Pour Britney

Pour Britney se lit dans un souffle, sans répit. C’est dur, la lecture est harassante, exigeante. Mais quel texte !

Nelly Arcan en avait fini par se pendre de toutes ces histoires-là, Nelly Arcan qui avait pour elle, l'intelligence et la poésie, mais dont la plus grande part de l'énergie avait été perdue, gâchée à cela : comparer ses seins à ceux des autres femmes à l'aune et sous la surveillance de ce regard-là, qui souvent traversait les yeux des garçons que l'on aimait, et ça faisait mal - et je me demande moi, ce que ça ferait si depuis toutes petites, on s'amusait comme ça, à voix haute, à détailler devant tout le monde le corps des garçons, les garçons qui ont peur je le sais bien, tout le monde le sait, on nous le répète assez souvent comme s'il s'agissait là d'un argument indémontable, d'une raison suffisante pour, peur que leur bite ne soit pas, oui mais ce n'est pas une raison suffisante et ça n'a jamais été, une affaire publique discutée dans la cour de l'école par des petites filles assemblées en [...]
Pour Britney de Louise Chennevière
Nelly Arcan et Britney Spears, deux mêmes jeunes femmes broyées sous le regard des hommes. Et, peut-être pire encore, sous leur propre regard sous le regard des hommes.

Et il ne s’agit pas que du regard ! Regard n’est qu’un euphémisme maladroit.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai rouvert l'été dernier, des cartons qui dormaient, depuis plus de vingt ans, dans un box triste d'un entrepôt triste qui se dresse le long du périph - je passais quelquefois devant en rentrant en taxi d'une soirée loin de l'autre côté, avec des amis ivres et en silence je pensais, alors c'est là que repose mon enfance. C'est une drôle de chose que l'enfance, c'est, la chose la plus loin et peut-être, la plus proche. Je sais de source vive que, de certaines enfances on ne se remet pas.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Ce que je vois quand je regarde la photo de cette petite fille à l'aube de ce siècle nouveau, c'est qu'elle ne sait rien encore de ce que le monde va lui apprendre, et qu'être une petite fille est pour elle une joie parce que ça veut dire pouvoir devenir Britney Spears et que Britney Spears pour elle alors, c'est chanter et danser, c'est être dans son corps, sans crainte et sans distance, se sentir très vivante, c'est se tenir, très loin de la peur mais.

Éloge des fins heureuses

Coline Pierré est écrivaine de romans jeunesse. Et, dans cet essai, elle milite pour des fins heureuses (oui, tout est dans le titre). Non seulement dans la littérature jeunesse, mais aussi d’une manière plus générale, pour toutes les œuvres de fiction. Pour que le regard porté sur les romances, chick-lit et autres fictions sentimentales soit moins condescendant, voir dédaigneux.

Nous devons nous réapproprier les fins heureuses dans une perspective féministe. Plus que revendiquer la chick-litt, il faut la hacker, l'extirper du sexisme dans lequel elle est embourbée pour inventer une fiction sentimentale féministe et idéaliste, une chick-litt exigeante et populaire, radicalement subversive, radicalement romantique. Et faire de même avec nos vies.
Éloge des fins heureuses de Coline Pierré

Armée de ses arguments bien aiguisés qui puisent tant dans les classiques que dans les comédies, elle développe un plaidoyer drôle, politique, féministe et convainquant.

« Nous avons payé cher notre culte de l’endurcissement et notre dénigrement de la sensibilité. La violence au lieu de l’émotion. Nous nous élevons contre la violence, mais nous ne lisons pas les écrivains non violents. Nous protestons contre l’absence de contact, mais nous ne lisons pas les écrivains qui décrivent des relations au lieu de non-relations ou d’antirelations », écrivait Anaïs Nin dans son essai Le roman de l’avenir.

En plus, c’est plein d’une joie communicative

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La douceur aussi peut changer la vie
Adolescente, j'aimais les fictions dures et dramatiques, comme une manière d'éprouver l'âpreté et la violence du monde depuis mon fauteuil douillet du cocon parental alsacien


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Ce texte iconoclaste est un plaidoyer pour l’imagination et pour la fiction, une défense de l’optimisme, des fins heureuses, du romantisme et de la littérature « féminine ». Tenu par une démarche résolument féministe, ce court essai est une arme politique et un instrument d’émancipation sociale.

Quand on referme ce livre, on ne peut que ressentir l’envie de faire la révolution, avec des livres et dans la rue.

Bas les voiles !

Que signifie le voile, socialement, culturellement, religieusement ?
Chahdortt Djavann a une vision très claire sur la question. Née en Iran et ayant vécu l’arrivée de l’ayatollah Khomeini elle l’a porté de 13 à 22 ans.

De treize à vingt-trois ans, j'ai été réprimée, condamnée à être une musulmane, une soumise, et emprisonnée sous le noir du voile. De treize à vingt-trois ans. Et je ne laisserai personne dire que ce furent les plus belles années de ma vie.
Bas les voiles ! de Chahdortt Djavann

Elle dénonce dans ce court, mais très pertinent essai, l’aveuglement d’une société démocratique et laïque – la France – qui permet que des jeunes filles mineures se retrouvent obligées de porter le voile.

Et tout d’abord, pourquoi voile-t-on les filles ? Pourquoi que les filles ? Que veut-on montrer en cachant leurs cheveux, leur corps ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai porté dix ans le voile. C'était le voile ou la mort. Je sais de quoi je parle.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«Mais qu'est-ce que c'est que porter le voile, habiter un corps voilé ? Que signifie être condamnée à l'enfermement dans un corps voilé puisque féminin ? Pourquoi voile-t-on les filles, seulement les filles ? Pourquoi cache-t-on leur corps, leur chevelure ? Qui a le droit d'en parler ?

J'ai porté dix ans le voile. C'était le voile ou la mort. Je sais de quoi je parle.»

Depuis toujours nous aimons les dimanches

Dans ce délicieux essai anarcho-jouissif, Lydie prend la parole pour revendiquer le droit à la paresse pour toutes et tous. Une paresse créative ! Elle invite à repenser le monde économique de ces Messieurs-les-apologistes-du-travail-des-autres et à la célébration du niente.

L'un de nos slogans préférés affirmant que l'on doit: TRAVAILLER MOINS POUR LIRE PLUS.
Travailler moins pour lire plus, puisque la lecture s'acoquine merveilleusement à la paresse, puisque les bons et vrais lecteurs sont très souvent, sinon toujours, de fieffés paresseux.
Travailler moins pour lire immodérément, insatiablement, jouissivement, certains diraient vicieusement, certains diraient dangereusement, voir la pauvre Bovary citée par Salvayre pour faire genre
Depuis toujours nous aimons les dimanches de Lydie Salvayre

C’est très court, poétique, drôle et terriblement vivant.

Et en plus… ma foi… à bien la lire… voilà qui pourrait faire penser !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Depuis toujours nous aimons les dimanches.
Depuis toujours nous aimons nous réveiller sans l'horrible sonnerie du matin qui fait chuter nos rêves et les ampute à vif.
Nous aimons rester longuement les yeux fermés dans la pénombre et enlisés dans la douceur des draps. Nous aimons nous déplier lentement, lentement nous ouvrir,
nous déployer,
nous répandre.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Depuis toujours nous aimons les dimanches.
Depuis toujours nous aimons nous réveiller sans l’horrible sonnerie du matin qui fait chuter nos rêves et les ampute à vif.
Depuis toujours nous aimons lanterner, buller, extravaguer dans un parfait insouci du temps.
Depuis toujours nous aimons faire niente,
ou juste ce qui nous plaît, comme il nous plaît et quand cela nous plaît. »
En réponse aux bien-pensants et aux apologistes exaltés de la valeur travail, Lydie Salvayre invite avec verve et tendresse à s’affranchir de la méchanceté des corvées et des peines. Une défense joyeuse de l’art de paresser qui possède entre autres vertus celle de nous ouvrir à cette chose merveilleuse autant que redoutable qu’est la pensée.

Une femme regarde les hommes regarder les femmes

Lire Siri Hustvedt est une expérience impressionnante. Une cuture folle, un discours argumenté, des références précises… Il y a tout ça ! Bon, c’est clair que je me suis parfois senti complètement largué, mais elle a chaque fois réussi à me rattraper. C’est brillant !

Après la mort de son mari, Bourgeois cannibalisa son propre père dans son art, à travers l'énorme gueule rose-rouge qu'elle créa et intitula The Destruction of the Father (
Une femme regarde les hommes regarder les femmes de Siri Hustvedt

Ce recueil d’une dizaine d’articles autour de différent-e-s artistes nous parle d’art et de féminisme. De ce regard masculin, assez similaire au mansplaining, plein de condescendence, manipulation et supériorité

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ce que les artistes disent de leur propre travail est fascinant, car cela nous raconte quelque chose au sujet de ce qu'ils croient faire.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Siri Hustvedt, fidèle à son engagement envers la cause des femmes, analyse ici la nature et les implications du regard, bien souvent manipulateur, voire prédateur, que les artistes de sexe masculin tendent à poser sur les femmes (quelles soient « simples » modèles ou elles-mêmes artistes). Mais elle s'attache surtout à identifier les partis pris, conscients et inconscients, qui affectent notre manière de juger l'art, la littérature et le monde en général.

Convoquant entre autres les oeuvres de Picasso, De Kooning, Max Beckmann, Jeff Koons, Robert Mapplethorpe, en passant par Pedro Almodovar, Wim Wenders, Louise Bourgeois ou Emily Dickinson, l'auteur d'Un monde flamboyant développe une réflexion sur l'art dans ses rapports avec la perception ; elle interroge la façon dont nous évaluons la notion de créativité et montre que les critères d'appréciation se modifient constamment dès lors que nous nous déplaçons d'une culture à une autre ou d'une période de l'histoire à la suivante - alors même que d'aucuns prétendent que tout art digne de ce nom relève de critères tout à la fois universels, intemporels et quasi immuables.

S'insurgeant contre un tel postulat, Siri Hustvedt, respectueuse de l'éthique intellectuelle dont elle a toujours fait preuve en tant qu'essayiste, privilégie les questions par rapport aux réponses et se montre avant tout soucieuse d'ouvrir des espaces de libre discussion, invitant le lecteur à adopter divers angles d'approche, comme pour mieux lui laisser le choix ultime de celui qu'il fera sien.

L’esprit artificiel : une machine ne sera jamais philosophe

Raphaël Enthoven, écrit bien, très bien ! C’est clair, on a le sentiment de comprendre et même d’apprendre et de réfléchir. Mais tout cela, après quelques chapitres, m’a semblé tellement scolaire. Oui, tout est bien déroulé, c’est même parfois drôle ou même personnel (comme le veut la consigne ?). Les digressions permettent de s’échapper pour mieux revenir et bim : voilà ! C’est ça.

Alors, peut-on le lui reprocher ? Je ne sais pas, mais tout cela me laisse quand même l’impression d’avoir écouté un beau parleur.

Victoire de l'inanimé
Il n'est pas impossible que nous devenions des moutons, et qu'à force de leur demander d'avoir meilleure mémoire que nous, nous soyons bientôt zombifiés par nos outils, possédés par nos possessions, grégarisés par nos algorithmes et rendus paresseux ou asociaux par ces armes hypnotiques.
L’esprit artificiel : une machine ne sera jamais philosophe de Raphaël Enthoven

Et pour le fond ? L’auteur prend le pari que la machine ne pourra jamais philosopher, qu’à tout jamais cela lui restera hors de portée. Et c’est là, justement, que se situe notre humanité.

Attend-on le tome deux, notre humanité n’est pas algorithmique ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Imaginez qu'un beau jour votre conjoint vous demande pour quelle raison vous l'aimez. Et que vous, malheureux, vous aventuriez à répondre à cette question piège...
On peut douter que votre histoire d'amour y survive.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
De la science au droit, de la médecine aux questions militaires, l'intelligence artificielle bouleverse tous nos champs de compétence. Tous ? Non ! En philosophie, l'IA ne sert à rien. Le prototype d'agent conversationnel ChatGPT, qui peut répondre à toute question, trouver une recette de cuisine à partir du contenu d'un réfrigérateur, rédiger un article ou composer un poème sur le sujet de notre choix, qui puise dans l'intégralité du savoir disponible pour en livrer une synthèse en quelques secondes... se trouve comme une poule devant un couteau quand on lui demande de réfléchir.

Quelle énigme ! Pourquoi le geste tout simple qui consiste à trouver une problématique, c'est-à-dire à transformer une question en problème pour en faire la colonne vertébrale d'une réflexion, demeure-t-il hors de sa portée ? À quoi tient cette singularité, ce je-ne-sais-quoi ? Pourquoi la pratique de la philosophie est-elle inaccessible à l'intelligence artificielle ? Et pourquoi l'humanité demeure-t-elle un casse-tête pour la machine ? C'est la même question.

Striatum : comment notre cerveau peut sauver la planète

Sébastien Bohler a, semble-t-il, une idée fixe : notre cerveau pourrait nous sauver de l’inexorable ! Candide ? Sûrement, tant la tâche semble insurmontable. Et pourtant, par où commencer, si ce n’est par nous même ? Tous ensemble ! Et d’abord… Avons-nous le choix ?

Cela ressemble à un paradoxe. Mais ce n'en est pas un. C'est en réalité parfaitement logique du point de vue de l'évolution des espèces. Le malheur pousse à croître. Le bonheur n'est pas rentable. La croissance est consubstantielle de l'insatisfaction. Et elle produit encore plus de malheur.
Striatum : comment notre cerveau peut sauver la planète de Sébastien Bohler

Et comme pour ses précédents ouvrages, il part de la base, de notre cerveau et de son incorrigible appétence, son inextinguible avidité. Mais aussi, dans cet ouvrage, des outils qu’il possède aussi pour se refréner…

Le biologiste Marten Scheffer, de l'université de Wageningen, aux Pays-Bas, et ses collègues Ingrid van de Leemput, Els Weinans et Johan Bollen, ont récemment analysé le contenu de plusieurs millions de livres publiés en Anglais et en Espagnol entre 1850 et 2019. Ils ont constaté que, sur ce corpus très étendu ainsi que dans les colonnes de journaux tel le New York Times, à partir de 1975, le pronom « je » devient de plus en plus fréquent, alors que dans le même temps l'emploi du « nous » commence à se raréfier. De même les termes relatifs à l'émotion prennent le dessus, et ceux qui se
rapportent au domaine de la raison se mettent à reculer. Ainsi, les mots « sentiment », « plaisir », « indignation », progressent, tandis que ceux relatifs à la raison (« preuve », « rationnel », « démonstration ») voient leur fréquence décliner.

Alors, ne serions nous que des enfants incapables de ne pas croquer ce marshmallow ?

Et comme d’hab, c’est documenté, simplement vulgarisé mais précisément sourcé, tip-top et… plein d’espoir…

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ça y est. Nous y sommes. Face au mur. En quelques années, tout s'est accéléré. Ce que nous prenions pour un mouvement lent de dégradation et de réchauffement est devenu un processus brutal, extrêmement rapide. Le climat se modifie en profondeur, l'air devient irrespirable dans de nombreuses régions du monde, et l'eau se fait rare. Des migrations de grande ampleur se préparent, laissant planer la menace de conflits multiples de par le monde.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Comment sauver notre planète quand on voit les records de température battus année après année, la raréfaction de l'eau et l'inéluctable réchauffement qui s'amplifie ? Sommes- nous irrémédiablement perdus ?

La solution est dans notre cerveau. Au cœur de nos neurones, un organe appelé « striatum » nous pousse à consommer toujours plus, condamnant ainsi nos efforts de sobriété.
C'est à lui que nous devons nous attaquer.
La solution : lui opposer une autre zone plus évoluée et plus puissante de notre cerveau.
Son nom : cortex préfrontal.

Avec cet allié, nous pouvons soulever des montagnes