L’allumeuse

Ce recueil de nouvelles commence en force avec cette allumeuse, une petite fille abusée par le bedeau de l’église. Et malgré une fin un peu curieuse, voilà une fort belle façon de commencer (si, si !).

 - Ce n'est pas un péché ça non plus. Le petit Jésus peut nous voir. On ne ferait pas ça dans son dos.
Son haleine sentait la craie de tableau noir.
Il n'a pas fait grand-chose cette première fois, le bedeau Lacasse. Il n'a qu'effleuré le bas de mon dos avec sa main et un peu ma poitrine, là où elle commençait à déformer mon tricot mou en mohair. Je n'ai rien dit, le long frisson qui me secouait m'aurait coupé la parole si un mot avait voulu passer mes lèvres. Et mes lèvres, de toute façon, étaient à moitié clouées par celles du bedeau, douces au milieu mais entourées d'épines qui me perforaient la peau et me picotaient le pourtour de la bouche comme si elle se frottait contre un cactus.
L’allumeuse de Suzanne Myre

La suite, même s’il s’agit souvent de brèves histoires de femmes fortes et de la rue Balzac de Montréal-Nord (pas vraiment le meilleur quartier, semblerait-il), m’a moins parlé, avec des thématiques moins puissantes des scénarios moins poussés…

Un petit zut, donc, pour ce livre qui avait si bien commencé.

Allez, un double pouce en l’air pour la très touchante Enfance de petit Frigo (qui m’a un peu rappelé la brillantissime BD Cabot-Caboche en version chaton) et le drôlissime Préavis de décès !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Montréal-Nord n'est vraiment pas l'arrondissement le plus excitant de la ville de Montréal. Je le sais, j'y ai vécu les dix-huit premières années de ma vie avant de décamper. Tante Henriette a fini par me mettre à la porte de son appartement de la rue des Chrysanthèmes parce que j'étais soi-disant ingérable. Peut-être bien que les gangs de rue ont ajouté de la couleur aux environs, mais à cette époque, à la fin des années 70, c'était le calme plat, plus que plat. Nous pouvions jouer dans la rue sans risquer de nous faire frapper par une voiture tant il en passait rarement sur Balzac, et escalader l'hiver les montagnes de neige qui dentelaient le bord des trottoirs.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Voici des histoires comiques et venimeuses où se succèdent les mères égoïstes et les pères absents, les minets et les marmots, et, surtout, les pécheresses tristes et les femmes vampires qui séduisent les hommes pour les réduire en poupées de chiffon. Car les héroïnes de Suzanne Myre sont puissantes. Ce sont des battantes qui n’hésitent pas à mettre le monde à feu et à sang pour se faire justice. Pourtant, aucune d’elles n’est un démon. Elles sont même gentilles, au fond. Mais elles ne veulent plus qu’on les blesse. Il y a, au cœur de ces récits, une profondeur bouleversante. Une complexité, une introspection, une tendresse qui désemparent et qui persistent longuement après la lecture. Dans L’ALLUMEUSE, l’écriture de Suzanne Myre se fait touchante comme jamais.

Par ailleurs, l’auteure nous y fait visiter le quartier de son enfance : Montréal-Nord, un lieu bigarré auquel la littérature ne s’intéresse jamais. La paroisse Saint-Vincent-Marie-Strambi, la polyvalente Calixa-Lavallée, le boulevard Industriel deviennent le théâtre de cent douleurs et rires grinçants. C’est là un livre fabuleux où les personnages rêvent indifféremment d’assassinats et de hamburgers chez Dic Ann’s. Bref, en douze histoires et un préavis de décès, L’ALLUMEUSE célèbre les têtes brûlées qui mettent le feu aux poudres.