Tous les silences ne font pas le même bruit

Choquant, bouleversant, intime… c’est une foule d’adjectifs qui me viennent après cette intense lecture.

Un livre à prendre dans son entier. A lire tout en empêchant son cerveau de lever la main et de crier oui mais moi…

Tous les silences ne font pas le même bruit de Baptiste Beaulieu
Le témoignage magnifique de la vie d’un homosexuel (homme blanc et d’un milieu aisé), de son enfance à aujourd’hui avec toutes les frustrations, salissures et humiliations… mais aussi les belles rencontres, la famille, l’amour et les amitiés.A l’heure de la montée des masculinistes (y en a-t-il plus ? Je ne sais pas, mais en tout cas, ils se permettent de faire de plus en plus de bruit) et des fascismes décomplexés, il est important de comprendre leur toxicité, leur violence, leur haine ! Que ce soit pour les femmes, les homos ou toutes les minorités…

Une nocivité qui, finalement, touche toute la société si on l’observe sous l’angle de l’intersectionnalité

Le concept d’intersectionnalité dans le cadre de la réussite universitaire au Canada

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tu es enfant, c'est dimanche soir, tu es installé sur le divan en osier, dans les bras de ta mère, merveilleux bras qui n'ont jamais trahi, jamais manqué à leurs devoirs. Tu portes un pyjama bleu en pilou-pilou, tu as glissé tes pieds nus sous les cuisses de ton père pour les tenir au chaud.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tu es un garçon de 8 ans. Un dimanche soir, en famille, tu regardes un film qui se moque d'un couple d'hommes. Qu'y a-t-il de si drôle ?

Tu deviens un adolescent que l'on insulte : « Sale pédé ! » Tu contemples l'eau noire du canal du Midi, prêt à abandonner. Sur tes épaules, un sac à dos rempli de pierres et ton secret.

Te voilà jeune homme, tenant la main de ton amoureux au risque d'être tabassé, puis père à ton tour. Un médecin révolté, un écrivain qui ne peut plus se taire.

C'est l'histoire d'un homosexuel, aujourd'hui, en France. Son récit nous fait entrer dans sa peau et adopter son regard. Il raconte les préjugés, le harcèlement, la mise à l'écart et les silences qu'il doit affronter. Il y a l'homophobie qui nous révolte et celle que l'on ne soupçonne pas, logée en chacun de nous.

Un grand texte, bouleversant et universel.

L’effondrement

Est-ce que tout était écrit d’avance ? Le déterminisme social explique-t-il cet effondrement ?

L’effondrement de Édouard Louis
Édouard Louis nous parle de son frère, mort de son alcoolisme, de sa propre violence, ses colères et son besoin de reconnaissance… Mais aussi de son enfance, de ses relations familiales, professionnelles, amoureuses et amicales.

Le sombre gâchis d’une vie sous le regard d’un enquêteur la tête pleine de pourquoi ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je n'ai rien ressenti à l'annonce de la mort de mon frère; ni tristesse, ni désespoir, ni joie, ni plaisir. J'ai reçu la nouvelle comme on recevrait des informations sur le temps qu'il fait dehors, ou comme on écouterait une personne quelconque nous dérouler le récit de son après-midi au supermarché. Je ne l'avais pas vu depuis presque dix ans.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Mon frère a passé une grande partie de sa vie à rêver. Dans son univers ouvrier et pauvre où la violence sociale se manifestait souvent par la manière dont elle limitait les désirs, lui imaginait qu'il deviendrait un artisan mondialement connu, qu'il voyagerait, qu'il ferait fortune, qu'il réparerait des cathédrales, que son père, qui avait disparu, reviendrait et l'aimerait.

Ses rêves se sont heurtés à son monde et il n'a pu en réaliser aucun.

Il voulait fuir sa vie plus que tout mais personne ne lui avait appris à fuir et tout ce qu'il était, sa brutalité, son comportement avec les femmes et avec les autres, le condamnait ; il ne lui restait que les jeux de hasard et l'alcool pour oublier.

À trente-huit ans, après des années d'échecs et de dépression, il a été retrouvé mort sur le sol de son petit studio.

Ce livre est l'histoire d'un effondrement.
É. L.

Le journal d’Edward, hamster nihiliste (1990-1990)

Rarement un petit livre rigolo, d’apparence un peu crétine, ne m’aura fait réfléchir comme celui-ci.

Le journal d’Edward, hamster nihiliste (1990-1990) de Miriam Elia et Ezra Elia
Vous aussi ? dans votre enfance, vous avez eu un hamster ? Bestiole sacrifiée dans une cage métallique et condamnée à tourner encore et encore dans une roue en plastique.

Vous êtes vous réellement demandé ce qu’elle pouvait penser de sa captivité ?

Edward l’a fait. Et c’est drôle et triste comme tout

Et moi ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Mercredi 30 avril
C'est mon anniversaire et personne n'a l'air de l'avoir remarqué. Cela fait aujourd'hui six mois. Six mois qu'ils m'ont « acheté » à l'animalerie Tom & Jerry.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Mercredi 7 mai
Deux d'entre eux sont venus aujourd'hui, ils m'ont sorti de force de la cage et mis dans une sorte de labyrinthe improvisé. Un labyrinthe sans issue. Ils riaient et poussaient des cris perçants comme si c'était un jeu - mais je savais que ce n'en était pas un. Leur but est de venir à bout de ma volonté, de me réduire à néant. Ils peuvent bien me priver de ma liberté, ils n'auront jamais mon âme.

Je m'appelle Edward, et je suis un hamster.

11 quai Branly

Le projet : se retrouver dans un lieu de son enfance. Mazarine M. Pingeot retourne quai Branly.

Et voilà que je vais y retourner. Pour de vrai. Aujourd'hui, on dirait « en présentiel » et ce mot affreux aurait ici du sens. Car revenir physiquement sur les lieux est une expérience. Bientôt il y aura une date. On se met d'accord. Les vacances de février, c'est bien. Un court horizon s'ouvre : nous sommes en décembre. Dans deux mois. Vais-je y réfléchir ? Vais-je faire des pronostics ? Il faut tout noter. Il faudrait retrouver ce que j'en ai écrit dans d'autres livres. Il faudrait se fabriquer une mémoire comme une cuirasse pour ne pas arriver les mains vides. Il faut s'armer de nouvelles résistances. Ou bien toutes les détruire, les unes après les autres, pour revenir vierge et retrouver la première fois. Car il y eut bien une première fois.
Mon père n'a pas été élu en 1974. Et je suis née.
11 quai Branly de Mazarine M. Pingeot
Pas vraiment l’occasion d’un grand bouleversement, mais la possibilité, peut-être, de poser quelques valises.Cette fois, je peux laisser les clés. Il n'est pas donné à tout le monde de recommencer les adieux quand la première fois ils ont été manqués.
Je peux désormais quitter les lieux sans les fuir.L’occasion de quelques pensées et de pas mal de stress aussi.

Un livre qui n’apprend pas grand chose – tant a déjà été dit et écrit – mais certainement une possibilité de se réapproprier son histoire, sa jeunesse

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai vécu quai Branly de neuf à seize ans. Ce qui correspond à ce qu'on appelle une adolescence. Ça n'en était pas seulement le décor, mais également le tombeau.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« J'ai vécu avec mes parents quai Branly de neuf à seize ans. Ce qui correspond à ce qu'on appelle une adolescence. Ça n'en était pas seulement le décor, mais également le tombeau.

L'appartement de fonction était vide, et rien ne parvenait à le remplir. Surtout pas moi. Un fantôme. Dont nul ne pouvait connaître la présence en ce lieu qui n'était ni chez elle, ni chez lui, ni chez eux.

J'ai vécu mon adolescence dans un logement de passage où personne ne passait. Chez moi, c'était chez personne. »

En revenant à « l'Alma », Mazarine M. Pingeot revisite une page de sa vie personnelle qui est devenue collective quand d'autres ont raconté à sa place cette jeunesse secrète et « dorée ». Le temps a passé, l'enfance s'est éloignée mais l'autrice peut aujourd'hui la raviver en faisant l'expérience du retour. Est-il possible, bien des années après, de repenser plus justement son enfance et de s'en émanciper ?

Ann d’Angleterre

Suite à un AVC de sa mère, Julia Deck raconte en parallèle la vie de sa mère et l’accident avec toutes ses suites.

Dans Le Limier, de Mankiewicz, Laurence Olivier joue un écrivain britannique jusqu'à la moelle, et Michael Caine un immigré italien qui a trimé toute sa vie pour se fondre dans la bonne société. Le premier ne cesse de renvoyer l'autre à ses origines. Poussé à bout, Michael Caine finit par s'écrier que, grâce à tous ses efforts, I have become English, il est devenu anglais. C'est le triomphe de Laurence Olivier, qui lui rétorque avec une inflexion spécialement méprisante How can you possibly become English? Comment pourriez-vous bien devenir anglais - comme si la parfaite maîtrise de la langue, des coutumes et des mœurs permettait de s'arroger l'ineffable singularité que d'autres éprouvent dans leur chair depuis le premier jour, et même depuis avant la naissance, par transmission d'attributs dont le seul caractère inimitable confère à celui qui les porte une forme de noblesse.
Je ne rejoindrai jamais ma mère parmi les Anglais.
Ann d’Angleterre de Julia Deck
Deux parties bien distinctes qui finissent par se rejoindre dans un questionnement qui ne trouvera possiblement pas vraiment de réponses satisfaisantes.

Un sombre tableau des hôpitaux et du système de soins français

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
On y pense ou on n'y pense pas. J'y pense depuis trente ans. Je tente de m'y préparer.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
En avril 2022, la mère de Julia Deck est victime d'un accident cérébral. Selon les médecins, ses chances de survie sont infimes. Mais la patiente déjoue les diagnostics. Commence alors un long cheminement, dans l'espoir d'une convalescence, à travers le dédale des établissements de soins. En parallèle, Julia Deck raconte, sur un rythme vif et non dénué d'humour british, la vie de cette femme issue d'une famille ouvrière anglaise, passionnée de littérature, qui s'est élevée socialement, est venue habiter en France, tout en continuant d'entretenir un rapport complexe avec sa famille d'Angleterre. Car au milieu de son histoire, Julia décèle une étrangeté, peut-être un secret - un point aveugle dans le récit de sa filiation. Mais à cette interrogation, seule sa mère, précisément, pourrait répondre. Ce texte splendide, qui questionne les liens entre l'écriture et la vie, est aussi un geste d'amour bouleversant d'une fille envers sa mère.

Moi, Fadi le frère volé, t.1 : (1986-1994)

Riad Sattouf continue a retourner en enfance, celle de son frère, enlevé par son père, direction Syrie.

Moi, Fadi le frère volé, t.1 : (1986-1994) de Riad Sattouf
Si l’impression de déjà vu est assez forte, limite lassante, son talent de conteur réussit toutefois à toucher juste.
Bienvenue en Syrie et oublie ta maman ! Arrête de pleurer et tiens, prends un bonbon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je m'appelle Fadi Saltouf, et mon premier souvenir se passe dans le jardin de ma grand-mère au cap Fréhel, en Bretagne. Je dois avoir à peu près 2 ans et j'ai l'impression d'être la lumière qui éclaire le monde !


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Ah, c'est ainsi ?
Eh bien, je pars vivre en Syrie, avec mon papa.
Car c'est ce que font les fils, ils suivent leur père. »

Riad Sattouf revient avec une nouvelle série de bandes dessinées, qui replonge le lecteur dans l’univers de sa série à succès L’Arabe du futur.
Ce nouveau projet repose sur les histoires que Riad Sattouf a recueillies en 2011 et 2012 auprès de son frère Fadi Sattouf.
Dans ce récit, c’est Fadi le narrateur : il retrace son parcours hallucinant, de son enfance heureuse en Bretagne auprès de sa mère adorée et de ses grands frères, Riad et Yahya, jusqu’à la Syrie de son père, rude et inconnue pour lui...

Minuscule folle sauvage

Vous ne connaissez rien aux troubles de la personnalité borderline, la dépression, les phobies…? Ou alors, vous en savez un peu quelque chose… Qu’importe. Ce livre est parfait.

Avec plein de douceur et de poésie graphique minimaliste, Pauline de Tarragon nous invite dans sa vie, son enfance, sa jeunesse et son adolescence. Ses difficultés et ses accomplissements.

Minuscule folle sauvage de Pauline de Tarragon

C’est beau, intime et très touchant

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai observé le trou de ma tête.
J'y ai jeté quelques cailloux pour évaluer la profondeur.
Ça n'a pas fait de bruit, je n'ai pas compris.
Alors j'ai sauté.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Qu`est-ce que je vaux si je suis seule ? Ai-je le droit de disparaître dans la forêt ? A quel moment puis-je décréter que je suis folle ? Dans son premier roman graphique, Pauline de Tarragon nous ouvre les portes de son laboratoire privé, celui dans lequel elle concocte des potions pour comprendre, réparer et survivre. C`est avec humour et poésie que l`autrice nous livre un monologue intime qui touchera en plein cœur les introverti.es, les inadapté.es, les phobiques aussi bien du vide que du trop-plein, et les tristes de naissance. Ce petit bijou minimaliste, plein d`humour et de sensibilité, vous fera passer du rire aux larmes.

La mécanique des désirs

Réécriture de Escorte paru en 2010 (que j’avais lâché après quelques pages que j’avais alors trouvées un peu indigestes), on retrouve ici une femme [qui] regarde les hommes regarder les femmes comme l’écrivaient Siri Hustvedt ou Louise Chennevière dans Pour Britney… avec le désespoir en moins.
Mais toujours et encore, une femme, son corps, sa jeunesse… pour les hommes.

Elle allait aussi recommencer à être quelqu'un d'autre, emprunter un autre prénom, enfiler des habits cachés depuis des années sous son lit, dans des tiroirs, contre le mur. Elle m'avait montré des photos d'elle, en latex, avec un fouet. Je m'étais rapprochée d'elle, parce que dans les cours d'école, j'ai besoin des autres mères, j'ai besoin de rire encore fort et de vouloir pleurer. J'aime arriver seule, sans maquillage, les cheveux mouillés, toujours presque en retard, puis m'entourer des femmes qui attendent, elles aussi. Sous les lunettes aux verres sombres, je réussissais intuitivement à aller vers celles qui me ressemblent : après maints jours, nous nous disions que nous n'avions pas qu'embrassé des hommes, et que nous avions déjà été payées pour être nues et aimer ceux qui recherchent quelque chose qu'ils n'ont pas.
Ils ne réussissent pas à l'avoir avec nous, non plus, ce qu'ils cherchent, raconter leurs histoires et avoir notre attention et notre sexe, sans considérer les heures. Moi aussi, je ne peux pas avoir ce que je cherche, mais je peux m'en approcher, comme un homme sous moi, à laper entre mes jambes.
La mécanique des désirs de Mélodie Nelson
Forcément impudique, évidement dérangeant, cette mécanique des désirs est pourtant très touchante par son intime sincérité.

Certes, on n’y retrouve pas le même sentiment d’oppression qu’avec Nelly Arcan, pas non plus l’exhibitionnisme autofictionnel d’Emma Becker… mais toujours cette ambiguïté dont parlait Nancy Huston, oscillant entre le désir de plaire et la souffrance de cette soumission – désirée autant que subie. Une autobiographie qui semble nous renvoyer à Schopenhauer et sa fameuse citation « La vie oscille, comme un pendule, de la souffrance à l’ennui ». Et comme seul l’art pourrait nous en sauver… Mélodie écrit. Et même fort bien !

Mais désormais mère ! Et la maternité n’efface pas la violence du désir…

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai toujours été un peu mélancolique, et cette tristesse s'incruste même quand je change de couleur de cheveux ou de vernis à ongles, même quand je me blottis contre un homme, comme une bête sauvage qui fait semblant d'être apprivoisée dans un lit, sous un arbre, au parc, dans l'espace restreint d'une banquette arrière, avec de la buée dans les fenêtres.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
La mécanique des désirs transpose le regard lucide et distancié d'une femme devenue mère qui revisite son passé d'escorte. Ce récit littéraire parfois cru, révèle la froideur des hôtels du centre-ville, les secrets des maisons de la banlieue et les confidences entre amies sur les banquettes de la Belle Province. Sans fard, la narratrice évoque ses moments d'intimité avec les clients, les rencontres marquantes qui ont jalonné sa trajectoire, ainsi que ses relations avec ses proches. La mécanique des désirs, c'est aussi l'exploration de la nature profonde d'une femme, de sa sexualité, et au-delà du désir et des attentes jamais vraiment comblées, des décisions qui fabriquent une vie.

Alors c’est bien

Une merveille !

Depuis deux ans, le père de Clémentine était malade. Elle raconte ici son père, ses parents, la famille, la maladie, la mort, la cérémonie. Elle raconte l’amour, la famille, les rires et les joies.

Le couple que formaient mes parents, c'est La Promesse de l'aube, de Romain Gary: « On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. » Lorsque j'étais enfant, je n'avais aucun doute sur le fait qu'une fois adulte, je vivrais dans la plus idéale complicité avec quelqu'un qui m'aime sans condition. Tout comme, en voyant les seins identiques et parfaits des danseuses du Crazy Horse à la télévision les soirs de réveillon, j'étais convaincue que, plus tard, j'en aurais de pareils. Pour les seins comme pour l'amour, la vie nous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient pas toujours
Alors c’est bien de Clémentine Mélois
Et c’est drôle et c’est beau

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il faut que je raconte cette histoire tant qu'il me reste de la peinture bleue sur les mains. Elle finira par disparaître, et j'ai peur que les souvenirs s'en aillent avec elle, comme un rêve qui s'échappe au réveil et qu'on ne peut retenir.

Avec ce bleu, j'ai peint le cercueil de Papa.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Bernard Mélois est sculpteur. Il a consacré son existence à souder des figures spectaculaires dans le capharnaüm de son atelier, en chantant sous une pluie d'étincelles. Alors qu'il vit ses derniers jours, ses filles reviennent dans leur maison d'enfance. En compagnie de leur mère, des amis, des voisins, elles vont faire de sa mort une fête, et de son enterrement une oeuvre d'art. Périple en Bretagne pour faire émailler la croix, customisation du cercueil, préparatifs d'une cérémonie digne d'un concert au Stade de France : l'autrice raconte cette période irréelle et l'histoire de ce père hors du commun dont la voix éclaire le récit.

D'une fantaisie irrésistible, Alors c'est bien offre un regard sensible et inattendu sur la perte et la filiation. C'est aussi l'hommage de l'artiste Clémentine Mélois à son père, ce bricoleur de génie qui lui a transmis son humour inquiet, son amour des mots et son vital élan de création.

Leur séparation

Au travers de ses souvenirs d’enfance Sophie parle de cette blessure inguérissable, de ce deuil impossible, de cette séparation qui n’est pas la sienne. Le divorce de ses parents.

Des années après, ma mère m'avait confié qu'en réalité ce séjour avait été houleux et avait sans doute hâté la fin de leur histoire. Je n'avais pas envie qu'elle me le raconte. Je voulais seulement garder la douceur de ces jours, le ronronnement du chaton noir que nous avions prénommé Myrtille, le goût du sorbet à la fraise fondant dans ma bouche, l'éclat de nos rires d'enfants quand nous avions tour à tour essayé le casque prêté par un pompier venu détruire un nid de frelons, les accents chantants de la langue italienne, gatto, signora, buongiorno.
Leur séparation de Sophie Lemp

Des instants, des lieux, des émotions… comme une longue liste qui peine à prendre, à reprendre et se recoller. Un livre qui m’a semblé aussi fragmenté que la petite Sophie à pu l’être

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Dans un album sont réunies mes photos de classe. Sur celle de l'année 1987-1988, tous les élèves sont déguisés, c'est mardi gras. Je porte une robe jaune à volants et un jupon qui appartenaient à ma mère. Mon visage est plein, souriant, lumineux.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Ce samedi matin de janvier, ma mère m'attend à la sortie de l'école. Comme les autres jours, nous remontons la rue des Boulangers mais, au lieu de nous arrêter au carrefour, nous prenons à gauche dans la rue Monge. Je me retourne et aperçois un camion de déménagement garé en bas de notre immeuble. Ma mère serre ma main dans la sienne. Je n'ai pas envie de parler, je pense au camion, aux cartons, au salon qui demain sera à moitié vide. Je pense à mon père. Désormais, j'irai chez lui tous les mercredis soir et un week-end sur deux. Ma mère s'est organisée pour que je passe l'après-midi et la nuit chez une amie. Avant de partir, elle me dit Profite bien de ta journée, amuse-toi, essaye de penser à autre chose. Je hoche la tête mais je sais que jamais plus je ne penserai à autre chose. »

Sophie Lemp fête ses dix ans quand ses parents divorcent. Trente ans plus tard, c'est avec le regard d'une petite fille devenue adulte qu'elle revit cette séparation.

Pourquoi cette blessure, commune à tant d'enfants, est-elle si difficile à cicatriser ?