Femme de Vitruve

Nora et Simone, deux très belles et très jeunes femmes, parfaites ! Au pire, il serait toujours possible d’effectuer quelques éventuelles retouches d’un petit coup de bistouri. Deux objets lucratifs, vitrines publicitaires ou escorts, des pièces de valeurs. Mais elles ? Qui sont-elles ?

Non, elle ne prend plus ses médicaments, et alors? Depuis qu'elle a jeté sa prescription à la toilette, Nora passe ses journées à réfléchir à la meilleure façon de se suicider. Elle visualise son corps tomber du haut d'une tour. Elle imagine le bruit que ferait son squelette en se fracassant contre l'asphalte, après une chute interminable. Femme de Vitruve dans un cercle de sang.
Femme de Vitruve de Sara Lazzaroni

Un livre qui n’est pas sans rappeler ceux de Nelly Arcan, avec des questionnements similaires sur le corps, la beauté, sa marchandisation et… le sens de tout ça.

Et même si j’ai parfois eu de la peine avec le passage entre les deux protagonistes et que leur tardive rencontre m’a quelque peu frustré, ce duo décrit parfaitement notre système économique implacable aux victimes dont l’obsolescence est programmée

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Nue devant la glace, Simone inspecte son profil gauche, le plus faible, celui qui n'est pas photogénique. Son regard descend le long du flanc. Un peu de graisse s'est accumulée sous le nombril. Un relief tendre et lisse est apparu, enflé tel un fruit mûr. Simone tire sur la peau pour faire saillir la structure du bassin. Voilà, comme ça c'est bien, tout à l'intérieur des os.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Simone et Nora travaillent pour une agence spécialisée en lancement de produits. Elles en font secrètement la promotion en fréquentant des lieux publics où elles sont susceptibles d’être vues du plus grand nombre. Ces geishas nouveau genre ne se connaissent pas, mais elles se croiseront aux portes d’un ascenseur, là où se joue leur sort.
Avec un style vivant, précis et sobre, Sara Lazzaroni déterre ce qui enfoui sous les apparences, ce qui se cache derrière la solitude une toutes les caméras, toutes les lumières éteintes

Célestine

Célestine est née après la mort de ses parents. Élevée par une tante et un oncle lointains, elle va très vite devenir une sublime jeune fille avec la tête bien faite et qui saura bien se débrouiller pour arriver là où elle le souhaite.

Il aimait donc déjà aussi, il le savait, tout ce qu'il lui restait à découvrir.
Elle lui faisait penser à certaines œuvres du musée du Louvre qu'il avait cru connaître dans les moindres recoins et qui n'avaient pourtant cessé de le surprendre en lui révélant à chaque visite un nouvel élément ou un détail d'importance qui les rendait plus belles encore.
Célestine de Sophie Wouters

Un conte sur les périls qui guettent les jeunes filles. Le loup n’est pas toujours caché au fond des bois

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- La Célestine avait tout de suite commencé par faire fort!
La journaliste, les pieds dans la paille, s'approcha encore un peu plus de Marcel avec son microphone.
- Naître après le décès de ses parents... Vous n'allez quand même pas m'dire que c'est la façon d'faire du commun des mortels! marmonna-t-il, assis à califourchon sur son petit tabouret, en tirant plus fort sur les mamelles de la vache qui s'était mise à beugler.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Années soixante, quelque part dans la France profonde. Célestine, orpheline dès sa naissance, est élevée par de lointains parents qui n'avaient jamais voulu d'enfants.

Dix-sept ans plus tard, l'adolescente se retrouve devant la cour d'assises des mineurs. Mais que s'est-il donc passé pour que la ravissante et douce Célestine, dont l'avenir était plus que prometteur, soit jugée pour un crime dont tout semble l'accuser ?

La souterraine

Alors que tout ça m’a semblé fort bien écrit, je n’ai pas vraiment saisi ce que Sophie Marceau nous racontait là. Quel serait le ou les messages de cette souterraine ?

Ma mère est belle. Pourtant née d'un sol pauvre et peu exigeant, semblable à la terre d'argile où pousse la vigne. Le travail séricigène du bombyx du mûrier a fait des merveilles pour produire tant de beauté brute. Des kilomètres de fil de soie ont fabriqué le tissu de sa peau. Probablement qu'un providentiel ministre des Affaires esthétiques a arrangé le mariage d'une brodeuse bretonne avec un sculpteur d'ivoire pour ciseler l'architecture de son visage. C'est en tout cas ce qu'elle croit. Sa beauté, à défaut du reste, dans sa vie, est un don du ciel et pas un simple héritage temporel.
La souterraine de Sophie Marceau

Des histoires de familles, d’amitié, de corps, beaux, laids, détestés comme les meilleurs alliés qui nous trahissent. Des objets aussi.

Et que dire de cette histoire de déshabillage qui ne fut pas sans me rappeler ce passage de l’autobiographie de Julio Iglesias reprise par Pierre Desproges ?
Lorsque je me déshabille, je commence toujours par le bas, par la partie inférieure de mon corps, la plus lourde, celle qui supporte la supérieure. Le pantalon descend le long de mes jambes et je me retrouve ainsi en culotte, exhibant la partie de mon corps qui me met le plus mal à l'aise, celle que j'aime le moins mais qui pourtant est toujours celle par laquelle je commence à me déshabiller.

Passage que je ne résiste pas à retranscrire ici :

Je passe d’abord ma chemise que je boutonne de haut en bas, puis mon pantalon[…] Je ne porte pas de ceinture, je n’en ai pas besoin. J’ajuste mon pantalon avec ma chemise par–dessus. C’est ainsi que je me peigne. Je sais que je ne dois pas tout de suite rentrer ma chemise dans mon pantalon c’est pour ça que je la laisse dépasser le temps de mettre ma cravate. Je porte des cravates toutes simples, de couleur sombre, unie, en soie. Mon pantalon est une sorte de seconde peau que je dois enfiler. C’est là le point commun avec les toreros … Il faut en effet que je tortille, qu’on tire sur le pantalon jusqu’à ce qu’il colle à moi comme une seconde peau. Je mets également mon gilet en le boutonnant lentement. et j’ai besoin qu’il me fasse un peu mal et qu’il me serre… Lorsque habillé, je me regarde dans la glace, généralement de profil, il m’arrive parfois de pousser un grand cri de satisfaction : – Ahhhhhhhhhh !
Julio Iglesias Entre le ciel et l’enfer

Bon, je suis passé à côté, zut !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ils louent le rez-de-chaussée d'un pavillon de banlieue avec un garage. Ils ont un numéro de sécurité sociale, un berger allemand et une Renault 16.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Les treize histoires et sept poèmes qui composent ce livre se répondent et se complètent : d'un décor à l'autre (plateaux de cinéma, jardins d'enfance, hôtels de luxe ou terrains vagues), les héroïnes (filles, jeunes femmes, amantes ou amoureuses, mères ou grands-mères) incarnent chacune à leur manière le sort d'être femme, qu'il s'exprime par un corps, un rôle, un héritage.

Au fil des récits, des fables, des fragments de vie, des poésies, il s'agit toujours de dévoiler un mystère, un secret, la part souterraine... Les mots s'insinuent comme il faut pour toucher ce qu'il y a à toucher, et dire ce qu'il y a à en dire. Avec finesse et intensité. Et c'est un plaisir de plonger dans ces textes – débordants d'imagination, de fantaisie, basculant souvent de l'observation la plus juste à une imprévisible drôlerie

Ma belle,

Quelle coup de coeur pour Ma belle, ! Une vraie merveille !

Elle appela un chasseur et lui dit : « Tu vas prendre l'enfant et l'emmener au loin dans la forêt : je ne veux plus la voir devant mes yeux. Tu la tueras et tu me rapporteras son foie et ses poumons en témoignage. »
Blanche-Neige, Jakob et Wilhelm Grimm

Plusieurs fois, dans cette lecture, je me suis demandé où elle allait. Après 50 pages, 100, 150 je me disais : « c’est bon, on a fait le tour du sujet, que dire de plus ? ». Mais non, j’ai été surpris jusqu’à la dernière et elles m’ont toutes enchanté. Un vrai cadeau !

On formera une belle équipe, tous les trois.
D'abord parce que j'ai trop aimé mon enfance pour ne pas aimer celle des autres, inconditionnellement.
Et puis, parce que j'ai « bon caractère ». C'est inscrit jusque sur ma carte d'identité : « Louise Prévenant ». Peut-être que ça ne m'a pas donné d'autre choix. Peut-être que tout aurait été différent si je m'étais appelée « Louise Méfiante » ou «< Louise Vabientefairefoutre »
Les disputes, je les fuis comme la peste. Je n'ai jamais été en conflit avec qui que ce soit - la fille à l'accueil de la préfecture, ça ne compte pas, c'est elle qui avait commencé.
Ma belle, de Camille Anseaume

L’histoire d’une petite fille trop belle, de son père et sa mère (tellement trop belle aussi) qui se séparent et… la nouvelle copine du père (la belle-mère, donc).

Je n'ai aucune envie de rentrer. Dans l'après-midi, je saute dans un train en direction de chez ma mère.
« Tu as une mine horrible ma chérie.
Merci, toi aussi, je peux entrer ? »
Elle sort une bouteille, deux verres, une pizza napolitaine, ma préférée.
« Tu as maigri ma puce, tu m'inquiètes. Qu'est-ce que tu as ?
- Une belle-fille.

Un livre où la marâtre parle à sa belle-fille, lui raconte leurs difficultés relationnelles, ses inquiétudes, ses ras-le-bol, ses désespoirs, son amour pour son père, sa difficulté à trouver sa place, le manque de courage du père, les intrusions de la mère, les soucis de l’adolescence…

Un livre magnifique, drôle et touchant sur les familles recomposées et le fardeau de la beauté de Blanche-Neige

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il était une fois tes parents, toi, et moi.
Ça se passe dans un royaume lointain, au-delà du périph, duquel on voit s'élever les tours comme des doigts d'honneur au ciel.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Enthousiaste à l’idée de rencontrer sa belle-fille, Louise ne s’attend pas à devenir une marâtre de contes de fées. Avec Blanche cependant, elle se heurte à un mur de glace. Sublime, triste et mutique, la petite fille à la peau blanche comme la neige, aux cheveux noirs comme l’ébène et aux lèvres rouges comme le sang oppose à la bonne humeur de Louise un dédain constant, sous l’œil complice de son père qui, subjugué par la beauté de sa fille, est aveugle à ce qui se trame. Leur relation va vite s’empoisonner. Acerbe et drôle, Louise raconte la difficulté à trouver sa place de « belle-mère », ses complexes et ses insécurités exacerbées par l’ombre de l’ex-femme idéalisé

À ciel ouvert

Après les autobiographiques Putain et Folle, Nelly Arcan a fait une incursion dans la fiction avec À ciel ouvert.

De voir Rose avait mis le doigt sur quelque chose en elle, sur une cicatrice de cœur manquant. Physiquement elles se ressemblaient, c'est vrai, mais cette ressemblance en indiquait une autre, cachée derrière, celle de leur mode de vie consacré à se donner ce que la nature leur avait refusé ; Rose et Julie étaient belles de cette beauté construite dans les privations, elles s'en étaient arrogé les traits par la torsion du corps soumis à la musculation, à la sudation, à la violence de la chirurgie, coups de dé souvent irréversibles, abandons d'elles-mêmes mises en pièces par la technique médicale, par son talent de refonte. Elles étaient belles de cette volonté féroce de l'être.
À ciel ouvert de Nelly Arcan

Un livre où elle explore les corps et la beauté, la vénérée beauté, la froide et chirurgicale beauté. Cette burqua de chair dont on oblige les femmes à se vêtir et qui donnera le titre à son dernier ouvrage posthume.

Des femmes prisonnières de leur image et des hommes esclaves de leurs fantasmes

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le ciel à marée haute
C'est sous un soleil d'été que cette histoire avait commencé, l'an dernier, sur le toit de l'immeuble où vivait Julie O'Brien et où elle était allongée comme une écorchure, sans mentir, mot qu'elle s'était donné en respect pour sa peau formée de rousseur et de blondeur, une peau qui venait de l'Irlande si on la faisait remonter à la troisième génération paternelle et qui n'était pas armée, s'était-elle dit ce jour-là, contre l'acidité du soleil d'aujourd'hui, qui darde, qui pique vers la population mondiale ses rayons.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sur le toit d'un immeuble de Montréal, une femme au teint de rousse est allongée, immobile, sous le soleil. Julie O'Brien souffre le martyre, mais considère les soins qu'elle s'inflige comme obligatoires.
La beauté, chez Nelly Arcan, est toujours sujet et objet de maltraitance. La beauté est une guerre. Et la guerre surgit lorsque Rose Dubois rejoint Julie sur ce toit brûlant...

Burqa de chair

Quelle autrice ! Quelle écriture ! Un livre écrit en plusieurs étapes, rassemblé et publié après son suicide. Quelle tristesse !

La vie est un scandale immune. Mais la vie, cette éblouissante déchéance, cet éclair phosphorescent qui part du ciel pour s'écraser au sol, qui crève le silence comme une condamnation à être, une sommation à voir le jour, à hurler sous la tape médicale dans le dos, à se lever et à marcher, à chier dans un pot et à grandir, à devenir plantation ou semence, homme ou femme, finira un jour par rebondir d'où elle a chuté, le Rien, le Grand Vide, le Ciel de mon père, l'horizon caché de toutes ses prières.
Burqa de chair de Nelly Arcan

Nelly Arcan nous parle, presque sereine (en tout cas avec plus de distance et termine en parlant d’elle à la troisième personne), de sa relation au corps, à sa mère, à la beauté, à son image et au regard de l’autre.

Puis à l'aube de ses trente ans sa fille était devenue folle. Sous couvert de dépression elle avait voulu s'achever bien des fois. Par maladresse elle avait toujours survécu. Depuis quelques années la mère avait dû conclure que les chirurgies n'avaient pas rassasié sa fille et qu'elle était donc fondamentalement insatiable de ce qu'elle n'était pas. Elle avait dû conclure que son rôle de mère ne cesserait jamais alors que ce rôle aurait dû devenir celui d'une grand-mère. La conclusion était qu'il n'y aurait pas de flambeau à passer et que c'était mieux ainsi. Le nez de son père n'irait plus jamais se plaquer sur le visage d'un nouveau-né.

Avec une préface émouvante et bienvenue de Nancy Huston sur l’importance de l’oeuvre de Nelly Arcan

Quand paraît en 2001 son premier livre Putain, Nelly Arcan est une belle jeune femme.
Elle sera lue, photographiée, filmée, interviewée, jamais tout à fait prise au sérieux, admirée pour son culot et pour son cul, et Dieu sait qu'elle jouera sur l'ambiguïté, difficile pour une jolie jeune femme de ne pas jouer là-dessus, difficile, oui, même en étant, comme elle, d'une lucidité javellisante, d'avoir les idées parfaitement claires alors que des journalistes vous filment et vous flattent, vous tirent dans tous les sens, vous caressent l'ego dans le sens du poil et le poil dans le sens de l'ego, difficile de savoir comment se tenir, comment regarder la caméra, alors qu'on veut plaire, et vendre, c'est-à-dire se vendre, toujours, le désir vient jeter du trouble, toujours... mais bon.
Avec une préface de Nancy Huston

Et finalement, oui…

Se tuer peut nuire à la santé
Nelly Arcan

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La robe de chambre
La vie est un scandale, c'est ce que je me dis tout le temps. Être foutue là sans préavis, sans permission, sans même avoir consenti au corps chargé de me traîner jusqu'à la mort, voilà qui est scandaleux.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Septembre 2001-septembre 2009 : en l'espace de huit ans, une jeune femme déploie son chant et disparaît. Huit ans seulement pour entrer avec fracas dans la littérature et pour s'échapper du monde tout aussi violemment. Nelly Arcan était une guerrière, sous les fragiles apparences d'un ange blond. Son courage intellectuel n'avait d'égal que son effroi de vivre, c'est-à-dire d'habiter un corps. Un corps de femme, exposé et convoité, prison et camisole, étendard et linceul. Burqa de chair, disait-elle dans une formule saisissante. Il semblerait que très tôt elle ait appris à poser les bonnes questions, celles qui dérangent, que s'emploie à détailler Nancy Huston dans sa préface. Les textes qu'on lira ici sont du meilleur Nelly Arcan. Dernières pierres blanches au bord d'une route interrompue, ils nous donnent l'occasion d'entendre encore une fois la beauté de cette langue inimitable, étourdissante, et qui laisse le lecteur hors d'haleine

Folle

Après le choc de Putain, j’ai directement entamé Folle, livre dans lequel Nelly Arcan annonce son suicide pour ses 30 ans (ce qu’elle réalisera tristement un peu plus tard). Elle y parle d’une déception amoureuse, de ses obsessions pour la « jeunesse-beauté » (duo indissociable selon elle et qu’elle voit s’échapper) et des rôles assignés aux femmes.

Aussi je mourrai parce que, pour être aimée des autres, il m'aurait fallu sourire. Je mourrai pour démontrer que le sourire est une façon de s'économiser comme le sommeil. Tu m'aimais mais tu détestais la tristesse sur mes lèvres fermées qui perdurait dans les moments heureux comme l'odeur du corps sous celle de la lavande. Bien sûr il m'arrivait de sourire mais le sourire des gens tristes a toujours quelque chose de laborieux, il met du temps à venir, ça ressemble aux poulains à peine sortis du ventre de leurs mères qui tentent de tenir debout ; pour y arriver, ils doivent s'y prendre à plusieurs reprises, et devant leurs mères désemparées, ils titubent, ils se cassent la gueule. Un jour d'anniversaire où j'avais dans les bras une nouvelle poupée, ma mère m'a frappée parce qu'elle en avait assez d'attendre la joie. Très tôt j'ai, compris que, dans la vie, il fallait être heureux ; depuis, je vis sous pression.
Folle de Nelly Arcan

Une fin de relation toxique et chaotique pleine d’aigreur et de regrets.

Cette lettre est mon cadavre, déjà, elle pourrit, elle exhale ses gaz. J'ai commencé à l'écrire le lendemain de mon avortement, il y a un mois.
Aujourd'hui, ça fait exactement un an qu'on s'est rencontrés.
Demain, j'aurai trente ans.

Des phrases plus courtes, posées, un style plus maîtrisé mais moins déconcertant

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
À Nova rue Saint-Dominique où on s'est vus pour la première fois, on ne pouvait rien au désastre de notre rencontre. Si j'avais su, comme on dit la plupart du temps sans dire ce qui aurait dû être su au juste, et sans comprendre que savoir à l'avance provoque le pire, si on avait pu lire dans les tarots de ma tante par exemple la couleur des cheveux des rivales qui m'attendaient au tournant et si de l'année de ma naissance on avait pu calculer que plus jamais tu ne me sortirais de la tête depuis Nova...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«Ensuite j'ai eu peur de tout, j'ai eu peur qu'il soit comme toi, qu'en naissant le bébé ait déjà un passé rempli d'autres femmes. [...] Il me semblait qu'en venant de toi, cet enfant me quitterait.»
Devenant son propre personnage, Nelly Arcan, jeune romancière sulfureuse, écrit une lettre à l'homme qui l'a quittée. Histoire de conquête et d'abandon, de désir et d'humiliation entre une jeune femme québécoise et son amant français, consommateur de cyber-sexe et de coke. Elle s'y révèle amoureuse folle, folle de jalousie, folle de son corps haï, folle de la dictature planétaire de l'image.
Après le succès éblouissant de Putain, Nelly Arcan plonge une nouvelle fois dans la beauté d'un désespoir absolu

Putain

Nelly Arcan raconte sa vie avec des phrases longues comme les pages pour tenter de décrire tout ce qu’elle n’arrive pas à dire. Une lecture hypnotique qui parle d’une société malade, de la valorisation et marchandisation du corps, de la beauté et des choses.

Alors pour les antidépresseurs je ne dis pas non, en attendant que ma mère meure je veux bien prendre tout ce qu'on peut m'offrir, des comprimés bleus le jour et des blancs la nuit, je veux bien rire d'un faux rire et sans raison sous la pression de la dopamine, rire en attendant de trouver la force de me tuer,
Putain de Nelly Arcan

Un texte glaçant qui se déroule sans fin pour tenter de trouver… Mais trouver quoi dans toute cette putasserie ou les hommes paient pour baiser des jeunes femmes de l’âge de leurs filles ? Qu’un bain de mousse et un sac Hermès peuvent apporter du bonheur ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je n'ai pas l'habitude de m'adresser aux autres lorsque je parle, voilà pourquoi il n'y a rien qui puisse m'arrêter, d'ailleurs que puis-je vous dire sans vous affoler, que je suis née dans un village de campagne à la lisière du Maine, que j'ai reçu une éducation religieuse, que mes professeurs étaient toutes religieuses, des femmes sèches et exaltées devant le sacrifice qu'elles faisaient de leur vie, des femmes que je devais appeler mères et qui portaient un faux nom qu'elles devaient d'abord se choisir, sœur Jeanne pour Julie et sœur Anne pour Andrée, des sœurs-mères qui m'ont enseigné l'impuissance des parents à nommer leurs enfants, à les définir adéquatement auprès de Dieu, et que voudriez-vous savoir de plus, que j'étais somme toute normale, plutôt douée pour les études, que dans cette campagne de fervents catholiques où j'ai grandi on renvoie les schizophrènes aux prêtres pour qu'on les soigne par exorcismes, que la vie y est très belle lorsqu'on se contente de peu, lorsqu'on a la foi ? Et quoi encore, que j'ai joué du piano pendant douze ans et que j'ai voulu comme tout le monde quitter la campagne pour habiter la ville, que depuis je n'ai plus joué une note et que je me suis retrouvée serveuse de bar, que je me suis faite putain pour renier tout ce qui jusque-là m'avait définie, pour prouver aux autres qu'on pouvait simultanément poursuivre des études, se vouloir écrivain, espérer un avenir et se dilapider ici et là, se sacrifier comme l'ont si bien fait les sœurs de mon école primaire pour servir leur congrégation ?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Cachée derrière les rideaux de sa chambre, une prostituée patiente entre deux clients. L'attente se nourrit du souvenir : une famille dévote, une mère absente et un père distrait. Et parfois la jouissance éprouvée avec ces hommes auxquels elle fait l'amour, ces hommes qu'elle déteste peut-être autant qu'elle-même. Un récit obsessionnel qui ressemble à un exorcisme désespéré pour se maintenir en vie

Je ne veux pas être jolie

Au décès de sa mère, Georgia se reveille. Non, elle ne l’aura pas aidée, jusqu’au bout, rien ! Pas un mot, pas un soutien.

Alors les secrets et les oublis ne tiennent plus, ce n’est plus possible, les cris et les douleurs enfouies doivent sortir, elle doit être entendue. Mais que vont en faire sa soeur, son frère et son amant ?

Je ne veux pas être jolie de Fabienne Périneau

Un livre très bien construit, qui commence sans trop en dire et qui m’a laissé choqué, stupéfait

Une femme seule avec sa douleur et sa colère

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«Tout le monde m'appelle Jo. Mon frère, ma sœur, mon oncle, ma tante.
Je déteste.
Jo, c'est un raccourci pour ne pas flâner en chemin, c'est le dernier des frères Dalton, un boxeur, un chien, mais ce n'est pas Georgia.
Pour aller vite, ma mère aussi m'appelle Jo. Georgia, c'est trop long à dire, et il y aurait tant à dire.
"Jo, mets ta chemise ? Tu es très jolie, avec."
Ça aussi je déteste.
Si j'avais pu ne pas être jolie, rien, peut-être, ne serait arrivé.»

Georgia aurait dû rester, pleurer. Pleurer sa mère. Cette mère dont elle a attendu, espéré, pendant plus de trente ans, un geste, un mot. Cette mère pour qui aujourd'hui elle revient à l'Hôtel du Bord des vagues où justement tout est arrivé. Elle rejoint sa famille qui ne sait rien. Mais voudra-t-elle seulement savoir ?
Un roman puissant et lumineux à l'image de son héroïne, empreint de justesse et d'émotion

Ce qui plaisait à Blanche

Jean-Paul Enthoven a une belle plume. Avec un style à la fois riche et fluide, il évite les trop nombreux clichés qui empâtent l’érotisme cheap et monte assez brillamment la tension tout au long du livre. Pour ça, bravo, même si cette écriture pourrait sembler un peu désuète aujourd’hui.

Je rappellerai que mes émotions, jusque-là, ne s'étaient jamais laissé incendier à la va-vite. Au contraire, je les avais toujours si bien contrôlées, et si efficacement refroidies, et si bien enrichies de déception anticipée, que les grands sentiments, les sentiments perchés, les roucoulements, les frissons d'âme, se sachant malvenus, m'avaient toujours épargné.J'en étais même arrivé à me convaincre que la par tie, pour moi, était perdue - ce qui pouvait signifier, en changeant de point de vue, qu'elle était gagnée. Et que, partant, je ne ferais jamais l'expérience des nirvanas laïcs (promis par l'état amoureux) qui ont si fameuse réputation parmi les moins intéressants de mes contemporains. Class acous sliques)
Ce qui plaisait à Blanche de Jean-Paul Enthoven

Dans ce livre, ode au luxe, aux bifs qu’on laisse tomber sans compter, aux costumes de lin et aux grands hôtels de la côte amalfitaine, on rencontre un homme classe et cultivé citant Aragon et Baudelaire envouté par la sublime et inaccessible Blanche de N.

Une romance impossible, une soumission ardente, une histoire d’amour impossible qui se refuse à elle même dans une tension érotique ou se mêlent les plus belles femmes aux hommes les plus beaux dans de splendides appartements aux domestiques magnifiques… Oui, au bout d’un moment, c’est un peu too much !

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«Certains êtres sont parfois des virtuoses involontaires de l'instrument que nous sommes. Et ils le sont parce qu'un don mystérieux leur a offert un accès immédiat, presque violent, à ce que, d'ordinaire, nous dissimulons.
Ces êtres, que nous identifions à peine quand le hasard nous met en leur présence, jouent d'instinct de cet instrument, donc de nous-mêmes. Rien, pourtant, ne les a préparés à l'exercice auquel ils vont exceller sans le savoir.
Parfois, ils y prennent du plaisir. Parfois, ils s'en acquittent sans y songer. Comme des despotes qui se sentent obligés d'être despotiques, par conformité à leur nature, et presque à leur insu.
Ces êtres sont redoutables car ils vont nous gouverner avant même d'avoir pris la peine de le vouloir.
Mais nous aimons à la folie l'illusion qu'ils nous procurent d'être compris, ainsi que les doses de ravissement qu'ils ont versées dans notre existence - en même temps qu'ils y ont versé leurs doses de venin.
Blanche faisait partie de ces êtres-là...»