Le tunnel

« ... en tout cas, il n'y avait qu'un tunnel, obscur et solitaire : le mien. »On appelait pas encore ça un féminicide, on disait plutôt crime passionnel.

 - Maria m'a beaucoup parlé de votre peinture. Comme je ne suis devenu aveugle que depuis quelques années, je peux encore imaginer assez bien les choses.
On aurait dit qu'il voulait s'excuser de sa cécité. Je ne savais plus quoi dire. Comme il me tardait de me retrouver seul dans la rue pour essayer de comprendre tout cela !
Il sortit une lettre de sa poche et me la tendit.
 - Voici la lettre, dit-il avec simplicité, comme s'il n'y avait là rien d'extraordinaire.
Je pris la lettre et allais la mettre dans ma poche quand l'aveugle ajouta, comme s'il avait vu mon geste :
- Je vous en prie, lisez-la. Encore que, venant de Maria, il ne doit rien y avoir d'urgent.
Je tremblais. J'ouvris l'enveloppe, tandis qu'il allumait une cigarette après m'en avoir offert une. J'ouvris la lettre ; il n'y avait qu'une seule phrase :
Moi aussi je pense à vous.
Maria
Le tunnel de Ernesto Sábato
Et c’est avec les yeux de l’assassin que l’on suit le déroulement du drame annoncé. Une effroyable plongée dans les tréfonds d’une âme malade, dans les délires paranoïaques d’un narcissique obsessionnel, dans la chosification de l’aimée et la destruction systématique d’un amour, une jalousie tyrannique et assassine.Pendant les jours passés à attendre sa lettre, mon esprit fut comme un explorateur perdu dans un paysage de brouillard: ici et là, à grand-peine, j'arrivais à distinguer de vagues silhouettes d'hommes et de choses, des contours incertains de périls et d'abîmes. Quand je reçus sa lettre, ce fut comme si le soleil avait percé.
Mais ce soleil était un soleil noir, un soleil nocturne. Je ne sais si on peut dire cela, mais bien que je ne sois pas écrivain et ne sois pas sûr d'employer le mot exact, je ne retirerais pas le mot nocturne ; ce mot était sans doute celui qui convenait le mieux à Maria, parmi tous ceux qui forment notre langage imparfait.Une lecture hypnotique, écœurante

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il suffira de dire que je suis Juan Pablo Castel, le peintre qui a tué Maria Iribarne ; je suppose que le procès est resté dans toutes les mémoires et qu'il n'est pas nécessaire d'en dire plus sur ma personne.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Juan Pablo Castel est artiste peintre et meurtrier. C'est son histoire qu'il va dépeindre depuis sa cellule. Un autoportrait tout en taches sombres, bardé par endroit de couleurs violentes, d'éclairs de lucidité, que ni sa conscience ni les faits ne peuvent contenir. Un autoportrait au fusain, noir et gris, avec du rouge. Ce rouge qui prendra bientôt plusieurs significations, au fil de son témoignage et de sa volonté de se comprendre : le rouge de la passion et le rouge du sang. Car, dès le départ, Juan Pablo Castel nous dévoile tout. Il est l'assassin de la femme qu'il continue à aimer, malgré la mort, plus que sa vie.

Derrière un pseudo roman policier à l'intrigue dévoilée se cache un ouvrage à l'ambition téméraire: nous donner à voir toute la pensée de l'auteur, son humanisme, sa vision du monde moderne, son existentialisme. À la fois réflexion sur la solitude de l'artiste et sur l'incapacité de son personnage à communiquer, cet livre est aussi une touchante mise en écriture de la passion amoureuse, lucide et cruelle. Premier roman de l'écrivain argentin Ernesto Sábato, Le Tunnel fut salué à sa parution, en 1948, comme un ouvrage majeur par Albert Camus et Graham Greene.
Hector Chavez

Héros anonymes

Quel numéro d’équilibriste que ces Héros anonymes.

Mon père voulait à tout prix faire plaisir à sa panthère qui, tout droit sortie de sa favela, raffolait de ces endroits aristocratiques et commandait un jus d'orange de pomme s'il vous plaît... Elle nous fichait la honte avec son accent de péquenaude mais sa plastique de rêve déviait illico nos oreilles sur ses seins juteux compressés dans un corsage zébré et rehaussés par un soutien-gorge rembourré.
Héros anonymes de Saphia Azzeddine

Car voilà un livre qui paradoxalement brille par son ambiguë absence de traitement. Un délire au premier degré.

Ma plomberie interne se remit à déconner et je pleurai pendant des plombes comme un con devant mon écran d'ordinateur. J'étais le plus grand coulage de l'histoire depuis Jeanne Mas et, plus grave encore, personne ne prédisait son retour.

Un jeune franco-marocain cynique en errance, troll du web sans convictions, un jeune qui bascule sans même se comprendre. Mais comment le raconter ? Comme ça ? L’amok !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'aurais bien aimé que ce soit vraiment des Arabes qui pulvérisent les tours jumelles. Ça aurait enfin signifié qu'ils sont de nouveau capables de flirter avec le grandiose.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
"J'aurais bien aimé que ce soit vraiment des Arabes qui pulvérisent les tours jumelles. Ça aurait enfin signifié qu'ils sont de nouveau capables de flirter avec le grandiose. Fini la dérive, bonjour l'audace. Du travail d'Arabes mais de chirurgiens arabes s'il vous plaît. Fiérot, je visionnais en boucle ces images délirantes depuis mon réveil. Très vite le réel détrôna la fiction et je compris tout seul que mon peuple était bien trop étriqué dans son calbute pour foutre un bazar aussi démesuré. Les images n'en perdaient pas pour autant de piquant mais ce jour-là je troquai mon keffieh pour ma casquette des Yankees. Je m'étais réjoui trop vite, aucune performance à signaler du côté des merguez ce 11 septembre 2001."

Dans son nouveau livre, Saphia Azzeddine nous invite à entrer dans la tête d'un " héros anonyme " et à mesurer à quel point c'est effrayant d'être un " lambda " et de se sentir, pourtant, tout-puissant.

Vitesse moderne

Des rencontres dans un récit qui ressemble fortement à un rêve qui saute d’une idée à une autre avec des fils conducteurs aussi fins que ceux de l’araignée de Tintin

Vitesse moderne de Blutch

Je suis entré dans ce récit sans attentes… heureusement.

Une BD comme une occasion de se laisser aller au gré des fantaisies de Blutch

J’ai pas compris grand chose, mais c’est pas trop grave

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un soir, Lola est abordée par Renée, qui propose à la jeune danseuse d'écrire un livre dont elle serait le sujet principal. Lola est troublée, mais accepte néanmoins..

Dès le lendemain, il sera question d'un père absent, mais qui surgit régulièrement à l'improviste, d'un amoureux transi, monomaniaque et psychopathe, d'Omar Sharif et d'une énorme araignée...

Le tout sur fond de coupure générale d'électricité, d'un programme de danse très exigeant et d'une inondation historique.

Un récit unique, surréaliste et fantasmatique

La Vénus à la fourrure

Comme un tourbillon, une chute dans un délire sadomasochiste où le encore pire succède au pire jusqu’à…

La vénus à la fourrure de Leopold von Sacher-Masoch
La vénus à la fourrure de Leopold von Sacher-Masoch

Un livre à la noirceur gothique impressionnant de maîtrise et de construction.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Il vénérait une Vénus de jardin, sage idole de pierre : Wanda von Dunajew va lui donner le goût des femmes de chair.

De la déesse de l'amour, Wanda possède la rousse splendeur, le caractère, la frivolité. Mais Séverin, gentilhomme des Carpates, a d'autres rêves encore. Plus que son amant, il désire être son esclave. Humiliations, violences, tortures de la jalousie : extase... D'un trait de plume sur un contrat, tous les abaissements lui sont promis. Jusqu'au tout dernier...

Ce chef-d’œuvre de Sacher-Masoch - dont le nom a donné naissance au terme « masochisme » - a inspiré le grand film de Roman Polanski, La Vénus à la fourrure