Fille en colère sur un banc de pierre

L’histoire d’un drame familial sur une île à côté de la Sicile.

Avec trois (quatre) sœurs criantes de vérité. Et toutes et tous, pères, mères, voisins, mafieux, cantonnier… des personnages incarnés, justes, peintures hyperréalistes.
La Sicile n’est pas oubliée et joue son rôle indolent, à la chaleur étouffante et ne bougeant qu’au rythme lent des combinaziones.
Et le drame ! Dernier personnage. Écrasant de culpabilité et qui ramifie dans chaque chapitre son sale venin.

J'aimerais ajouter que, compte tenu des conditions dans lesquelles elle a été élevée, Aïda est la meilleure version possible d'elle-même.
Elle pense un instant à ce que ses sœurs doivent se dire à l'idée de la revoir. Elle se demande si elles s'étaient préparées à la chose. Normalement oui. Le Vieux était, comme il se doit, censé casser sa pipe un de ces quatre. Et il faudrait bien s'occuper de la succession. Mais parfois, les gens sont étonnants. Ils cantonnent dans un espace fort reculé de leur crâne les cogitations déplaisantes. Les projections accablantes. Les fantômes de petite fille.
Décidément on est doué chez les Salvatore pour la jolie danse de l'esquive et du déni. Aïda autant que les autres, avec son incapacité de penser la disparition de Mimi en d'autres termes que « coincée quelque part ». Les mots « enlevée » ou « morte » sont des mots résolument impossibles.
Fille en colère sur un banc de pierre de Véronique Ovaldé

Sans oublier l’écriture et la narratrice ! Légère, sautillante et joueuse, presque malicieuse. Contre-pied salutaire à cette histoire glauque et qui donne toute la vie et la puissance à cette fille en colère

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quand elle voulut passer par la fenêtre, elle entendit la petite l'appeler. Pourtant elle croyait savoir se faire aussi discrète qu'un chat. Elle fut effrayée puis agacée puis (S'il te plaît s'il te plaît s'il te plaît, emmène-moi, chuchota la petite) résignée. Elle posa un doigt autoritaire sur ses lèvres même si ce n'était pas nécessaire. Il ne fallait pas réveiller les autres, la petite le savait aussi bien qu'elle. Les autres ameuteraient les parents. C'étaient de vraies poules caquetantes et froussardes. Et si elle n'emmenait pas la petite, il y avait le risque, qu'elle n'était pas prête à courir, que celle-ci se mît à hurler - ou plus vraisemblablement qu'elle se postât à la fenêtre à l'attendre toute la nuit en chantonnant de plus en plus fort et en finissant par alerter la maisonnée. Merci bien.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Elle aurait pu renoncer. Elle aurait dû renoncer.

Elle se le répéta bien un million de fois toutes les années qui suivirent. Elle eut d'ailleurs une hésitation, peut-être valait-il mieux rester, se rallonger dans la chambrée, à écouter ses deux autres sœurs qui gesticulaient dans leur sommeil, pétaient et miaulaient sous leurs draps à cause de leurs rêves lascifs tout juste pubères. Peut-être valait-il mieux abdiquer, enrager, et se délecter de sa rage, puisqu'il y a un plaisir dans l'abdication, cela va sans dire, le plaisir tragique de la passivité et du dépit, le plaisir du drapage dans la dignité, on ne nous laisse jamais rien faire, on a juste le droit de se taire, on nous enferme, alors que les autres là-bas au loin s'amusent et se goinfrent, qu'est-ce que j'ai fait dans mes vies antérieures pour mériter ça, oh comme je suis malheureuse. Peut-être aussi que le jeu n'en valait pas la chandelle. Mais le jeu, n'est-ce pas, en vaut rarement la chandelle. Le jeu n'est désirable que parce qu'il est le jeu. »

Véronique Ovaldé, à travers l'histoire d'une famille frappée par une mystérieuse tragédie, ausculte au plus près les relations que nous entretenons les uns avec les autres et les incessants accommodements qu'il nous faut déployer pour vivre nos vies.