien, d'une plume précise, drôle et bouleversante. Elle questionne la place unique des chiens dans la vie des femmes. Car les chiens ne sont pas seulement les meilleurs amis de l'homme. Derniers remparts contre les agressions, enfants de substitution, ils ont passé avec les femmes une alliance mystérieuse pour survivre à la violence.

Le danger de ne pas être folle

Dans ce témoignage autobiographique (et fictionnel), Rosa Montero nous raconte son magnifique malheur : son cerveau et son câblage « borderline ». Apanage des grands artistes ? (dépressifs, paranoïaques, suicidaires, toxicodépendants, alcooliques, maniaco-dépressifs…)

Dans mes meilleurs moments, dans les sentiments océaniques, quand le satori explose dans ma tête comme une supernova, je suis capable d'échapper à la prison aveugle et douloureuse de mon individualité et de percevoir cette haleine plurielle, la cadence première, la musique des sphères, la palpitation du monde. Je suis un petit poisson dans un banc immense, je suis une carpe dorée et je sais danser la plus grandiose des danses, qui est en même temps la plus minuscule. Il faut insister là-dessus, sur cette habileté dansante; il faut apprendre à bouger de plus en plus vite, comme les derviches, pour pouvoir s'unir au Tout qui vibre et qui respire. Écoute bien ce que je te dis et garde espoir : il se peut qu'en réa- lité le voyage final soit aussi simple que ça, aussi facile; il suffirait de réussir à accorder la mort au rythme collectif. Je veux mourir en dansant, tout comme j'écris.
Le danger de ne pas être folle de Rosa Montero

Quelle érudition, quelle somme, quelle construction ! Tout est brillant ici. Sombre, certes, mais lumineux.
C’est clair, ce livre ne se lit pas facilement et nécessite une lecture attentive. Mais quels portraits et quel autoportrait !

La vie de Rosa Montero, pimentée d’un peu de Barbara

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai toujours su que quelque chose ne fonctionnait pas bien dans ma tête. A six ou sept ans, tous les soirs avant de m'endormir, je demandais à ma mère de cacher un bibelot que nous avions à la maison, un horrible petit chaudron en cuivre, le genre d'objet typique des boutiques de souvenirs bon marché ou peut-être même le cadeau d'un restaurant.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« J'ai toujours su que quelque chose ne fonctionnait pas bien dans ma tête », nous avoue Rosa Montero, et elle poursuit plus loin : « L'une des choses bien que j'ai découvertes avec les années, c'est qu'être bizarre n'est pas du tout bizarre. »

Vulgarisation scientifique, essai, fiction ? Non, plutôt une conversation avec le lecteur avec lequel elle crée une proximité étonnante. Elle nous prend à témoin avec humour et subtilité, nous parle du lien entre la folie et la créativité de l'écrivain ou de l'artiste en passant par les addictions, les maladies, les singularités les plus fréquentes chez les créateurs. Elle tisse des liens avec ses souvenirs, ses expériences et les dernières découvertes des neurosciences pour défendre l'importance d'être différent car « ce qui est véritablement bizarre, c'est d'être normal ».

Dans ce livre passionnant, intelligent et touchant, Rosa Montero nous révèle à quel point notre cerveau est une source d'émerveillement infini et comment, à partir du processus créatif et de la puissance de l'art, on peut explorer le sens ultime de la vie.

Éloge des fins heureuses

Coline Pierré est écrivaine de romans jeunesse. Et, dans cet essai, elle milite pour des fins heureuses (oui, tout est dans le titre). Non seulement dans la littérature jeunesse, mais aussi d’une manière plus générale, pour toutes les œuvres de fiction. Pour que le regard porté sur les romances, chick-lit et autres fictions sentimentales soit moins condescendant, voir dédaigneux.

Nous devons nous réapproprier les fins heureuses dans une perspective féministe. Plus que revendiquer la chick-litt, il faut la hacker, l'extirper du sexisme dans lequel elle est embourbée pour inventer une fiction sentimentale féministe et idéaliste, une chick-litt exigeante et populaire, radicalement subversive, radicalement romantique. Et faire de même avec nos vies.
Éloge des fins heureuses de Coline Pierré

Armée de ses arguments bien aiguisés qui puisent tant dans les classiques que dans les comédies, elle développe un plaidoyer drôle, politique, féministe et convainquant.

« Nous avons payé cher notre culte de l’endurcissement et notre dénigrement de la sensibilité. La violence au lieu de l’émotion. Nous nous élevons contre la violence, mais nous ne lisons pas les écrivains non violents. Nous protestons contre l’absence de contact, mais nous ne lisons pas les écrivains qui décrivent des relations au lieu de non-relations ou d’antirelations », écrivait Anaïs Nin dans son essai Le roman de l’avenir.

En plus, c’est plein d’une joie communicative

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La douceur aussi peut changer la vie
Adolescente, j'aimais les fictions dures et dramatiques, comme une manière d'éprouver l'âpreté et la violence du monde depuis mon fauteuil douillet du cocon parental alsacien


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Ce texte iconoclaste est un plaidoyer pour l’imagination et pour la fiction, une défense de l’optimisme, des fins heureuses, du romantisme et de la littérature « féminine ». Tenu par une démarche résolument féministe, ce court essai est une arme politique et un instrument d’émancipation sociale.

Quand on referme ce livre, on ne peut que ressentir l’envie de faire la révolution, avec des livres et dans la rue.

Atuk

Après le magnifique Kukum, Michel Jean continue à explorer son ascendance avec la fille de Almanda, Jeanette sa grand mère, Shashuan Pileshish ou Hirondelle, en innu.

La montée vers le territoire est un long voyage qui respecte chaque année les mêmes rites, suit les mêmes chemins, depuis des millénaires. Cela prend plusieurs semaines. Tout est calculé : le nombre d'étapes, le temps qu'il faudra pour les franchir, les portages qui permettent de sauter les rapides et les chutes. Le temps du voyage varie selon les familles et les territoires de chasse, mais il faut arriver avant les grands froids et avant que les rivières ne gèlent. Plus on monte loin vers le nord, plus le froid et la neige surviennent tôt. Le territoire de ma famille se trouvait à plus de cent cinquante milles au nord de Pekuakami. Il nous faudrait un mois et demi cette année-là pour franchir la distance.
Atuk de Michel Jean

Si on retrouve beaucoup d’éléments découverts avec Kukum, le point de vue change légèrement, Jeanette s’étant mariée avec un ouvrier du chemin de fer.

 - Ce n'est pas là qu'il faut mettre ton piège si tu veux attraper une martre, Shashuan Pileshish. Malek me considérait de ce regard que je lui ai toujours connu. Calme et indéchiffrable.
 - Il faut le placer sur la mousse. C'est là que la uapishtan va aller après être sortie de l'eau pour manger. Parce que ça ne laisse pas de traces. C'est malin, une uapishtan. Faut l'être plus qu'elle pour l'attraper. 
Le vieux chasseur m'a montré comment assembler le piège de bois. Comment le disposer sur le tapis de mousse. Je me souviens de ses mains dont on aurait dit qu'elles avaient été taillées avec un couteau rond, de ses doigts courts et de la paume épaisse. Sa peau usée était craquelée et couverte de taches brunes. Des mains usées et pourtant qui étaient plus habiles que les miennes, toutes neuves. 
 - Voilà comment il faut faire, petite, me disait-il sur le ton le plus serein du monde. 
Grand-père avait assemblé et installé le piège. Restait à attendre la martre. Il avait fait ça sans se dépêcher, mais sans perdre de temps.

Un livre où la question des origines, du racisme, de l’appartenance est omniprésent. Et Michel Jean, plus présent dans ce livre se retrouve lui aussi à se questionner sur son identité.

 - Je m'appelle Xavier. François-Xavier Gagnon. Et toi ? Quel est ton nom ? 
Lui, il avait un nom. Beau comme une galanterie.
 - Shashuan Pileshish. Hirondelle, en innu. Mais tu ne parles sans doute pas notre langue, François-Xavier ? 
Il a souri. Et j'ai tout de suite aimé son sourire. Un sourire révèle beaucoup de l'âme d'une personne. Il peut être candide, moqueur, méchant, sournois, niais, hésitant, timide, éclatant. Un sourire peut être tout ce que l'âme d'une personne lui inspire. Son sourire était bon. Et la bonté me touche. 
 - Jeannette. Appelle-moi Jeannette si tu veux. C'est plus simple.
 - Hirondelle. Ça te va bien. J'aime ça. Et il a souri à nouveau. Personne encore ne m'avait jamais souri ainsi, les yeux plantés dans les miens. Je n'aurais pas été davantage troublée s'il m'avait enfoncé son pic dans le cœur. 
Il m'a appelée Hirondelle toute sa vie. Mon vrai nom, soufflé au creux du cou, lancé comme une caresse et parfois avec un brin de taquinerie. Une formule magique, un mot de passe pour ouvrir mon cœur, connu de lui seul à Alma, et que mes propres enfants ignoraient et ignorent encore.

Une biographie familiale où l’intime côtoie des questionnements et des problématiques toujours sensibles au Canada

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Elle repose devant moi, figée dans la mort. Un cadavre embaumé est tout ce qu'il reste de cette femme à la silhouette autrefois robuste et souple. Tout de sa jeunesse a été emporté, maintenant que ses beaux yeux noirs se sont fermés pour de bon. Rien ne subsiste de celle qui a souvent bravé le froid et parfois la faim. Ce corps a frissonné de peur, ressenti le plaisir.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Jeannette a grandi entre les lacs et les forêts de son territoire ancestral, le Nitassinan. Mais lorsqu'elle épouse un Blanc, elle est exclue de sa communauté et forcée de quitter les siens pour s'installer en ville, loin de tout ce qu'elle connaît. Des années plus tard, Michel, son petit- fils journaliste à Montréal, vient se recueillir sur sa tombe et s'interroge sur ce choix qui le fait vivre lui aussi entre deux cultures. Car l'Indien, lui dit-on, il l'a en lui...

Leur séparation

Au travers de ses souvenirs d’enfance Sophie parle de cette blessure inguérissable, de ce deuil impossible, de cette séparation qui n’est pas la sienne. Le divorce de ses parents.

Des années après, ma mère m'avait confié qu'en réalité ce séjour avait été houleux et avait sans doute hâté la fin de leur histoire. Je n'avais pas envie qu'elle me le raconte. Je voulais seulement garder la douceur de ces jours, le ronronnement du chaton noir que nous avions prénommé Myrtille, le goût du sorbet à la fraise fondant dans ma bouche, l'éclat de nos rires d'enfants quand nous avions tour à tour essayé le casque prêté par un pompier venu détruire un nid de frelons, les accents chantants de la langue italienne, gatto, signora, buongiorno.
Leur séparation de Sophie Lemp

Des instants, des lieux, des émotions… comme une longue liste qui peine à prendre, à reprendre et se recoller. Un livre qui m’a semblé aussi fragmenté que la petite Sophie à pu l’être

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Dans un album sont réunies mes photos de classe. Sur celle de l'année 1987-1988, tous les élèves sont déguisés, c'est mardi gras. Je porte une robe jaune à volants et un jupon qui appartenaient à ma mère. Mon visage est plein, souriant, lumineux.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Ce samedi matin de janvier, ma mère m'attend à la sortie de l'école. Comme les autres jours, nous remontons la rue des Boulangers mais, au lieu de nous arrêter au carrefour, nous prenons à gauche dans la rue Monge. Je me retourne et aperçois un camion de déménagement garé en bas de notre immeuble. Ma mère serre ma main dans la sienne. Je n'ai pas envie de parler, je pense au camion, aux cartons, au salon qui demain sera à moitié vide. Je pense à mon père. Désormais, j'irai chez lui tous les mercredis soir et un week-end sur deux. Ma mère s'est organisée pour que je passe l'après-midi et la nuit chez une amie. Avant de partir, elle me dit Profite bien de ta journée, amuse-toi, essaye de penser à autre chose. Je hoche la tête mais je sais que jamais plus je ne penserai à autre chose. »

Sophie Lemp fête ses dix ans quand ses parents divorcent. Trente ans plus tard, c'est avec le regard d'une petite fille devenue adulte qu'elle revit cette séparation.

Pourquoi cette blessure, commune à tant d'enfants, est-elle si difficile à cicatriser ?

Le nom sur le mur

Partant d’un jeune résistant de la seconde guerre mondiale tué à 20 ans, Hervé Le Tellier met les petits plats dans les grands et nous parle de la résistance et de la collaboration ; du nazisme et des victimes ; de l’odieux et du vertueux ; de la petitesse et du suivisme face à au refus de céder.

C'est mon professeur de philosophie de terminale qui m'a fait lire Si c'est un homme, de Primo Levi. Nous en avons parlé ensuite, et il m'a dit, en substance: « Tu sais, les lois antisémites nous choquent d'autant plus qu'elles frappaient des gens qui se croyaient bien intégrés dans nos sociétés européennes. On martyrisait notre voisine de palier. Mais dans les années trente, est-ce que ces mêmes lois racistes - et bien qu'il ne soit pas question d'extermination -, les Anglais ne les appliquaient pas aux coolies en Inde et les Français aux Noirs d'Afrique, sans que cela choque grand monde ? »
Le nom sur le mur de Hervé Le Tellier

Un livre qui m’a souvent rappelé Exterminez toutes ces brutes tant les même schémas se répètent, encore et encore.

En France, l'heure était à la réconciliation, au mythe de la nation sinon résistante, du moins unie derrière sa Résistance. L'article 45 de la loi d'amnistie d'août 1953 interdit même de rappeler les crimes commis. Il ne s'est rien passé. Le président du Conseil René Meyer le résumera sans fard: « L'unité nationale [est] supérieure à toutes les douleurs, plus urgente encore que les réparations. »

Et que penser de l’après guerre, des fondateurs du FN (futur RN), de cette amnistie générale servant à former un roman national destiner à réunir le pays ?

Et s’il est désespérant d’y constater nos compétences moutonnières, voilà un livre indispensable à l’heure de la remontée des fascismes et des extrémismes populistes

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je cherchais une « maison natale ». J'avais expliqué à l'agent immobilier : pas une villa de vacances, pas une ruine « à rénover », pas une « maison d'architecte », pas un « bien atypique », ces bergeries ou magnaneries transformées en habitations où l'on se cogne dans les chambranles de portes à hauteur de brebis.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Je ne suis pas l'ami d'André Chaix, et aurais-je d'ailleurs su l'être, moi que presque rien ne relie à lui ?

Juste un nom sur le mur.

Chaix était un résistant, un maquisard, un jeune homme à la vie brève comme il y en eut beaucoup.

Je ne savais rien de lui. J'ai posé des questions, j'ai recueilli des fragments d'une mémoire collective, j'ai un peu appris qui il était. Dans cette enquête, beaucoup m'a été donné par chance, presque par miracle, et j'ai vite su que j'aimerais raconter André Chaix. Sans doute, toutes les vies sont romanesques. Certaines plus que d'autres.

Quatre-vingts années ont passé depuis sa mort. Mais à regarder le monde tel qu'il va, je ne doute pas qu'il faille toujours parler de l'Occupation, de la collaboration et du fascisme, du rejet de l'autre jusqu'à sa destruction. Ce livre donne la parole aux idéaux pour lesquels il est mort et questionne notre nature profonde, ce désir d'appartenir à plus grand que nous, qui conduit au meilleur et au pire.

Bas les voiles !

Que signifie le voile, socialement, culturellement, religieusement ?
Chahdortt Djavann a une vision très claire sur la question. Née en Iran et ayant vécu l’arrivée de l’ayatollah Khomeini elle l’a porté de 13 à 22 ans.

De treize à vingt-trois ans, j'ai été réprimée, condamnée à être une musulmane, une soumise, et emprisonnée sous le noir du voile. De treize à vingt-trois ans. Et je ne laisserai personne dire que ce furent les plus belles années de ma vie.
Bas les voiles ! de Chahdortt Djavann

Elle dénonce dans ce court, mais très pertinent essai, l’aveuglement d’une société démocratique et laïque – la France – qui permet que des jeunes filles mineures se retrouvent obligées de porter le voile.

Et tout d’abord, pourquoi voile-t-on les filles ? Pourquoi que les filles ? Que veut-on montrer en cachant leurs cheveux, leur corps ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai porté dix ans le voile. C'était le voile ou la mort. Je sais de quoi je parle.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«Mais qu'est-ce que c'est que porter le voile, habiter un corps voilé ? Que signifie être condamnée à l'enfermement dans un corps voilé puisque féminin ? Pourquoi voile-t-on les filles, seulement les filles ? Pourquoi cache-t-on leur corps, leur chevelure ? Qui a le droit d'en parler ?

J'ai porté dix ans le voile. C'était le voile ou la mort. Je sais de quoi je parle.»

Depuis toujours nous aimons les dimanches

Dans ce délicieux essai anarcho-jouissif, Lydie prend la parole pour revendiquer le droit à la paresse pour toutes et tous. Une paresse créative ! Elle invite à repenser le monde économique de ces Messieurs-les-apologistes-du-travail-des-autres et à la célébration du niente.

L'un de nos slogans préférés affirmant que l'on doit: TRAVAILLER MOINS POUR LIRE PLUS.
Travailler moins pour lire plus, puisque la lecture s'acoquine merveilleusement à la paresse, puisque les bons et vrais lecteurs sont très souvent, sinon toujours, de fieffés paresseux.
Travailler moins pour lire immodérément, insatiablement, jouissivement, certains diraient vicieusement, certains diraient dangereusement, voir la pauvre Bovary citée par Salvayre pour faire genre
Depuis toujours nous aimons les dimanches de Lydie Salvayre

C’est très court, poétique, drôle et terriblement vivant.

Et en plus… ma foi… à bien la lire… voilà qui pourrait faire penser !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Depuis toujours nous aimons les dimanches.
Depuis toujours nous aimons nous réveiller sans l'horrible sonnerie du matin qui fait chuter nos rêves et les ampute à vif.
Nous aimons rester longuement les yeux fermés dans la pénombre et enlisés dans la douceur des draps. Nous aimons nous déplier lentement, lentement nous ouvrir,
nous déployer,
nous répandre.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Depuis toujours nous aimons les dimanches.
Depuis toujours nous aimons nous réveiller sans l’horrible sonnerie du matin qui fait chuter nos rêves et les ampute à vif.
Depuis toujours nous aimons lanterner, buller, extravaguer dans un parfait insouci du temps.
Depuis toujours nous aimons faire niente,
ou juste ce qui nous plaît, comme il nous plaît et quand cela nous plaît. »
En réponse aux bien-pensants et aux apologistes exaltés de la valeur travail, Lydie Salvayre invite avec verve et tendresse à s’affranchir de la méchanceté des corvées et des peines. Une défense joyeuse de l’art de paresser qui possède entre autres vertus celle de nous ouvrir à cette chose merveilleuse autant que redoutable qu’est la pensée.

Monique s’évade : le prix de la liberté

C’est encore avec un énorme talent que Édouard Louis parle de lui et de sa famille pour parler de nous, de notre société, de sa violence.

En suivant un homme chez lui, elle était devenue dépendante.
- Et quand on se dispute il me dit que pour la peine il me donnera plus rien. Donc j'ai même pas deux euros pour prendre un café et aller aux toilettes. Aujourd'hui je voulais me promener et je me suis trop éloignée de chez nous. C'est pour ça que j'ai dû venir chez toi, sinon je t'aurais pas dérangé.
J'avais oublié cette scène, soudain je me souvenais.
La honte est une mémoire.
Monique s’évade : le prix de la liberté de Édouard Louis

Monique, sa mère, n’en peut plus de son conjoint alcoolique qui ne cesse de la rabaisser. Mais comment faire sans argent, et aller où ? Elle appelle son fils à l’aide.

Une histoire de famille, de violences et de réconciliation.

Bon… si Édouard ne cesse d’y voir un problème de société, de classe sociale et d’argent, les mêmes schémas ne se retrouvent-ils pas dans bien d’autres milieux ?

Monique s’évade, une magnifique ode au courage !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Elle m'a appelé au milieu de la soirée. Elle pleurait. J'avais vingt-huit ans à l'instant de cet appel et c'était la troisième, peut-être la quatrième fois seulement depuis ma naissance que je l'entendais pleurer.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une nuit, j'ai reçu un appel de ma mère. Elle me disait au téléphone que l'homme avec qui elle vivait était ivre et qu'il l'insultait. Cela faisait plusieurs années que la même scène se reproduisait : cet homme buvait et une fois sous l'influence de l'alcool il l'attaquait avec des mots d'une violence extrême. Elle qui avait quitté mon père quelques années plus tôt pour échapper à l'enfermement domestique se retrouvait à nouveau piégée. Elle me l'avait caché pour ne pas « m'inquiéter » mais cette nuit-là était celle de trop.

Je lui ai conseillé de partir, sans attendre.

Mais comment vivre, et où, sans argent, sans diplômes, sans permis de conduire, parce qu'on a passé sa vie à élever des enfants et à subir la brutalité masculine ?

Ce livre est le récit d'une évasion.

Kukum

Kukum m’a fait pleurer deux fois. Par la beauté des premiers instants et par l’horreur de la fin.

C'est difficile d'expliquer le territoire d'avant. Le bois d'avant les coupes à blanc. La Péribonka d'avant les barrages. Il faut imaginer une forêt sautant d'une montagne à l'autre jusqu'au-delà de l'horizon, visualiser cet océan végétal balayé par le vent, réchauffé par le soleil. Un monde où la vie et la mort se disputent la préséance et au milieu duquel coule, entre des berges sablonneuses ou des falaises austères, une rivière qui ressemble à un fleuve. C'est ardu à expliquer parce que cela n'existe plus. Les usines à papier ont dévoré la forêt. La Péribonka a été soumise et souillée. D'abord par la drave, puis par les barrages qui ont avalé ses chutes impétueuses et créé des réservoirs dont l'eau nourrit maintenant les centrales électriques.
Kukum de Michel Jean

L’histoire de l’arrière-grand-mère de l’auteur, Almanda Siméon née en 1882, qui épousa un jeune indien Innu. Une histoire d’amour magnifique au milieu du grand nord canadien. Une belle, très belle histoire qui aurait pu durer toujours.

Jusqu’à ce que Michel Jean nous rappelle brutalement à la réalité…

Et à l’annihilation de peuples premiers en détruisant les forêts, les lacs, la langue et les traditions par le « progrès », la sédentarisation, l’alcool, la langue, les pensionnats…

Un livre aussi beau que terrible

Et voilà que deux semaines après, je tombe sur cette info de Radio Canada :
Protection de l’enfance : l’APN confirme qu’Ottawa versera 48 G$ pour réformer le système.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Une mer au milieu des arbres. De l'eau à perte de vue, grise ou bleue selon les humeurs du ciel, traversée de courants glacés. Ce lac est à la fois beau et effrayant. Démesuré. Et la vie y est aussi fragile qu'ardente. Le soleil monte dans la brume du matin, mais le sable reste encore imprégné de la fraîcheur de la nuit. Depuis combien de temps suis-je assise face à Pekuakami?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Almanda a 15 ans quand elle tombe amoureuse de Thomas, jeune Innu de l'immense lac Pekuakami. Orpheline québécoise d'origine irlandaise, elle quitte les siens pour le suivre dans cette existence nomade, brisant bientôt les carcans imposés aux femmes autochtones pour apprendre la chasse et la pêche. Ancré dans une nature omniprésente, sublime et très vite menacée, son destin se mêle alors à celui, tragique, d'un peuple ancestral à la liberté entravée.