Maikan

Un livre comme un film d’horreur, mais en pire. Car tout cela a réellement existé. Et pire encore.

Quelques jours plus tard, quand les élèves se lèvent, personne ne remarque le lit vide. Personne ne note l'absence du numéro vingt. C'est en allant chercher du bois de chauffage, Charles qui, dans la remise. Elle se balance dans la pénombre Sa tête est bizarrement inclinée, ses yeux exorbités semblent fixer le mur de planches, comme si Jeanne avait tenté de voir au-delà.
Charles soulève le corps inerte. Il lui paraît étonnamment léger. Il retire délicatement la corde qui ceint le cou de Jeanne. Puis pose la jeune fille sur le sol. Charles secoue la dépouille déjà refroidie. Isolerait que Jeanne s'éveille, qu'elle a battre et yeux. Il aimerait que son cœur se remette à réchauffe sa poitrine. Mais Jeanne est déjà ailleurs. Son visage, purgé de sang, offre une blancheur qui en rappelle une autre à Charles et qui fait monter en lui une rage sourde et irrépressible.
Maikan de Michel Jean

Acculturation, viols, disparitions, violences systématiques et encore pire (oui, vraiment !), en témoignent les macabres découvertes des dernières années. Des crimes perpétrés par l’église et l’état, main dans la main.

Salle de classe du pensionnat de Fort George, 1939. Archives Deschâtelets-NDC, fonds Deschatelets, Z SS20 D15-3.
Salle de classe du pensionnat de Fort George, 1939. Archives Deschâtelets-NDC

Pourtant, Maikan, reste un beau livre sous la plume de Michel Jean, un très beau livre même grâce à l’humanité et la sensibilité de l’auteur de Kukum ou Atuk. Un livre qui persiste à croire en l’amour, la fraternité et la solidarité, même dans les pires moments

Note en fin d’ouvrage :
Le pensionnat catholique de Fort George a ouvert ses portes en 1936 et les a fermées seize ans plus tard, en 1952. On ne connaît pas avec certitude le nombre de pensionnats ayant existé au Canada. De la fin du XIX siècle à la fin du XX siècle, la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens en a répertorié cent trente-neuf, dont douze au Québec. Le dernier pensionnat a fermé ses portes en 1996, en Saskatchewan.
Cent cinquante mille enfants autochtones ont fréquenté ces établissements. Plus de quatre mille y sont morts. Les conditions de vie difficiles qui prévalaient dans les pensionnats sont le plus souvent attribuables au financement insuffisant du gouvernement canadien. Elles ont entraîné des problèmes sanitaires, un régime alimentaire inadéquat et un manque de vêtements et de médicaments pour les enfants sur place.
La situation est devenue si inquiétante qu’au début du XX siècle le médecin et directeur de la santé du ministère des Affaires indiennes, Peter H. Bryce, a sonné l’alarme et a rédigé pour ses supérieurs de nombreux rapports qui indiquaient que les Autochtones du Canada risquaient d’être décimés, par la tuberculose notamment. Le gouvernement canadien ignora les recommandations de Bryce et le démit de ses fonctions. Dans un ouvrage publié en 1922, Bryce qualifia l’attitude du Canada de « crime national ».
Aujourd’hui, les Nations unies considèrent comme un génocide le fait de retirer les enfants de leurs foyers en se basant sur leur appartenance ethnique pour les placer dans un environnement étranger afin de les endoctriner. Le Canada reconnaît maintenant publiquement que l’objectif des pensionnats était d’assimiler les Autochtones, en somme de « tuer l’Indien dans l’enfant » ; mais souvent, comme le dit le chanteur innu Florent Vollant, ils ont tué l’enfant aussi. Le 11 juin 2008, le Premier ministre Stephen Harper a présenté les excuses officielles du gouvernement canadien aux Autochtones: « L’héritage laissé par les pensionnats indiens a contribué à des problèmes sociaux qui persistent dans de nombreuses communautés aujourd’hui. » A l’image de plus de vingt-cinq pays dans le monde, dont l’Afrique du Sud après l’apartheid et plusieurs États d’Amérique du Sud, tels le Brésil et l’Argentine, le Canada a créé en 2007 la Commission de vérité et de réconciliation, avec pour mandat de lever le voile sur les agressions physiques, sexuelles et mentales qu’ont subies beaucoup d’enfants ayant fréquenté les pensionnats. Dans le rapport final qu’il a rendu en 2015, le chef de la Commission, le juge et actuel sénateur Murray Sinclair, a parlé d’un « génocide culturel » perpétré à l’encontre des populations autochtones du pays aux XIX siècle et XX siècle, une qualification reprise par Beverley McLachlin qui était alors la juge en chef de la Cour suprême du Canada.
Quatre-vingt mille anciens pensionnaires vivent encore.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La pelle frappe le sol, comme la hache l'arbre à abattre. Cette terre ne se laisse pas travailler facilement et l'acier s'y enfonce avec difficulté. II creuse, un coup à la fois, avec une sourde résolution. À mesure que s'ouvre le sol, il bute contre des pierres, de plus en plus nombreuses, de plus en plus grosses, qu'il extrait à la main, une à une.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À quatorze ans, Virginie, Marie et Charles sont arrachés à leurs familles sur ordre du gouvernement canadien. Avec les autres enfants innus du village, ils sont conduits dans un pensionnat, à près de mille kilomètres de chez eux, pour y être éduqués. Là-bas, il leur est interdit de parler leur langue, leurs cheveux sont rasés, leurs objets personnels confisqués. Ils ne sont désormais plus qu'un numéro.

Que s'est-il réellement passé à Fort George, île maudite balayée par l'impitoyable vent du large ?

Soixante-dix ans plus tard, l'avocate Audrey Duval cherche à comprendre ce qu'il est advenu des trois jeunes gens mystérieusement disparus.

Atuk

Après le magnifique Kukum, Michel Jean continue à explorer son ascendance avec la fille de Almanda, Jeanette sa grand mère, Shashuan Pileshish ou Hirondelle, en innu.

La montée vers le territoire est un long voyage qui respecte chaque année les mêmes rites, suit les mêmes chemins, depuis des millénaires. Cela prend plusieurs semaines. Tout est calculé : le nombre d'étapes, le temps qu'il faudra pour les franchir, les portages qui permettent de sauter les rapides et les chutes. Le temps du voyage varie selon les familles et les territoires de chasse, mais il faut arriver avant les grands froids et avant que les rivières ne gèlent. Plus on monte loin vers le nord, plus le froid et la neige surviennent tôt. Le territoire de ma famille se trouvait à plus de cent cinquante milles au nord de Pekuakami. Il nous faudrait un mois et demi cette année-là pour franchir la distance.
Atuk de Michel Jean

Si on retrouve beaucoup d’éléments découverts avec Kukum, le point de vue change légèrement, Jeanette s’étant mariée avec un ouvrier du chemin de fer.

 - Ce n'est pas là qu'il faut mettre ton piège si tu veux attraper une martre, Shashuan Pileshish. Malek me considérait de ce regard que je lui ai toujours connu. Calme et indéchiffrable.
 - Il faut le placer sur la mousse. C'est là que la uapishtan va aller après être sortie de l'eau pour manger. Parce que ça ne laisse pas de traces. C'est malin, une uapishtan. Faut l'être plus qu'elle pour l'attraper. 
Le vieux chasseur m'a montré comment assembler le piège de bois. Comment le disposer sur le tapis de mousse. Je me souviens de ses mains dont on aurait dit qu'elles avaient été taillées avec un couteau rond, de ses doigts courts et de la paume épaisse. Sa peau usée était craquelée et couverte de taches brunes. Des mains usées et pourtant qui étaient plus habiles que les miennes, toutes neuves. 
 - Voilà comment il faut faire, petite, me disait-il sur le ton le plus serein du monde. 
Grand-père avait assemblé et installé le piège. Restait à attendre la martre. Il avait fait ça sans se dépêcher, mais sans perdre de temps.

Un livre où la question des origines, du racisme, de l’appartenance est omniprésent. Et Michel Jean, plus présent dans ce livre se retrouve lui aussi à se questionner sur son identité.

 - Je m'appelle Xavier. François-Xavier Gagnon. Et toi ? Quel est ton nom ? 
Lui, il avait un nom. Beau comme une galanterie.
 - Shashuan Pileshish. Hirondelle, en innu. Mais tu ne parles sans doute pas notre langue, François-Xavier ? 
Il a souri. Et j'ai tout de suite aimé son sourire. Un sourire révèle beaucoup de l'âme d'une personne. Il peut être candide, moqueur, méchant, sournois, niais, hésitant, timide, éclatant. Un sourire peut être tout ce que l'âme d'une personne lui inspire. Son sourire était bon. Et la bonté me touche. 
 - Jeannette. Appelle-moi Jeannette si tu veux. C'est plus simple.
 - Hirondelle. Ça te va bien. J'aime ça. Et il a souri à nouveau. Personne encore ne m'avait jamais souri ainsi, les yeux plantés dans les miens. Je n'aurais pas été davantage troublée s'il m'avait enfoncé son pic dans le cœur. 
Il m'a appelée Hirondelle toute sa vie. Mon vrai nom, soufflé au creux du cou, lancé comme une caresse et parfois avec un brin de taquinerie. Une formule magique, un mot de passe pour ouvrir mon cœur, connu de lui seul à Alma, et que mes propres enfants ignoraient et ignorent encore.

Une biographie familiale où l’intime côtoie des questionnements et des problématiques toujours sensibles au Canada

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Elle repose devant moi, figée dans la mort. Un cadavre embaumé est tout ce qu'il reste de cette femme à la silhouette autrefois robuste et souple. Tout de sa jeunesse a été emporté, maintenant que ses beaux yeux noirs se sont fermés pour de bon. Rien ne subsiste de celle qui a souvent bravé le froid et parfois la faim. Ce corps a frissonné de peur, ressenti le plaisir.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Jeannette a grandi entre les lacs et les forêts de son territoire ancestral, le Nitassinan. Mais lorsqu'elle épouse un Blanc, elle est exclue de sa communauté et forcée de quitter les siens pour s'installer en ville, loin de tout ce qu'elle connaît. Des années plus tard, Michel, son petit- fils journaliste à Montréal, vient se recueillir sur sa tombe et s'interroge sur ce choix qui le fait vivre lui aussi entre deux cultures. Car l'Indien, lui dit-on, il l'a en lui...

Kukum

Kukum m’a fait pleurer deux fois. Par la beauté des premiers instants et par l’horreur de la fin.

C'est difficile d'expliquer le territoire d'avant. Le bois d'avant les coupes à blanc. La Péribonka d'avant les barrages. Il faut imaginer une forêt sautant d'une montagne à l'autre jusqu'au-delà de l'horizon, visualiser cet océan végétal balayé par le vent, réchauffé par le soleil. Un monde où la vie et la mort se disputent la préséance et au milieu duquel coule, entre des berges sablonneuses ou des falaises austères, une rivière qui ressemble à un fleuve. C'est ardu à expliquer parce que cela n'existe plus. Les usines à papier ont dévoré la forêt. La Péribonka a été soumise et souillée. D'abord par la drave, puis par les barrages qui ont avalé ses chutes impétueuses et créé des réservoirs dont l'eau nourrit maintenant les centrales électriques.
Kukum de Michel Jean

L’histoire de l’arrière-grand-mère de l’auteur, Almanda Siméon née en 1882, qui épousa un jeune indien Innu. Une histoire d’amour magnifique au milieu du grand nord canadien. Une belle, très belle histoire qui aurait pu durer toujours.

Jusqu’à ce que Michel Jean nous rappelle brutalement à la réalité…

Et à l’annihilation de peuples premiers en détruisant les forêts, les lacs, la langue et les traditions par le « progrès », la sédentarisation, l’alcool, la langue, les pensionnats…

Un livre aussi beau que terrible

Et voilà que deux semaines après, je tombe sur cette info de Radio Canada : Protection de l’enfance : l’APN confirme qu’Ottawa versera 48 G$ pour réformer le système.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Une mer au milieu des arbres. De l'eau à perte de vue, grise ou bleue selon les humeurs du ciel, traversée de courants glacés. Ce lac est à la fois beau et effrayant. Démesuré. Et la vie y est aussi fragile qu'ardente. Le soleil monte dans la brume du matin, mais le sable reste encore imprégné de la fraîcheur de la nuit. Depuis combien de temps suis-je assise face à Pekuakami?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Almanda a 15 ans quand elle tombe amoureuse de Thomas, jeune Innu de l'immense lac Pekuakami. Orpheline québécoise d'origine irlandaise, elle quitte les siens pour le suivre dans cette existence nomade, brisant bientôt les carcans imposés aux femmes autochtones pour apprendre la chasse et la pêche. Ancré dans une nature omniprésente, sublime et très vite menacée, son destin se mêle alors à celui, tragique, d'un peuple ancestral à la liberté entravée.

Voir Montauk

Une histoire de proche aidant. Une fille et sa mère dans la souffrance, la dépression et l’envie d’en finir.

Après, assise au coin de ton lit, ta paume chaude enlacée dans la mienne, je t'ai chuchoté dans le noir que c'est sûr, tu iras mieux, que nous voyagerons, que nous partirons où tu veux, ce qui te fera plaisir - voir l'océan tu me dis - tu veux voir l'océan, voir Montauk. 
Je ne connais pas Montauk, mais ce jour-là une promesse est scellée. Oui, Maman, nous irons à Montauk, évidemment.
Voir Montauk de Sophie Dora Swan

Une narration originale entre roman et poème, un style décousu qui exprime à lui tout seul le désarroi et la perte de repères.

Chez Mam (à faire)
inspirer ouvrir le courrier trier suffoquer vider le lave-vaisselle le frigo jeter les légumes fanés les fruits ramollis le lait caillé ark aérer la chambre défaire le lit taper les coussins la tête contre le mur partir une brassée expirer frotter les plaies arroser le ficus l'orchidée l'oranger ouvrir des albums photos brailler fumer changer les draps sortir les poubelles le recyclage tourner en rond fermer le routeur
étendue sur le plancher
tirer la plug
abolir le bruit

Un relation fille-mère réunies par la violence de la maladie

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
un jour d'été, un jour de joie
deux ans ça se fête tu me diras
je ferai tout pour être là
nous sommes trois jours avant


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
De retour dans son pays natal après une longue absence, une femme prend soin de sa mère tombée malade. La veille de son hospitalisation, sa fille lui fait une promesse : l’emmener à Montauk, quand tout ira mieux. Mais comment voguer jusque-là ?

Boussole pour éviter la chute et déjouer l’urgence, l’écriture dessine la route vers ce lieu inconnu, au détour des trajets et des souvenirs réveillés par les souffrances de la mère. Montauk se révèle être une utopie du calme, du bruit aboli, de la parole retrouvée. Un lieu où, enfin, entre une mère et une fille, tout est simple.

Journal d’une tempête, Voir Montauk est une déclaration d’amour, où l’ironie et la poésie fendent la glace clinique des hôpitaux.

"mais il faut d’abord que j’apprenne ta mort, que j’apprenne à te laisser mourir, que j’arrête de dire non comme le font toujours les mamans"

Faire les sucres

Il ne faut pas s’y tromper, derrière les codes feel-good de la couv’ ou du titre, se cache un autre type de livre. Pas forcément un livre d’horreur, trash ou que sais-je, mais les amateurs de jolies histoires qui finissent bien ne s’y retrouveront pas forcément.

- Tu vas m'embrasser encore?
Quand elle repenserait à cette soirée, elle ne saurait plus qui, d'elle ou de lui, avait posé la question. Mais ça n'a pas eu d'importance pour la suite, parce qu'ils s'étaient embrassés de nombreuses heures, et lorsqu'elle s'était rhabillée pour rentrer à la maison, la lumière du jour commençait à poindre par la fenêtre de la chambre de son chef de choeur.
Faire les sucres de Fanny Britt

L’histoire d’une middle-age crisis, à l’âge où un événement (pas forcément gravissime) peut tout faire dérailler. Un moment où les repères ne sont plus clairs, où l’usure des couples se fait ressentir et où le besoin de sens se fait prégnant. Un accident, la peur de mourir et voilà qu’Adam bascule emportant avec lui Marion, sa compagne.

Un livre qui – tout en restant choupinou – propose avec finesse – et quelques clins d’œils amusés – une jolie satire sociale en exposant quelques contrastes de préoccupations. Et comment ne pas sourire devant ce besoin de retour à la terre d’une personne à qui tout réussit ou face à l’abandon dans d’autres bras de son épouse délaissée. Et comment ne pas réagir devant leur incompréhension face aux douleurs qui leur font face ?

Cliché ? Oui, mais bien pris, avec le bon angle et sans trop de douceur malgré tout

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il l'asseyait sur un tabouret placé près du ventilateur et elle le regardait faire. Il versait d'abord le sucre dans la grande marmite de cuivre, dont Celia pensait qu'elle se transformait en timbale d'orchestre, le soir venu. Parfois, pour lui faire plaisir, il décrochait une des grandes cuillères de bois qui pendaient au mur et tapait de toutes ses forces sur la surface arrondie de la marmite. Un timbre profond, vibrant, s'en échappait, qui captivait Celia. Alors elle applaudissait et disait encore ! Encore ! Et son grand-père s'exécutait.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Faire les sucres, au Québec, c'est exploiter une érablière. Obsédé par le retour à la terre, Adam achète la propriété de la famille Sweet dans l'espoir qu'une nouvelle vocation le sauvera de ses torts et de la vacuité de sa vie de restaurateur vedette. Parallèlement, sa femme Marion délaisse peu à peu ses manières douces et son cabinet de dentiste. Aux États-Unis, à quelques centaines de kilomètres au sud, la jeune Celia voit son île natale, où sa mère tient une boutique de taffys, envahie par des touristes sans gêne.

Comment vont s'entrecroiser le destin de ce couple de Montréalais à qui tout réussit, installés - Jusqu'à tout récemment, du moins - dans leur certitude d'être bons et modernes, et celui de la jeune femme ?

Dans ce roman choral, l'odeur délicieusement réconfortante du sirop d'érable se mêle à l'âpreté des fonds marins. Il y a du Virginia Woolf chez Fanny Britt, qui, cinglante et tendre, creuse la question de nos privilèges et de nos illusions, balayées par les vagues du ressentiment et de la souffrance sociale.

On était des loups

Bienvenue dans le grand nord canadien. Enfin… Bienvenue n’est pas forcément le bon terme. Ici, tout est dur, froid, inhospitalier. La nature, faune, éléments et même les rares humains qui s’y accrochent.

Ce qui m'a semblé bizarre c'est quand on est arrivés. On avait dû garder un sacré rythme parce qu'il faisait encore jour donc le problème ne tenait pas à la lumière mais je ne trouvais pas ce qui merdait. Quand on est sortis des bois pour traverser le champ en haut de la maison j'ai compris ce que c'était et c'était qu'Aru ne m'attendait pas.
On était des loups de Sandrine Collette

On était des loups est certes un magnifique nature-writing qui m’a souvent rappelé Jack London, mais aussi un très beau livre sur l’humain. Seul face à ses décisions, sa morale, ses engagements.

Je suis en colère contre la terre la vie le monde, et le monde je jure je lui ferai la peau. La peau du monde je la tendrai sur un cadre, je la raclerai jusqu'à la dernière miette de sa chair et je l'exposerai devant chez moi pour que l'on sache ce qui se passe quand on me fait du mal. La peau du monde ce sera mon trophée, je la brandirai comme on brandit un crâne, je l'assécherai comme on sèche un cœur ce sera un lambeau une squame une toile et sur cette toile je réécrirai quelque chose avec le sang de mes veines avec le sang de ma haine, la peau du monde ce sera mon vêtement.

Un homme fou de colère, son fils de cinq ans et deux chevaux (les gros) au milieu des terres hostiles

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C'est la nuit je regarde l'enfant qui dort. Un tout petit enfant, il ne sait rien du monde, il ne sait rien faire. Un enfant ce n'est pas fait pour la vie, cette vie-là je veux dire qui est immense et brutale devant lui devant nous.
La vie qui.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Ce soir-là, quand Liam rentre des forêts montagneuses où il est parti chasser, il devine aussitôt qu'il s'est passé quelque chose. Son petit garçon de cinq ans, Aru, ne l'attend pas devant la maison. Dans la cour, il découvre les empreintes d'un ours. À côté, sous le corps inerte de sa femme, il trouve son fils. Vivant.

Au milieu de son existence qui s'effondre, Liam a une certitude : ce monde sauvage n'est pas fait pour un enfant. Décidé à confier son fils à d'autres que lui, il prépare un long voyage au rythme du pas des chevaux. Mais dans ces profondeurs, nul ne sait ce qui peut advenir. Encore moins un homme fou de rage et de douleur accompagné d'un enfant terrifié.

Dans la lignée de Et toujours les Forêts, Sandrine Collette plonge son lecteur au sein d'une nature aussi écrasante qu'indifférente à l'humain. Au fil de ces pages sublimes, elle interroge l'instinct paternel et le prix d'une possible renaissance

Indien stoïque

Jamais le sage ne se met en colère.
Ciceron
Fuck, j'en ai encore des croûtes à manger avant de devenir le vieux sage de la réserve.

De passage à Paris, je me suis arrêté dans l’excellente librairie du Québec et j’en suis ressorti (entre autre) avec ce tout petit essai à la couverture drôlissime – et plein d’humour à l’intérieur aussi !

CACHEZ CETTE COLÈRE QUE JE NE SAURAIS VOIR
Je ne suis pas l'écrivain de la famille, je ne trouve aucun plaisir dans l'écriture, mais j'ai récemment vécu un épisode plutôt banal qui m'a mis vraiment en rogne, pour ne pas dire en tabarnak, et qui me pousse à sortir de ma coquille.
L'épisode en question m'a appris que je n'avais pas le droit, en tant qu'Autochtone, d'exprimer ma colère. On s'entend pour dire que tout le monde comprend que nous soyons en colère, mais, ce jour-là, j'ai senti que, si nous voulons nous intégrer, il vaut mieux la garder enfouie bien profondément en nous. Pourtant, y a-t-il une émotion plus forte que la colère? Personnellement, c'est quand je suis en colère que je suis le plus productif et, comme Autochtone, ce n'est pas bien difficile de trouver des raisons de l'être.
Indien stoïque de Daniel Sioui

Daniel Sioui est libraire et éditeur, il est également un indien Wendat des premières nations et il exprime sa juste colère. Pas seulement pour crier seul au fond des bois (il en reste encore), mais pour tenter de faire avancer les choses ensemble et pour que dans sept générations (pourquoi 7 ? Je vous laisse lire) il soit possible de tous vivre ensemble au Québec et au Canada.

AVERTISSEMENT
Dans ce livre, j’utilise abondamment le mot Indien parce que je ne sais pas quoi utiliser d’autre. Je ne suis vraiment pas un fan du mot Autochtone, qui sonne bizarre, je trouve, mais comme il est politiquement correct, je vais l’utiliser pareil. Le mot Amérindien me fait toujours penser au touriste français qui se promène avec sa plume fluo dans les cheveux lors d’un pow-wow, alors très peu pour moi. Il reste Premières Nations, qui est trop impersonnel à mon goût. J’utiliserais bien le vrai mot qui existe dans ma langue, Onkwehonwe, qui veut dire « vrai homme », mais je trouve ça un peu péjoratif pour les Blancs, et moi aussi j’ai des amis blancs. Je me donne donc le droit d’utiliser le mot Indien comme j’ai le goût, et tant pis. Si ça vous choque, ne lisez pas ce livre, car il n’est vraiment pas pour vous!

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je ne suis pas l'écrivain de la famille, je ne trouve aucun plaisir dans l'écriture, mais j'ai récemment vécu un épisode plutôt banal qui m'a mis vraiment en rogne, pour ne pas dire en tabarnak, et qui me pousse à sortir de ma coquille.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À un moment donné, un gars se tanne et il doit faire sortir le méchant. C’est exactement ce qui s’est passé ici. Une petite anecdote anodine a fait déborder le vase, et la colère s’est déversée dans ces pages. L’auteur en profite pour déballer sa frustration, et ce ne sont pas les sujets d’insatisfaction qui manquent pour un Autochtone vivant dans le Québec d’aujourd’hui…
Mais ce n’est pas une raison pour le prendre trop au sérieux. Ce n’est qu’un Indien, de toute façon.

Indien stoïque est le premier titre de la collection « Harangues », une collection destinée aux voix autochtones désireuses de se faire entendre sur l’avenir des Premières Nations.

Chesa Seraina

Chesa Seraina c’est la Maison sereine, la maison d’enfance construite par son père et détruite par le flammes.
Elena décide de la reconstruire.

J'annonce à ma sœur que j'ai quitté mon travail et d'abord je pense qu'elle n'a pas entendu parce qu'elle ne dit rien. Après elle demande : mais pourquoi ? Je réponds que je ne veux plus continuer ce travail sécurisant. Elle demande pourquoi, encore. Je dis que toute ma vie j'ai souhaité pourvu qu'il ne m'arrive rien. Et là, j'aimerais que quelque chose m'arrive. Elle demande : mais pourquoi ? Je réponds que je ne veux pas devenir une racine et pendant un moment Rose ne dit plus rien du tout. Puis elle demande : quoi ? Mais pourquoi ?
Chesa Seraina de Fanny Desarzens

Et cette histoire de reconstruction, c’est toute celle de la construction et de l’appropriation de soi.

Un petit livre délicat à l’écriture sensible

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je ne me souviens pas vraiment. Je ne pourrais pas raconter ce qu'il s'est passé. Je sais simplement que le feu a beaucoup détruit mais je ne sais pas où il a commencé, ni comment, ni pourquoi. D'abord j'ai été très triste. Et puis c'est parti, je me suis habituée. Mais je pense que ça a abîmé ce que j'avais de cœur à ce moment-là.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
«D’abord j’ai été très triste. Et puis c’est parti, je me suis habituée. Mais je pense que ça a abîmé ce que j’avais de coeur à ce moment-là. »

Une jeune femme se perd dans sa vingtaine. Un jour, des souvenirs lui reviennent ; ceux d’une enfance brisée par l’incendie de Chesa Seraina, sa maison. Le feu a fait disparaître la mémoire du lieu ; elle décide de reconstruire ce que les flammes ont anéanti

Nanuq : celle qui erre toujours

A la manière d’un documentaire animalier, James Raffan nous raconte la vie de Nanuq, une ourse polaire dans le grand Nord Canadien.

Triomphante, Nanu remonte à la surface avec le phoque ensanglanté dans sa gueule. Elle le hisse - il fait environ la moitié de son poids - hors de l'eau puis sur la glace. Après qu'elle et les oursons ont mangé, ils dorment à côté de la carcasse. La renarde s'en délecte en silence, puis s'éclipse. En l'absence d'ours à proximité, Nanu profite de sa prise pendant plusieurs jours. Mais elle sent que le soleil est plus haut dans le ciel et plus chaud, ce qui lui indique que la saison de la chasse est bientôt terminée.
Nanuq : celle qui erre toujours de James Raffan

Au travers d’un cycle de vie (de la rencontre avec un ours jusqu’à l’émancipation de la portée) Nanuq témoigne de la beauté et de l’impitoyable rudesse des zones polaire. La vie nourri la vie, les plus faibles ou les malchanceux permettent aux plus forts de survivre… Tant que l’homme ne passe pas par là !

L'aventure

C’est rude et beau (et tellement fragile !), un voyage glacial avec la chaleur d’une ourse pour réchauffer ses deux petits

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Imaginez-vous dans la Station spatiale internationale, dérivant au-dessus de l'Amérique du Nord.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Si les ours polaires sont devenus malgré eux l’un des symboles de la fonte des glaces, on ne connaît réellement que peu de choses sur ces puissants animaux qui survivent dans des régions particulièrement inhospitalières. En suivant sur plusieurs années Nanuq, une ourse polaire de sept ans, l’explorateur canadien James Raffan nous emmène un peu dans son monde de glace et d’odeurs, et nous invite à en apprendre davantage sur ce patient animal, dont l’environnement se modifie hélas de manière inquiétante

Pas d’éclairs sans tonnerre

Une histoire simple, l’enfance et la jeunesse de Donald dans le Saskatchewann. La construction d’un jeune homme par tranches de vie à travers l’histoire de la terre.

Pas d’éclairs sans tonnerre de Jérémie Gindre

L’écriture simple, limpide et sans fioriture colle très bien à ce récit de vie au milieu de l’ouest canadien, chargé d’une histoire que Donald va déterrer… crânes, fémurs, pierres…

Une histoire à la poésie naturaliste des grands espaces

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Enfant - puis adolescent - dans les Prairies, Donald est un garçon obstiné qui veut comprendre d'où il vient. Pousse par un instinct archéologique, il n'aura de cesse d'explorer le territoire environnant, à la recherche du pourquoi des choses. Gravures rupestres, cimetière de bisons ou rituel sur une montagne sacrée, les découvertes du jeune homme donnent vie au passé des grands espaces de l'Ouest canadien.

Jérémie Gindre réinvente ici le nature writing avec un style fort et drôle, donnant à ressentir autant qu'à comprendre l'univers de Donald.

« Chaque fois qu'une portion de la fosse était dégagée, un orage venait remplir leurs trous d'une pâte de sable et de brindilles. Il est difficile de comprendre comment ils ne se laissèrent pas décourager. »