Le haut mal

La tension de ce haut mal ne réside pas dans le suspense, le meurtrier (enfin, la tueuse) étant connue dès le début. Pourtant, ce roman noir de Simenon reste nauséabond d’un bout à l’autre. Sale dehors comme dedans.

Mme Pontreau alla dans le dernier grenier et choisit le plus profond des intervalles qui s'étaient creusés entre les poutres. Avant d'y mettre les dix billets, elle les entoura de papier qu'elle ficela avec un morceau de cordon rose pris à son jupon. 
La place de Nieul était toujours aussi nue. Les curieux, refoulés par les gendarmes, formaient un barrage à cent mètres de la maison grise. Parfois une auto passait sans s'arrêter devant chez Louis, en direction de Marsilly ou de La Rochelle. Le docteur était parti à Lauzière où il avait trois malades. 
On aurait pu croire qu'il allait geler, tant le ciel était blanc et toutes les couleurs crues dans l'air trop transparent. 
Un seul être traversait de temps en temps la place déserte. C'était la mère Naquet, avec son chapeau noir, son parapluie, qui marchait jusqu'à l'angle du chemin de la mer. Là, elle avançait un peu la tête pour voir sans être vue. Elle parlait toute seule. Elle battait en retraite, agitée, comme si elle eût voulu rentrer chez elle, mais bientôt elle faisait demi-tour et venait voir à nouveau.
Le haut mal de Georges Simenon
Dans une ferme mal tenue, la belle-mère tente de remettre de l’ordre en se débarrassant de son gendre incapable.

Un vrai Soulages, brillant de noirceur

Le 7e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le gamin poussa la porte et annonça, en regardant la femme de ménage qui, les mains sanglantes, vidait les lapins :
« La vache est morte. »
Son vif regard d'écureuil fouillait la cuisine, à la recherche d'un objet ou d'une idée, de quelque chose à faire, à dire ou à manger et il se balançait sur une jambe tandis que sa sœur, ronde et frisée comme une poupée, arrivait à son tour.
« Allez jouer, prononça Mme Pontreau avec impatience.
- La vache est morte !
- Je le sais.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Trois femmes traversent la place du village en direction de l'église. Depuis des années, on les voit toujours ensemble. On ne s'occupe plus d'elles, on ne leur parle plus. Impénétrable, la veuve Pontreau marche en tête, gantée et chapeautée. Sa fille Hermine la suit, invisible dans son tailleur gris. A son côté, la mère Naquet, laide et sale, avec son parapluie et ses souliers trop grands, a l'air de sortir d'un conte de fées.
Il y a longtemps que ce trio sinistre ne fait plus peur à personne. Depuis ces jours d'été tragiques à la ferme Pontreau où un homme atteint d'épilepsie – le haut mal –, faisait une chute mortelle. De cette mort et des drames qui s'ensuivirent, ces femmes murées dans leur silence détiennent le secret.