Camiothécaire-biblioneur aux lectures éclectiques. Romans, essais, biographies et autobiographies, récits de voyage, bandes dessinées, nouvelles, chroniques, témoignages… des critiques selon l'humeur
Depuis toute petite, Elena doit bouger, vivre dans le mouvement et la vitesse… Mais c’est plutôt pour les garçons, tout ça… non ?
Venus partielle raconte l’enfance, la jeunesse et l’adolescence de Elena et son constant besoin de ressentir son corps, la douleur, le plaisir et l’exultation dans l’effort.
Alors certes, tout cela ne me parle guère… Mais les sportifs et athlètes devraient s’y retrouver.
Et non, les filles, c’est pas que des dessins, des princesses fragiles et des travaux d’aiguille !
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) J'aurais voulu être majorette
S'il fallait tel Maât mettre sur une balance les activités typiquement féminines et les sports dits de garçons, il serait difficile de dire lesquels des deux l'emporteraient tant ils sont intimement liés.
- Ma fille est un garçon manqué ! claironnait mon padre, qui essayait d'inventer des preuves d'une éventuelle testostérone pour l'instant invisible à l'œil nu.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « J'ai passé mon enfance à grimper dans les arbres, à envier ma meilleure amie qui frimait sur le vélo de course avec une barre de son frangin, à vouloir des futals plutôt que des jupes, et, cependant, au milieu de cette recherche de masculinité a toujours brillé le désir ultime d'être majorette... »
Dévorée par un besoin constant d'action, rien n'arrête Elena.
Avec humour et tendresse, Emmanuelle Pol explore les relations parents-enfants, la maternité et le corps. Mères et filles se dévoilent ici, tendres, parfois ridicules, attentives ou dépassées. Et les pères ne sont pas forcément très loin.
Neuf nouvelles autour de cette relation, c’est autant de portraits dressés avec plein d’humour, comme neuf sucreries aux parfums acidulés
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Un cri perçant déchire l'air. La mère a détaché le nourrisson de ses bras pour le déposer dans son relax : ce n'est visiblement pas du goût de l'enfant, qui manifeste sa colère par des vagissements stridents dont l'intensité va crescendo. On peut voir son minuscule visage crispé de fureur virer à l'écarlate, les traits déformés par la violence de ses pleurs, les sourcils gonflés au-dessus de ses yeux exorbités, les narines frémissant de colère impuissante et la bouche ouverte comme un four, large trou noir où la langue oscille en suspension au rythme de l'air expulsé.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) La maternité n'est pas une mince affaire.
Emmanuelle Pol s'amuse à en explorer les marges, les franges sombres, à travers neuf histoires qui rendent compte de la complexité de ces étranges relations qui unissent parents et enfants, pour le meilleur ou pour le pire. Ici, pas de tendres portraits de famille, mais une exploration au scalpel des liens du sang.
Grâce à une écriture incisive et une subtile ironie, Emmanuelle Pol maltraite avec intelligence bon nombre de clichés autour de l'enfance et de la filiation
Nora et Simone, deux très belles et très jeunes femmes, parfaites ! Au pire, il serait toujours possible d’effectuer quelques éventuelles retouches d’un petit coup de bistouri. Deux objets lucratifs, vitrines publicitaires ou escorts, des pièces de valeurs. Mais elles ? Qui sont-elles ?
Un livre qui n’est pas sans rappeler ceux de Nelly Arcan, avec des questionnements similaires sur le corps, la beauté, sa marchandisation et… le sens de tout ça.
Et même si j’ai parfois eu de la peine avec le passage entre les deux protagonistes et que leur tardive rencontre m’a quelque peu frustré, ce duo décrit parfaitement notre système économique implacable aux victimes dont l’obsolescence est programmée
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Nue devant la glace, Simone inspecte son profil gauche, le plus faible, celui qui n'est pas photogénique. Son regard descend le long du flanc. Un peu de graisse s'est accumulée sous le nombril. Un relief tendre et lisse est apparu, enflé tel un fruit mûr. Simone tire sur la peau pour faire saillir la structure du bassin. Voilà, comme ça c'est bien, tout à l'intérieur des os.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Simone et Nora travaillent pour une agence spécialisée en lancement de produits. Elles en font secrètement la promotion en fréquentant des lieux publics où elles sont susceptibles d’être vues du plus grand nombre. Ces geishas nouveau genre ne se connaissent pas, mais elles se croiseront aux portes d’un ascenseur, là où se joue leur sort.
Avec un style vivant, précis et sobre, Sara Lazzaroni déterre ce qui enfoui sous les apparences, ce qui se cache derrière la solitude une toutes les caméras, toutes les lumières éteintes
Alors que tout ça m’a semblé fort bien écrit, je n’ai pas vraiment saisi ce que Sophie Marceau nous racontait là. Quel serait le ou les messages de cette souterraine ?
Des histoires de familles, d’amitié, de corps, beaux, laids, détestés comme les meilleurs alliés qui nous trahissent. Des objets aussi.
Et que dire de cette histoire de déshabillage qui ne fut pas sans me rappeler ce passage de l’autobiographie de Julio Iglesias reprise par Pierre Desproges ?
Passage que je ne résiste pas à retranscrire ici :
Je passe d’abord ma chemise que je boutonne de haut en bas, puis mon pantalon[…] Je ne porte pas de ceinture, je n’en ai pas besoin. J’ajuste mon pantalon avec ma chemise par–dessus. C’est ainsi que je me peigne. Je sais que je ne dois pas tout de suite rentrer ma chemise dans mon pantalon c’est pour ça que je la laisse dépasser le temps de mettre ma cravate. Je porte des cravates toutes simples, de couleur sombre, unie, en soie. Mon pantalon est une sorte de seconde peau que je dois enfiler. C’est là le point commun avec les toreros … Il faut en effet que je tortille, qu’on tire sur le pantalon jusqu’à ce qu’il colle à moi comme une seconde peau. Je mets également mon gilet en le boutonnant lentement. et j’ai besoin qu’il me fasse un peu mal et qu’il me serre… Lorsque habillé, je me regarde dans la glace, généralement de profil, il m’arrive parfois de pousser un grand cri de satisfaction : – Ahhhhhhhhhh ! Julio Iglesias Entre le ciel et l’enfer
Bon, je suis passé à côté, zut !
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Ils louent le rez-de-chaussée d'un pavillon de banlieue avec un garage. Ils ont un numéro de sécurité sociale, un berger allemand et une Renault 16.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Les treize histoires et sept poèmes qui composent ce livre se répondent et se complètent : d'un décor à l'autre (plateaux de cinéma, jardins d'enfance, hôtels de luxe ou terrains vagues), les héroïnes (filles, jeunes femmes, amantes ou amoureuses, mères ou grands-mères) incarnent chacune à leur manière le sort d'être femme, qu'il s'exprime par un corps, un rôle, un héritage.
Au fil des récits, des fables, des fragments de vie, des poésies, il s'agit toujours de dévoiler un mystère, un secret, la part souterraine... Les mots s'insinuent comme il faut pour toucher ce qu'il y a à toucher, et dire ce qu'il y a à en dire. Avec finesse et intensité. Et c'est un plaisir de plonger dans ces textes – débordants d'imagination, de fantaisie, basculant souvent de l'observation la plus juste à une imprévisible drôlerie
Un petit (trop petit) bijou ! Une merveille d’écriture libre et soignée !
Dans cet intérieur Pompéien, Stéphanie Lugon nous parle d’elle et de son amour des musées, confinée dans son intérieur lausannois. A travers une peinture de Gleyre Le coucher de Sapho (Jeune fille dans un intérieur pompéien), 1867, elle nous parle de son corps et par lui, du corps des femmes. Elle nous parle de nous.
Un bijou d’humour, de pensées et de réflexions (et de jeux de miroirs) !
Vite, vite ! Stéphanie, écrivez-nous encore, c’est magnifique !
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Préoccupée par la Jeune fille dans un intérieur pompéien du peintre Charles Gleyre, la narratrice tente de comprendre ce qui constitue l'effet obnubilant du tableau.
Bon ok, ses fesses sont splendides. Mais est-ce suffisant pour expliquer son pouvoir d'attraction? Pourquoi ce nu ne la laisse-t-elle pas tranquille? Qu'est- ce qui s'y joue qui la tourmente? Se prenant comme propre objet d'étude, elle convoque son expérience intime pour en faire un outil d'analyse et donner à percevoir la puissance de la peinture
Paru à l’origine dans un recueil en 2008 (Premières amours aux éd. de la Courte Échelle), cette nouvelle traite des sujets qui reviennent en boucle dans l’oeuvre de Nelly Arcan : le corps, l’image de soi et la beauté de la jeunesse.
Un texte bien court, qui aurait peut-être mérité un développement. Une jeune fille qui n’aime pas son corps et son amie dont la beauté irradie dès qu’elle lève les bras au ciel. L’invisibilité vs le succès, la solitude pour l’une et les garçons pour Peggy
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) On dit que l'idéal est de rester jeune de corps en étant grand dans la tête. Rester jeune par-dehors et grandir par-dedans. S'assagir, prendre de la graine de la vie, se faire son expérience dans un corps de jeune. Foncer dans la vie avec une force de jeune. Parce que la force, pour les adultes, c'est la pente montante des cellules qui se régénèrent. À vingt-cinq ans, c'est la pente descendante. À vingt-cinq ans, on percute le point de non-retour après quoi on recule.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Peggy comme un feu roulant. Peggy qui brûle tous ceux qu’elle touche. On retrouve dans cette nouvelle les thèmes de prédilection de Nelly Arcan : la dictature de la beauté, la cruauté des relations entre des êtres tourmentés par l’existence, l’amour, le désir, la difficulté de se construire une image de soi positive et saine. Peggy raconte tout cela, et plus encore, dans une langue à la fois naïve et directe, à partir de l’histoire d’une amitié ordinaire entre deux jeunes filles dissemblables et pourtant rongées de l’intérieur par le même spasme de vivre
Voilà un objet inclassable, magnifique et hypnotique. Conte, album, livre, nouvelle ? Inclassable !
Une nouvelle de Nelly Arcan mise en images de façon magistrale par Pascale Bourguignon !
Une petite fille à la recherche de son reflet, son image, son identité. Dans les yeux de son père, de sa mère ou de l’inatteignable miroir ? Un corps en devenir. Un corps de femme, le sien. Mais à qui appartient le corps des femmes.
Mille mercis et mille bravos à Pascale Bourguignon pour cette superbe adaptation !
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) On dit que l'idéal est de rester jeune de corps en étant grand dans la tête.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Conte cruel pour jeunes filles, L'enfant dans le miroir raconte les angoisses reliées à la quête de la beauté. Pascale Bourguignon, illustratrice, nous donne le passe-partout du serrurier pour entrer dans l'univers de Nelly Arcan. Ce livre-cadeau rempli de papillons crève-coeurs, de femmes-cloches et de forêts de miroirs propose une nouvelle vision des mythologies entourant la beauté. L'enfant dans le miroir présente une encyclopédie naturelle et générale des mots qui provoquent la tyrannie de la beauté. Devant ces demoiselles décadentes parsemées de fleurs, ces femmes grimpeuses, les Andromaque gothiques, ces petites icônes-fées et ces femmes qui ont troqué leur corset pour une cuirasse, on comprend que la beauté est une simple construction
Comme elle le préfaçait dans Burqa de chair de Nelly Arcan, Nancy Huston a été fortement marquée par ses écrits.
Dans cet essai féministe sur l’image, le corps et le regard des hommes (et toutes les conséquences qui en découlent), elle convoque Anaïs Nin, Virginia Woolf, Jean Seberg ou Marilyn Monroe… Elle s’interroge sur cette société qui sacrifie ses filles et ce qu’elle voit comme des grandes hypocrisies.
A rebours du courant actuel ou seul le genre (et ses multitudes) et donc l’éducation serait responsable, elle met en avant notre animalité de mammifères – sans pour autant nier l’importance de l’apprentissage, de l’éducation, du rôle des pères…
Un essai parfois caricatural dans lequel elle laisse malheureusement de côté toutes les personnes qui ne se retrouveraient pas dans une vision aussi binaire du sexe – et avec possiblement une vision un peu datée des chasseurs-cueilleuses. Pour autant, pourquoi, comment et par quel miracle l’humanité ne serait-elle pas animale et soumise aux lois de l’évolution ?
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Des yeux masculins regardent un corps féminin : immense paradigme de notre espèce.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) «Nous incarnons bien moins que nous ne le pensons, dans notre arrogance naturelle et candide, la femme libre et libérée. Nous montrons du doigt les femmes qui se couvrent les cheveux ; nous, on préfère se bander les yeux.»
Toutes les différences entre les sexes sont socialement construites ; ce dogme est ressassé à l’envi dans la société française d’aujourd’hui. Pourtant il y a bien un impératif de reproduction – chez les humains comme chez tous les autres mammifères – qui induit un rapport à la séduction différent suivant que l’on naît garçon ou fille.
Partant de ce constat simple mais désormais voué à l’anathème, Nancy Huston explore les tensions contradictoires introduites dans la sexualité en Occident par la photographie et le féminisme. Ainsi parvient-elle à démontrer l’étrangeté de notre propre société, qui nie tranquillement la différence des sexes tout en l’exploitant et en l’exacerbant à travers les industries de la beauté et de la pornographie.
Ce livre brillamment dérangeant a suscité les réactions de nombreux lecteurs, dont certaines lettres sont ici reproduites en fin d’ouvrage
Après les autobiographiques Putain et Folle, Nelly Arcan a fait une incursion dans la fiction avec À ciel ouvert.
Un livre où elle explore les corps et la beauté, la vénérée beauté, la froide et chirurgicale beauté. Cette burqua de chair dont on oblige les femmes à se vêtir et qui donnera le titre à son dernier ouvrage posthume.
Des femmes prisonnières de leur image et des hommes esclaves de leurs fantasmes
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Le ciel à marée haute
C'est sous un soleil d'été que cette histoire avait commencé, l'an dernier, sur le toit de l'immeuble où vivait Julie O'Brien et où elle était allongée comme une écorchure, sans mentir, mot qu'elle s'était donné en respect pour sa peau formée de rousseur et de blondeur, une peau qui venait de l'Irlande si on la faisait remonter à la troisième génération paternelle et qui n'était pas armée, s'était-elle dit ce jour-là, contre l'acidité du soleil d'aujourd'hui, qui darde, qui pique vers la population mondiale ses rayons.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Sur le toit d'un immeuble de Montréal, une femme au teint de rousse est allongée, immobile, sous le soleil. Julie O'Brien souffre le martyre, mais considère les soins qu'elle s'inflige comme obligatoires.
La beauté, chez Nelly Arcan, est toujours sujet et objet de maltraitance. La beauté est une guerre. Et la guerre surgit lorsque Rose Dubois rejoint Julie sur ce toit brûlant...
Quelle autrice ! Quelle écriture ! Un livre écrit en plusieurs étapes, rassemblé et publié après son suicide. Quelle tristesse !
Nelly Arcan nous parle, presque sereine (en tout cas avec plus de distance et termine en parlant d’elle à la troisième personne), de sa relation au corps, à sa mère, à la beauté, à son image et au regard de l’autre.
Avec une préface émouvante et bienvenue de Nancy Huston sur l’importance de l’oeuvre de Nelly Arcan
Et finalement, oui…
Se tuer peut nuire à la santé Nelly Arcan
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) La robe de chambre
La vie est un scandale, c'est ce que je me dis tout le temps. Être foutue là sans préavis, sans permission, sans même avoir consenti au corps chargé de me traîner jusqu'à la mort, voilà qui est scandaleux.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Septembre 2001-septembre 2009 : en l'espace de huit ans, une jeune femme déploie son chant et disparaît. Huit ans seulement pour entrer avec fracas dans la littérature et pour s'échapper du monde tout aussi violemment. Nelly Arcan était une guerrière, sous les fragiles apparences d'un ange blond. Son courage intellectuel n'avait d'égal que son effroi de vivre, c'est-à-dire d'habiter un corps. Un corps de femme, exposé et convoité, prison et camisole, étendard et linceul. Burqa de chair, disait-elle dans une formule saisissante. Il semblerait que très tôt elle ait appris à poser les bonnes questions, celles qui dérangent, que s'emploie à détailler Nancy Huston dans sa préface. Les textes qu'on lira ici sont du meilleur Nelly Arcan. Dernières pierres blanches au bord d'une route interrompue, ils nous donnent l'occasion d'entendre encore une fois la beauté de cette langue inimitable, étourdissante, et qui laisse le lecteur hors d'haleine