Camiothécaire-biblioneur aux lectures éclectiques. Romans, essais, biographies et autobiographies, récits de voyage, bandes dessinées, nouvelles, chroniques, témoignages… des critiques selon l'humeur
Voilà une vie heureuse pleine de délicatesse. Oui, même si l’histoire est bien différente, les émotions m’ont semblé bien similaires à ce roman précédent. David réécrirait-il toujours selon le même pattern1 ou aurait-il un message qu’il ne cesserait de vouloir transmettre ?
La vie heureuse de David Foenkinos
Une histoire en trois période. Et si la première ma semblé longuette et la dernière un peu mélo, la deuxième m’a franchement bien amusé.
Allons David, il est temps de renaître et de laisser enfin exploser cette vie heureuse qui n’ose l’être !
1 Merci encore pour les deux trois bonnes blagues des notes de bas de page
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Éric Kherson appréhendait toujours de prendre l'avion. II dormait en général assez mal la veille du voyage, se laissant dériver vers les pires scénarios possibles, imaginant tout ce qu'il laisserait derrière lui après sa mort violente dans un crash.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « Jamais aucune époque n’a autant été marquée par le désir de changer de vie. Nous voulons tous, à un moment de notre existence, être un autre. »
Strange m’a évidement et immédiatement rappelé la fille d’elle même de Gabrielle Boulianne-Tremblay. Une quête de soi sous le regard des autres. Et là encore, la même sensibilité, la même finesse d’écriture, les mêmes douleurs.
Strange de Geneviève Damas
Avec, dans Strange, ce rapport au père qui apporte toute la richesse (et beaucoup de tristesse aussi) à ce roman.
Une magnifique étrangeté
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Je suis resté assis sur mon lit je ne sais combien de temps. Je pensais "S'il vient dimanche, je vais mourir".
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Il y a des choses que l’on écrit parce qu’on n’a pas pu les dire. Nora envoie une longue lettre à son père, qui vit dans une autre ville. Cette ville, elle l’a quittée pour apprendre le chant à Bruxelles. Mais aussi pour autre chose. « Ma vie n’est pas exactement comme je te l’ai racontée. »
L’enfant que connaît ce père était un « il ». Il se prénommait Raphaël. Tout ce que le père ignore, le voici, depuis l’enfance, la mort de la mère. Les déguisements que portait le petit garçon. Les princesses qu’il dessinait. Les brutalités subies dans la cour du collège. Les mensonges. La douleur. Et puis, un jour, une lumière : le chant. Et le départ. Et ce que Nora est devenue, sa nouvelle vie. Voici un sens inédit ajouté au « Je est un autre » de Rimbaud.
Loin d’être une lettre d’amertume, de vengeance ou de règlement de comptes, la lettre de Nora est une lettre d’amour. Lettre d’amour à un père, dans l’espoir qu’il comprendra. Lettre pour s’aimer soi-même, aussi, enfin.
Un roman bouleversant, et d’autant plus qu’il évite les excès de la plainte comme de la caricature, sur l’identité, mais aussi sur le passage à l’âge adulte, le perfectionnement d’un art, le renouement avec l’acte d’aimer.
Patate chaude est un petit trésor de ce début d’année. Enfin, si on peut considérer un gros chien assez moche et qui bave comme un petit trésor… Mais qu’importe, c’est un petit bijou ! Patate chaude de Marie Beer
L’histoire d’un copain du grand frère, un peu loose et dilettante, un BG charismatique et marginal, qui n’a pas fait grand chose de sa vie, à part un groupe sans succès et qui se suicide en laissant son chien. Patate. Enfin… Sa chienne !
Un bouquin plein d’humour aux portraits bien croqués et qui pose un regard acidulé sur les bonnes gens de par chez nous
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Kob est mort. Il y a de ça quelques jours déjà.
Le pire, c'est que je l'ai su par les réseaux sociaux. Normal, vous me direz, puisque je ne l'avais pas revu depuis au moins dix ans. Les réseaux sociaux, c'est un peu devenu la plateforme nécrologique qui devance les rubriques officielles mieux que n'importe quel bouche à oreille.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Je leur ai demandé : il a laissé quoi derrière lui, votre fils au grand cœur ? Votre fils que tout le monde admirait, sauf vous, apparemment ? Il a laissé un clébard ! C’est mieux que rien, non ? Il aurait pu devenir tueur en série. Ou pire ! Il aurait pu devenir comme vous. Qui viendra crier à votre enterrement, à vous ?
Kob est mort, et sa famille entend préserver dignement son souvenir. Mais il laisse derrière lui plusieurs amis infréquentables, quelques magouilles et surtout un gros chien mal élevé, dont personne ne veut.
Dans ce roman vif et jubilatoire, Marie Beer croque les travers et les contradictions de nos normes sociales.
Voilà une bande dessinée bien intéressante sur le jugement dernier. Oh, pas celui d’un dieu dans le ciel. Ici, il s’agit plutôt de la dernière occasion de régler nos derniers conflits intérieurs. Au moment de notre mort, nous serons nous pardonnés nos culpabilités ?
Le dernier quai de Nicolas Delestret
L’histoire d’un majordome dans le dernier hôtel, au dernier quai du dernier train. L’hôtel où on laisse ses derniers bagages.
Un album au dessin léger et sympathique, pour une thématique qui aurait peut-être été mieux mise en valeur par un trait moins enfantin
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Émile commence sa journée, rythmée au tic près, immuablement, il reproduit les gestes monotones, mais rassurants, de son métier : gérant d'hôtel
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « Prêt pour l'ultime voyage ?
Vérifiez d'abord que tous vos souvenirs sont en règle... »
Les clients de cet hôtel ont un point commun : ils viennent tous de mourir. Dans un rituel immuable, Émile, en hôte bienveillant, les accueille et les guide pour qu'ils puissent faire un point sur leur vie et trouver une forme de résilience. Quant à ceux qui ne parviennent pas à faire la paix avec eux-mêmes, ils connaissent un sort peu enviable. Tout est réglé comme une horloge à l'hôtel du dernier quai. Pourtant un grain de sable va enrayer les engrenages. Cette fois, les nouveaux pensionnaires n'ont aucun souvenir de leur ancienne vie. Dès lors, comment les aider ?
Rythmée par le tic-tac du temps qui s’écoule, Charlie raconte sa maladie (une boule comme une orange), son frère (un gros connard), son père (suicidé), sa copine (enceinte), sa mère (mère), son compagnon, sa famille…
J’irai déterrer mon père de Catherine Larochelle
Mais rien n’est immuable au son du tic-tac et le frère est il vraiment aussi con et un père mort n’a-t-il plus rien à dire ?
L’histoire de la maladie qui détruit, mais aussi bien plus que ça.
Un livre splendide, aux émotions qui déchirent, un cocktail de violence et d’amour, de rancunes et de retrouvailles.
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Je me sens aussi blanche qu'un paysage d'hiver. Ils n'ont pas réussi à passer entièrement le coloscope. Quelque chose bloquait son avancée au niveau de l'intestin. Ce n'est pas bon signe, surtout que mon ventre crie sa douleur depuis longtemps.
Tic-tac.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) À 29 ans, Charlie n’a plus de temps à perdre. Sa liste de choses à régler est interminable. Elle entreprend un périple vers le pardon et le deuil, accompagnée de son frère détesté, de sa cheeky best friend, du fantôme de son père, de sa mère trop intense et de son amoureux qu’elle soupçonne de garder dans ses poumons le parfum d’une autre femme.
Un récit porté par une prose à la fois crue et candide, qui fait jaillir la lumière même dans ses coins les plus sombres
L’indésir est une quête, celle de Nuria qui enterre sa mère. Une mère qu’elle ne connait pas, qu’elle n’a pas vue depuis 8 ans, une mère absente. Le deuil d’une inconnue. L’indésir de Joséphine Tassy
Mais aussi une rencontre avec Abel.
Deux événements qui se percutent pour lui donner une chance de ressentir à nouveau, de désirer et de vivre.
Un livre marquant tant par son écriture que sa thématique difficile, une fille qui n’a pas été aimée par sa mère. Comment oser vivre, aimer ou désirer
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Ce matin, je me suis réveillée avec une impression d'hier.
J'ai regardé mes pelures de la veille abandonnées là où hier je les ai laissées.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Ce matin, Nuria s'est réveillée avec une impression d'hier. Dans la nuit, son téléphone a sonné : sa mère est morte. Elle ne ressent rien, aucun chagrin pour cette étrangère qu'elle n'a pas vue depuis huit ans. Avec Abel, un garçon croisé en boîte, elle part à la rencontre des drôles d'individus qui ont connu sa mère. Nuria cherche des réponses sans poser de questions. Sauf une, qu'elle garde pour elle. Le souvenir de cette femme qui n'a jamais voulu d'elle la renvoie à l'indésir qui lui colle à la peau.
Rachid Benzine continue à explorer les relations familiales et creuse ici la difficile communication père-fils. Cette vague qui part de l’admiration aveugle à la honte, l’incompréhension ou la colère…
Mais un jour c’est la fin. Et… ? S’était-on tout dit, avait-on réussi à parler, avait-on quelque chose à se dire ?
Les silences des pères de Rachid Benzine
Une histoire de toute beauté qui m’a laissé vidé. Une écriture magnifique pour dévoiler toutes ces émotions qui n’avaient jamais pu naître.
Une merveille
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Le pianiste est penché sur son clavier. Ses bras tombent sur l'instrument, épuisé, comme vaincu. Ses mains sont cachées par l'immense piano. Dans la salle de concerts de l'Opéra de Cologne, l'auditoire reconnaît les notes de la sonnerie annonçant habituellement le début d'un concert. Le silence se fait. Ce n'est pourtant pas s l'avertissement mais le concert lui-même qui débute. L'improvisation durera une heure et six minutes.
Keith Jarrett n'avait pas dormi.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Un fils apprend au téléphone le décès de son père. Ils s'étaient éloignés : un malentendu, des drames puis des non-dits, et la distance désormais infranchissable. Maintenant que l'absence a remplacé le silence, le fils revient à Trappes, le quartier de son enfance, pour veiller avec ses soeurs la dépouille du défunt et trier ses affaires. Tandis qu'il débarrasse l'appartement, il découvre une enveloppe épaisse contenant quantité de cassettes audio, chacune datée et portant un nom de lieu.
Il en écoute une et entend la voix de son père qui s'adresse à son propre père resté au Maroc. Il y raconte sa vie en France, année après année. Notre narrateur décide alors de partir sur les traces de ce taiseux dont la voix semble comme resurgir du passé. Le nord de la France, les mines de charbon des Trente Glorieuses, les usines d'Aubervilliers et de Besançon, les maraîchages et les camps de harkis en Camargue : le fils entend l'histoire de son père et le sens de ses silences
La vie est fragile et il arrive qu’elle bascule, que l’on cède, qu’on ne puisse plus, que tout semble trop lourd…
Elsa part pour une cure de jeune de vingt et un jours. Ce livre est son journal.
À demain de Elsa Wolinski
Elle y parle de la douleur du deuil de ses parents, de l’attentat et du cancer de sa mère. Elle parle aussi de ses troubles alimentaires obsessionnels. Et finalement, un peu aussi de drogue et de ses anciens conjoints toxiques. Une façon de tenter un gros nettoyage alimentaire et cérébral.
C’est tout simple, très sincère et touchant. Difficile d’être la fille de… Difficile d’être soi.
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Maryse cherche son sac. Elle est en retard.
Georges dessine. Il est à son bureau. L'appartement du boulevard Saint-Germain est pensé pour que chacun ait son intimité. Adélaïde, l'aide ménagère qui les supporte depuis plus de vingt ans, s'affaire dans la cuisine.
Les pigeons de Georges viennent d'arriver sur le balcon. Il leur parle. Le couple roucoule à la fenêtre de Wolinski.
Georges se replonge sur sa feuille blanche. Il est fatigué. C'est l'heure de sa sieste. Sa tête est lourde.
Il n'aurait pas dû manger autant, se dit-il. Ses yeux se ferment et il commence à somnoler.
Et pa-ta-tras.
Tout est blanc. Il ne voit plus rien.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « La cure dure trois semaines. J'ai vingt et un jours. Vingt et un jours pour écrire ce livre, vingt et un jours pour aller mieux, vingt et un jours pour comprendre.
Vingt et un jours de bouillon pour laisser le vide m'accaparer, pour me lover dans le rien, retrouver quelqu'un que j'ai perdu sur le chemin.
Je pars faire une sorte de reset sans sauvegarde complète. Je suis accro aux médocs, accro au sucre, accro au mal-être. Heureusement que j'ai de l'humour, sinon tout cela pourrait paraître triste ou pathétique.
J'ai décidé d'arrêter de faire semblant. »
Elsa Wolinski se retrouve, se libère, se raconte dans un récit à la fois tendre, sincère et humain
Un livre hypnotique, dur, aride, sec, limite désagréable et malaisant. Un livre qu’il faut reprendre à plusieurs fois, déposer, reposer et laisser poser. un livre à la rythmique hallucinée qui nous plonge dans la folie d’un deuil. Flore à perdu sa mère et elle ne s’en remet pas. Médicaments, psy, alcool… rien n’y fait, la spirale semble sans fin.
Fleurs de crachat de Catherine Mavrikakis
Ajoutez un frère absent et un autre schizophrène (ou approchant, je n’ai pas vraiment compris) qui squatte la cave avec des amis, un travail de chirurgienne dans un milieu hostile (ou est-ce Flore que tout agresse ?), une fille de quatre ans…
Un livre difficile d’accès, mais qui brillamment raconte une femme qui sombre
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Je gâche tout. C'est comme ça. Moi, Flore Forget, indigne fille de feu Violette Hubert, ma mère, je dois bien l'avouer, je pourris tout. Je fais tout foirer, tout tourner. Une mauvaise mayonnaise. C'est ce que je fais de la vie. Je saccage, je ravage, je ruine, je pulvérise. Je rêve follement d'éradiquer le facile. Je plastronne fièrement avec mon air de pimbêche, de soldate amarante et ma gueule ramenarde de G.I. goulue. Je pense éperdument arracher la vie au fumier sur lequel elle croît si bien, la salope. Je me prends pour un grand vent, une rafale, un raz-de-marée, un noroît, une tourmente. Je fais dans le jugement dernier.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) La chirurgienne toxicomane Flore Forget ne fait pas dans la dentelle. Quand sa mère, Violette Hubert, meurt un Vendredi saint dans le même hôpital où elle termine une opération, Flore se met à vaciller dans le brouillard profond qui l’enveloppe, entre la crise de nerfs et un grave délire névrotique. Et lorsque s’ajoute à cette fin du monde le retour de son frère aîné, Florent, surnommé « l’Fêlé », avec dans ses bagages les morceaux d’un puzzle familial ravagé par les atrocités de la Seconde Guerre, rien, mais rien ne va plus.
On comprend alors que le délire verbal – décapant et survolté et révolté et incendiaire – de Flore est le seul espoir qui lui reste, avec sa fille de quatre ans, Rose, à qui elle voudrait épargner sa propre douleur de vivre et la sauver du désastre général. Elle entreprend ainsi une plongée dans les profondeurs de l’identité familiale pour y circonscrire son identité personnelle, et peut-être se libérer du poids du monde qui l’écrase davantage chaque jour.
Bienvenue dans le grand nord canadien. Enfin… Bienvenue n’est pas forcément le bon terme. Ici, tout est dur, froid, inhospitalier. La nature, faune, éléments et même les rares humains qui s’y accrochent.
On était des loups de Sandrine Collette
On était des loups est certes un magnifique nature-writing qui m’a souvent rappelé Jack London, mais aussi un très beau livre sur l’humain. Seul face à ses décisions, sa morale, ses engagements.
Un homme fou de colère, son fils de cinq ans et deux chevaux (les gros) au milieu des terres hostiles
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) C'est la nuit je regarde l'enfant qui dort. Un tout petit enfant, il ne sait rien du monde, il ne sait rien faire. Un enfant ce n'est pas fait pour la vie, cette vie-là je veux dire qui est immense et brutale devant lui devant nous.
La vie qui.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Ce soir-là, quand Liam rentre des forêts montagneuses où il est parti chasser, il devine aussitôt qu'il s'est passé quelque chose. Son petit garçon de cinq ans, Aru, ne l'attend pas devant la maison. Dans la cour, il découvre les empreintes d'un ours. À côté, sous le corps inerte de sa femme, il trouve son fils. Vivant.
Au milieu de son existence qui s'effondre, Liam a une certitude : ce monde sauvage n'est pas fait pour un enfant. Décidé à confier son fils à d'autres que lui, il prépare un long voyage au rythme du pas des chevaux. Mais dans ces profondeurs, nul ne sait ce qui peut advenir. Encore moins un homme fou de rage et de douleur accompagné d'un enfant terrifié.
Dans la lignée de Et toujours les Forêts, Sandrine Collette plonge son lecteur au sein d'une nature aussi écrasante qu'indifférente à l'humain. Au fil de ces pages sublimes, elle interroge l'instinct paternel et le prix d'une possible renaissance