Furies

Quel impressionnant premier roman ! Construction, personnages, lieux, forme et fond… tout est maîtrisé, les éléments du récit se répondent les uns aux autres, sans fioritures dans un furieux roman.

 - Tout va bien ?
Asim grogna. Ce tissu sous ses doigts, c'était une étoffe qu'il avait déjà serrée. Il en reconnaissait les perles, l'entrelacement des fils. Et il y avait ce bouton de nacre qu'il avait attaché sous sa nuque... Asim tourna légèrement la tête, et ce fut l'extinction du monde.
Ah, tu as trouvé la mariée! Elle devait être belle! Depuis la montagne on a pu voir son cortège quitter la ville. Dommage pour eux, ils ont croisé une brigade de djihadistes. Ils l'ont décapitée parce qu'elle était maquillée et ne portait qu'un voile transparent. Ils ont dit que c'était contraire au Coran et ils ont aussi tué l'époux. Pour impureté. Il aurait dû empêcher l'indécence de sa femme, c'est ce qu'ils ont dit.
Furies de Julie Ruocco

Et dans cette furie, la force des femmes s’élève en rempart contre la barbarie des hommes, de Daesh, de la guerre en Syrie.

Bérénice avait cru dans la langue. Elle avait reçu de son père le sens de chaque mot comme un cadeau, un trésor que son accent polissait spécialement pour elle. Aujourd'hui elle rencontrait une autre parole, à la fois sublime et impuissante. Une voix qui ouvrait un gouffre. Elle comprenait soudain que les mots avaient deux faces, deux histoires parallèles qui s'écrivaient avec le sang d'une même humanité. Plus jamais elle ne pourrait prononcer le mot paix, le mot justice, sans éprouver de la honte. Les lettres s'effaçaient, elles n'étaient plus que des coquilles vides. Toute la lâcheté de la civilisation résidait dans cette promesse non tenue, dans cet écho répété à l'infini.

Un roman ou la tendresse trouve toutefois sa place, même parfois dans le cœur des hommes. Furies vengeresses, résilientes ou utopistes… toujours combattantes

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
"On vit dans un monde de coïncidences. Un homme et une balle qui se rencontrent, c'est une coïncidence."
Elle ne savait pas pourquoi, mais les mots d'Aragon tournaient en boucle dans sa tête et elle ne pouvait rien y faire. Cela faisait pourtant longtemps qu'elle n'avait pas relu Aurélien. Elle fixait les grappes d'air qui s'agglutinaient à la surface de son café bouillant. On aurait dit des œufs d'insecte en train d'éclore.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
En mission à la frontière turque, Bérénice, archéologue française dévoyée en receleuse d'antiquités, se heurte à l'expérience de la guerre. Dans la convulsion des événements, elle recueille la fille d'une réfugiée, et fait la rencontre d'Asim, pompier syrien devenu fossoyeur. Poussé par l'avènement de l'État islamique, ce dernier s'est exilé en Turquie, où il fabrique de faux passeports. Aux morts enterrés dans son pays, il tente de redonner vie par la résurrection de leurs noms. La grandeur de sa tâche est à la mesure de sa folie. Celle de maintenir une mémoire vive, au moment même de son effondrement. Cette cause, qui perdure au-delà du seul pari individuel, les mènera jusqu'au Rojava, sur la trace des guerrières peshmergas et de leur combat pour la liberté.

Entre ce que Bérénice déterre et ce qu'Asim ensevelit, il y a l'élan d'un peuple qui se lève et qui a cru dans sa révolution. Quand les événements s'emballent et qu'ils contractent les existences, seules les coïncidences peuvent retisser ce qui a été défait par la guerre.

Sondant notre histoire contemporaine à la recherche des Furies antiques, le roman de Julie Ruocco rend un hommage puissant aux femmes qui ont fait les révolutions arabes, et à leur quête de justice.

Voyage au bout de l’enfance

Un voyage raconté par la voix douce, candide et poétique d’un enfant emporté par sa mère et son père alors qu’ils partent combattre Bachar el-Assad au sein de l’État islamique.

Dans mon école des lionceaux du califat, il y avait que des garçons. De mon âge, des adolescents et des petits. Les plus jeunes avaient six ans. On avait cours du dimanche au jeudi. On nous avait interdit le dessin, la danse et la musique parce que c'est mal. On étudiait la géographie. Comme ça on savait que tous les pays sont des menteurs. Sauf l'État islamique. Et puis on étudiait l'Histoire.
Voyage au bout de l’enfance de Rachid Benzine

Quand ce qui semblait un juste combat devient une infamie, une horreur, un enfer

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Trois mois. D'après maman, ça fait précisément trois mois aujourd'hui qu'on est enterrés dans ce fichu camp. Et ça fait presque quatre ans que j'ai quitté l'école Jacques-Prévert de Sarcelles.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Fabien est un petit garçon heureux, qui aime le football, la poésie et ses copains, jusqu'au jour où ses parents rejoignent la Syrie. Ce roman poignant et d'une grande humanité raconte le cauchemar éveillé d'un enfant lucide, courageux et aimant qui va affronter l'horreur