Mon assassin

Essai, roman, autobio, autofiction ou inclassable ? Cet assassin est bien insaisissable !

Mon seul espoir devant le bilan désastreux que m'inspire mon époque est d'être devenu un vieux con qui dresse des bilans désastreux, un de ces alambics à désillusions où peuvent germer des personnages aussi noirs que Pépère. Après tout, il faut bien qu'il vienne de quelque part, cet assassin.
Mon assassin de Daniel Pennac
S’il n’est pas indispensable d’avoir dévoré tous les épisodes de la famille Malaussène, leur connaissance – voir même de vieux souvenirs – en facilitera bien la compréhension.Acheter l'affection de mon bourreau... Cette infamie fut le berceau de ma honte. Il me semble avoir passé ma vie à l'expier. Sur le cahier où, quelques années plus tard, je notais mes aphorismes d'adolescent, j'ai retrouvé celui-ci : « Tous les malheurs de l'homme viennent de ce qu'il peut désirer l'affection d'Adolf Hitler. »Un livre comme une déclaration d’intimité (voir d’amour) à ses personnages, directement inspirés par ses relations, et plus encore, par ses amitiés.

Un livre qui brille principalement par sa construction désarçonnante autant que délicate

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C'est un enfant assis dans un train, une pancarte autour du cou : Enfant Lassalve, dit la pancarte. Elle indique aussi ses gares de départ et d'arrivée : Châlons-sur-Marne, Paris gare de l'Est. La pancarte précise qu'il sera « réceptionné » par ses parents, Hubert et Geneviève Lassalve. À l'époque, il était fréquent de trouver dans les trains un enfant ainsi étiqueté. Des pensionnaires souvent, qui rejoignaient leur famille en fin de semaine ou retournaient à l'internat le lundi matin. Le petit voyageur était confié au personnel de la SNCF, cette pancarte autour du cou. Parfois c'était une ardoise.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La plupart de mes amis deviennent personnages dans mes romans. Mais cet assassin que j'ai imaginé sans le connaître, mon épouvantable assassin, d'où vient-il, lui ?

D.P.

Albert Cohen et Genève : guide littéraire

Ce petit guide Cohen-Genève est un petit trésor d’anecdotes et d’humour.

« Jamais plus je ne la verrai
descendre du train, épanouie, confuse. Jamais plus ses valises démantibulées, pleines de cadeaux qui la ruinaient.
C'était sa grande aventure, ces expéditions vers son fils, longuement préparées et économisées. Son souci de faire bonne impression à la gare et ses vertueuses élégances, le premier soir de l'arrivée. »
Albert Cohen et Genève : guide littéraire de Pierre-Louis Chantre, Marie-Luce Desgrandchamps, Idit Ezrati Lintz, Thierry Maurice, Bruno Racalbuto, Noémie Sakkal Miville et Yan Schubert
Au travers de la brève biographie d’introduction, les liens entre l’auteur et la ville du bout du lac apparaissent rapidement pour tisser leur forte relation.
Albert et Bella Cohen quittent la rue du Léman pour emménager dans le quartier de Champel en 1962. Cet immeuble moderniste caractéristique du courant architectural de l'époque vient d'être achevé. Le quartier est alors en pleine mutation et accueillera la synagogue Hekhal Haness, qui y sera édifiée entre 1970 et 1972. Les époux vivent au septième et dernier étage du bâtiment, depuis lors surélevé de deux niveaux.
C'est à l'intérieur de ce logement surchauffé, derrière de larges baies vitrées, souvent obscurcies par de lourds rideaux de velours brun, qu'Albert Cohen passe désormais la majeure partie de son temps. Il y finalise Belle du Seigneur, qu'il dicte à Bella.L’occasion de parcourir Genève et de goûter à toute la finesse de l’humour d’Albert Cohen au travers de ses petites piques sur la ville et ses habitants qui parsèment ses écrits

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
« Albert Cohen, le plus grand écrivain genevois depuis Jean-Jacques Rousseau » titre la manchette de la Tribune de Genève au lendemain de la mort de l'auteur.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Albert Cohen (Corfou, 1895 - Genève, 1981) a vécu près de cinquante ans à Genève, où il a écrit la majeure partie de son oeuvre.

Ce guide littéraire interroge les rapports contrastés de l'écrivain à la Cité de Calvin. Il propose six promenades explorant vingt-neuf lieux emblématiques, des organisations internationales à Cologny, en passant par la Vieille-Ville, le Jardin Anglais et le parc des Bastions. Une riche introduction, des notices illustrées, des citations, des cartes et des documents inédits restituent la géographie personnelle de l'auteur de Belle du Seigneur.

Prodigieux satiriste, incurable inquiet, autofabulateur, Cohen fut dans sa ville d'adoption étudiant en droit, militant sioniste, fonctionnaire international, et écrivain consacré.

Minuscule folle sauvage

Vous ne connaissez rien aux troubles de la personnalité borderline, la dépression, les phobies…? Ou alors, vous en savez un peu quelque chose… Qu’importe. Ce livre est parfait.

Avec plein de douceur et de poésie graphique minimaliste, Pauline de Tarragon nous invite dans sa vie, son enfance, sa jeunesse et son adolescence. Ses difficultés et ses accomplissements.

Minuscule folle sauvage de Pauline de Tarragon

C’est beau, intime et très touchant

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai observé le trou de ma tête.
J'y ai jeté quelques cailloux pour évaluer la profondeur.
Ça n'a pas fait de bruit, je n'ai pas compris.
Alors j'ai sauté.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Qu`est-ce que je vaux si je suis seule ? Ai-je le droit de disparaître dans la forêt ? A quel moment puis-je décréter que je suis folle ? Dans son premier roman graphique, Pauline de Tarragon nous ouvre les portes de son laboratoire privé, celui dans lequel elle concocte des potions pour comprendre, réparer et survivre. C`est avec humour et poésie que l`autrice nous livre un monologue intime qui touchera en plein cœur les introverti.es, les inadapté.es, les phobiques aussi bien du vide que du trop-plein, et les tristes de naissance. Ce petit bijou minimaliste, plein d`humour et de sensibilité, vous fera passer du rire aux larmes.

La mécanique des désirs

Réécriture de Escorte paru en 2010 (que j’avais lâché après quelques pages que j’avais alors trouvées un peu indigestes), on retrouve ici une femme [qui] regarde les hommes regarder les femmes comme l’écrivaient Siri Hustvedt ou Louise Chennevière dans Pour Britney… avec le désespoir en moins.
Mais toujours et encore, une femme, son corps, sa jeunesse… pour les hommes.

Elle allait aussi recommencer à être quelqu'un d'autre, emprunter un autre prénom, enfiler des habits cachés depuis des années sous son lit, dans des tiroirs, contre le mur. Elle m'avait montré des photos d'elle, en latex, avec un fouet. Je m'étais rapprochée d'elle, parce que dans les cours d'école, j'ai besoin des autres mères, j'ai besoin de rire encore fort et de vouloir pleurer. J'aime arriver seule, sans maquillage, les cheveux mouillés, toujours presque en retard, puis m'entourer des femmes qui attendent, elles aussi. Sous les lunettes aux verres sombres, je réussissais intuitivement à aller vers celles qui me ressemblent : après maints jours, nous nous disions que nous n'avions pas qu'embrassé des hommes, et que nous avions déjà été payées pour être nues et aimer ceux qui recherchent quelque chose qu'ils n'ont pas.
Ils ne réussissent pas à l'avoir avec nous, non plus, ce qu'ils cherchent, raconter leurs histoires et avoir notre attention et notre sexe, sans considérer les heures. Moi aussi, je ne peux pas avoir ce que je cherche, mais je peux m'en approcher, comme un homme sous moi, à laper entre mes jambes.
La mécanique des désirs de Mélodie Nelson
Forcément impudique, évidement dérangeant, cette mécanique des désirs est pourtant très touchante par son intime sincérité.

Certes, on n’y retrouve pas le même sentiment d’oppression qu’avec Nelly Arcan, pas non plus l’exhibitionnisme autofictionnel d’Emma Becker… mais toujours cette ambiguïté dont parlait Nancy Huston, oscillant entre le désir de plaire et la souffrance de cette soumission – désirée autant que subie. Une autobiographie qui semble nous renvoyer à Schopenhauer et sa fameuse citation « La vie oscille, comme un pendule, de la souffrance à l’ennui ». Et comme seul l’art pourrait nous en sauver… Mélodie écrit. Et même fort bien !

Mais désormais mère ! Et la maternité n’efface pas la violence du désir…

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai toujours été un peu mélancolique, et cette tristesse s'incruste même quand je change de couleur de cheveux ou de vernis à ongles, même quand je me blottis contre un homme, comme une bête sauvage qui fait semblant d'être apprivoisée dans un lit, sous un arbre, au parc, dans l'espace restreint d'une banquette arrière, avec de la buée dans les fenêtres.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La mécanique des désirs transpose le regard lucide et distancié d'une femme devenue mère qui revisite son passé d'escorte. Ce récit littéraire parfois cru, révèle la froideur des hôtels du centre-ville, les secrets des maisons de la banlieue et les confidences entre amies sur les banquettes de la Belle Province. Sans fard, la narratrice évoque ses moments d'intimité avec les clients, les rencontres marquantes qui ont jalonné sa trajectoire, ainsi que ses relations avec ses proches. La mécanique des désirs, c'est aussi l'exploration de la nature profonde d'une femme, de sa sexualité, et au-delà du désir et des attentes jamais vraiment comblées, des décisions qui fabriquent une vie.

L’homme aux mille visages

Il y a des bouquins comme ça, qu’on ne lirait pas forcément et qui nous tombent dans les mains par hasard. On en lit une page et impossible de le reposer avant la fin. C’est ce qui m’est arrivé avec cet homme aux mille visages.

Chaque occupation que Ricardo s'invente, photographe, ingénieur, chirurgien, médecin humanitaire, policier, recèle une double finalité: incarner un rêve universel et adapté aux femmes qu'il séduit. Et libérer du temps.
Avec Marianne, il est en formation de chirurgie pédiatrique à Toulouse une semaine par mois plus ses gardes de nuit à l'hôpital. Avec Nicole, il est en mission à l'étranger, au Soudan surtout, dont il rentre avec une odeur de poudre et d'aventure. Chez Peugeot, il part régulièrement visiter des usines en Pologne, en Chine, où il se casse hélas une jambe et se trouve bloqué sur place plusieurs semaines. À son retour, il porte un plâtre. Carolina lui a acheté des béquilles. Pendant des semaines, il marche difficilement, du moins quand il est avec elle.
L’homme aux mille visages de Sonia Kronlund
L’histoire d’un énorme mytho, le prince de l’embrouille, le roi de la manipulation, l’empereur des imposteurs ! Sonia Kronlund a mené l’enquête aux trousses de Ricardo (un de ses nombreux noms). Séducteur aux milles vies.

Et c’est très impressionnant !
On imagine toujours que les femmes trompées, absées, escroquées, ne « veulent pas voir » ou « savaient » d'une certaine façon. Je crois plutôt qu'elles ont peur et que cette peur panique devient une seconde nature qui fait écran tout autant qu'elle aiguise la méfiance. Et je parle d'expérience. Je n'ai pas beaucoup pratiqué le « coping proactif » : après les mythomanes plus ou moins psychopathes, j'ai enchaîné avec les infidèles de toutes espèces, les collectionneurs, les suractifs senti- mentaux, les hommes mariés trompant leur femme autant que leur « maîtresse », quand ils ne trompaient pas leur « maîtresse » avec leur femme, disait l'un d'eux, assez fier de son trait. Des profils petits bras comparés à Ricardo, mais des expériences cuisantes quand même, et répétitives.
Une enquête poussée qui va la mener du Brésil en Pologne. Et si la partie interprétation psy du personnage m’a parfois moins convaincu (mais il faut bien essayer de comprendre pourquoi ? Qu’est-ce qui peut bien le pousser dans de tels délires ?), le travail journalistique est impressionnant et le résultat se lit comme un roman quasi psychédélique.

Fascinant !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quand j'avais une vingtaine d'années, le premier garçon avec qui j'ai vécu a dissimulé un magnétophone dans mon salon entre le radiateur et le mur. Il enregistrait ce qui se passait en son absence, puis il écoutait ce que j'avais dit aux gens de passage ou au téléphone.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Il se fait appeler Ricardo, Alexandre, Daniel ou Richard. Il est argentin, brésilien ou portugais, se prétend chirurgien, ingénieur, photographe ou encore policier. Sous ses multiples légendes, il mène en parallèle plusieurs histoires d'amour dans différents pays. Sans qu'aucune compagne ne se doute de rien.

Qui est cet imposteur de haut vol ? Comment procède-t-il ? Pourquoi ?

Avec l'aide des femmes qui l'ont aimé, d'un détective privé polonais et de policières brésiliennes, Sonia Kronlund a mené l'enquête. Pendant cinq ans, elle a cherché les traces de l'homme aux mille visages. Aujourd'hui, elle raconte comment ce fascinant caméléon s'est trouvé pris à son propre piège.

Pour Britney

Pour Britney se lit dans un souffle, sans répit. C’est dur, la lecture est harassante, exigeante. Mais quel texte !

Nelly Arcan en avait fini par se pendre de toutes ces histoires-là, Nelly Arcan qui avait pour elle, l'intelligence et la poésie, mais dont la plus grande part de l'énergie avait été perdue, gâchée à cela : comparer ses seins à ceux des autres femmes à l'aune et sous la surveillance de ce regard-là, qui souvent traversait les yeux des garçons que l'on aimait, et ça faisait mal - et je me demande moi, ce que ça ferait si depuis toutes petites, on s'amusait comme ça, à voix haute, à détailler devant tout le monde le corps des garçons, les garçons qui ont peur je le sais bien, tout le monde le sait, on nous le répète assez souvent comme s'il s'agissait là d'un argument indémontable, d'une raison suffisante pour, peur que leur bite ne soit pas, oui mais ce n'est pas une raison suffisante et ça n'a jamais été, une affaire publique discutée dans la cour de l'école par des petites filles assemblées en [...]
Pour Britney de Louise Chennevière
Nelly Arcan et Britney Spears, deux mêmes jeunes femmes broyées sous le regard des hommes. Et, peut-être pire encore, sous leur propre regard sous le regard des hommes.

Et il ne s’agit pas que du regard ! Regard n’est qu’un euphémisme maladroit.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai rouvert l'été dernier, des cartons qui dormaient, depuis plus de vingt ans, dans un box triste d'un entrepôt triste qui se dresse le long du périph - je passais quelquefois devant en rentrant en taxi d'une soirée loin de l'autre côté, avec des amis ivres et en silence je pensais, alors c'est là que repose mon enfance. C'est une drôle de chose que l'enfance, c'est, la chose la plus loin et peut-être, la plus proche. Je sais de source vive que, de certaines enfances on ne se remet pas.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Ce que je vois quand je regarde la photo de cette petite fille à l'aube de ce siècle nouveau, c'est qu'elle ne sait rien encore de ce que le monde va lui apprendre, et qu'être une petite fille est pour elle une joie parce que ça veut dire pouvoir devenir Britney Spears et que Britney Spears pour elle alors, c'est chanter et danser, c'est être dans son corps, sans crainte et sans distance, se sentir très vivante, c'est se tenir, très loin de la peur mais.

Alors c’est bien

Une merveille !

Depuis deux ans, le père de Clémentine était malade. Elle raconte ici son père, ses parents, la famille, la maladie, la mort, la cérémonie. Elle raconte l’amour, la famille, les rires et les joies.

Le couple que formaient mes parents, c'est La Promesse de l'aube, de Romain Gary: « On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. » Lorsque j'étais enfant, je n'avais aucun doute sur le fait qu'une fois adulte, je vivrais dans la plus idéale complicité avec quelqu'un qui m'aime sans condition. Tout comme, en voyant les seins identiques et parfaits des danseuses du Crazy Horse à la télévision les soirs de réveillon, j'étais convaincue que, plus tard, j'en aurais de pareils. Pour les seins comme pour l'amour, la vie nous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient pas toujours
Alors c’est bien de Clémentine Mélois
Et c’est drôle et c’est beau

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il faut que je raconte cette histoire tant qu'il me reste de la peinture bleue sur les mains. Elle finira par disparaître, et j'ai peur que les souvenirs s'en aillent avec elle, comme un rêve qui s'échappe au réveil et qu'on ne peut retenir.

Avec ce bleu, j'ai peint le cercueil de Papa.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Bernard Mélois est sculpteur. Il a consacré son existence à souder des figures spectaculaires dans le capharnaüm de son atelier, en chantant sous une pluie d'étincelles. Alors qu'il vit ses derniers jours, ses filles reviennent dans leur maison d'enfance. En compagnie de leur mère, des amis, des voisins, elles vont faire de sa mort une fête, et de son enterrement une oeuvre d'art. Périple en Bretagne pour faire émailler la croix, customisation du cercueil, préparatifs d'une cérémonie digne d'un concert au Stade de France : l'autrice raconte cette période irréelle et l'histoire de ce père hors du commun dont la voix éclaire le récit.

D'une fantaisie irrésistible, Alors c'est bien offre un regard sensible et inattendu sur la perte et la filiation. C'est aussi l'hommage de l'artiste Clémentine Mélois à son père, ce bricoleur de génie qui lui a transmis son humour inquiet, son amour des mots et son vital élan de création.

Triste Tigre

Quel tigre impressionnant ! Un livre qui me laisse sans voix, sidéré.

Ami lecteur, amie lectrice, ma semblable, ma sœur, voici donc un aveu que je me dois de te faire, car je ne nourris point le désir de te fourvoyer : prends garde à mes propos, ils avanceront toujours masqués. Ne prends pas ce texte dans son ensemble pour une confession. Il n'y a pas de journal intime, pas de sincérité possible, pas de mensonge non plus. Mon espace à moi n'est pas dans ces lignes, il n'existe qu'au-dedans.
Triste Tigre de Neige Sinno

Neige Sinno a été violée, abusée par son beau-père de sept à quatorze ans. Elle racconte. Les abus, le jugement, le coupable, la famille, le village, la justice… Et elle
Chapitre II
Fantômes
(and then I see a darkness) | Will Oldham
Et soudain, je vois comme une ombre 
Trente ans plus tard, quelques considérations sur le trauma
Un jour j'ai compris que c'était terminé tout ça, le viol, l'enfance, la famille. Maintenant je pouvais partir vivre ma vie. J'ai cru que j'étais libre. Mais on n'est jamais complètement libre, puisque rien ne finit vraiment et que si on devient quelqu'un d'autre, cette part de nuit continue son chemin elle aussi. Il n'était plus là. Il ne pouvait plus m'atteindre. Je pouvais sortir dans le monde, rencontrer des gens, parler, rire, sans qu'il ne vienne plus jamais me reprendre. Seulement, partout où j'allais, à n'importe quel moment, je tournais la tête et je voyais son ombre.

Un livre majeur, puissant. Qui n’évite rien, met les mots et regarde au fond des yeux, sans baisser le regard

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Portrait de mon violeur
Car à moi aussi, au fond, ce qui me semble le plus intéressant c'est ce qui se passe dans la tête du bourreau. Les victimes, c'est facile, on peut tous se mettre à leur place. Même si on n'a pas vécu ça, une amnésie traumatique, la sidération, le silence des victimes, on peut tous imaginer ce que c'est, ou on croit qu'on peut imaginer.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
J'ai voulu y croire, j'ai voulu rêver que le royaume de la littérature m'accueillerait comme n'importe lequel des orphelins qui y trouvent refuge, mais même à travers l'art, on ne peut pas sortir vainqueur de l'abjection. La littérature ne m'a pas sauvée. Je ne suis pas sauvée.

Cher Cheval

En 2019, Jacques Gamblin a été le facteur Cheval au cinéma. Il parle ici de son émotion, son ressenti lors de cette expérience.

Surtout, je vous dis merci de m'avoir transpercé l'âme. Ce n'est pas parce que vous avez trouvé un sens à votre vie que la vie a un sens. Elle n'en a pas. C'est à partir de cette certitude que je peux être libre. Libre d'inventer, de tenter, d'être fou, d'une folie qui fait du bien, qui se fout du qu'en dira-t-on, une folie joyeuse et sans nom qui se fout des jugements. Merci Cheval. Vous êtes grand. Vous nous offrez l'imagination et le rêve de la grandeur. De l'imagination au désir et du désir à l'action, il n'y a qu'un pas. Celui qui ne l'a pas ressenti au premier tour de votre Palais devra en faire un deuxième.
Cher Cheval de Jacques Gamblin

Jacques Gamblin écrit comme il parle, ça coule, fluide. Sans recherche de style mais avec le cœur, il nous raconte le facteur et l’acteur, cette fusion d’un moment

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Cher Cheval,
Pardonnez-moi d'avoir pris tout ce temps pour répondre à la lettre que vous ne m'avez pas écrite. Soyez rassuré, je n'attends pas de réponse aux questions que je ne me pose plus.
Comment pourriez-vous ? J'étais loin d'être né le jour de votre mort.
Vous et votre Palais.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Jacques Gamblin a interprété le facteur Cheval au cinéma en 2018. Rentrer dans la peau de cet homme marqué par les drames, obsédé par l’édification de son Palais idéal, a bouleversé l’acteur. Pour l’interroger comme pour le remercier, il écrit cette intense lettre, lue à la radio en 2020 et jusqu’ici restée inédite.
Les mots reviennent sur son appropriation du rôle qui dessine – fort des tourments que l’exercice inflige – une existence rude et hors du commun. Comment marcher dans les pas d’un homme entièrement dévoué à glorifier, par la pierre et l’empreinte, la beauté du monde ? Peut-être en décelant dans ce projet monumental, physique et granitique, toute la magnificence des idéaux mystiques qui l’ont fondé et se sont révélés en silence. Le Facteur et l’acteur se confondent, un costume de souffrance et d’abnégation finit par pénétrer la peau et y déposer sa folie, «cette folie qui fait du bien et du bon».

Marathon

Aux jeux olympiques d’été à Amsterdam en 1928, a eu lieu une petite surprise lors de la dernière épreuve, le marathon.

Nicolas Debon s’empare de cet événement pour raconter bien plus que ça. Et c’est vraiment là où cet album est très impressionnant.

Marathon de Nicolas Debon

Car c’est avec une grande économie de texte que cette histoire se révèle finalement très parlante. Au travers du cette épreuve d’endurance, elle nous raconte le racisme et sa violence, le dédain colonialiste, toute sa suffisance et son arrogance.

Boughéra El Ouafi
El Ouafi Boughéra

Pour se donner l’envie d’aller chercher encore un petit peu plus loin sur la vie de El Ouafi Boughéra, un court explicatif et une brève biographie complète cette magnifique BD au style très affirmé

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
L'olympisme est un renverseur de murailles.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sous les ovations de la foule, les favoris du monde entier se pressent au départ de l'épreuve reine des Jeux olympiques : le redoutable marathon.
Loin derrière eux, qui remarquerait ce petit Algérien un peu frêle, mécano à Billancourt, qui porte le maillot français ?
C'est compter sans le vent, la fatigue, les crampes et 42,195 kilomètres d'une course folle qui vont peut-être créer la surprise...

Cette année-là le Français d'origine algérienne Boughéra El Ouafi, simple ouvrier, remporta l' épreuve du marathon et devint champion olympique, affolant tous les pronostics. Retombé dans l'oubli après cet exploit, il finit pourtant tragiquement sa vie dans la misère, tué par balles dans des circonstances troubles, oublié de l'Histoire...

Nicolas Debon s'attarde sur cette course en nous plongeant au cœur de cette course, décrivant les émotions vécues par ce jeune athlète, le temps d'une course mythique. Magistral.