Rodina

Baru mélange ici la grande histoire et les petites, les souvenirs et les faits historiques… réels ou distordus par le temps

Rodina de Baru

L’histoire de la libération d’un train de prisonniers et de prisonnières qui rejoignirent les rangs de la résistance… Oui, les femmes aussi !

Hélas, la frontière entre les faits, le présent et ce qui est raconté n’est pas toujours très claire et si le choix narratif m’a semblé très sympa, le résultat m’a finalement perdu. Mais peut-être aurais-je du lire sa trilogie Bella ciao avant

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je vous ai déjà dit (j'ai vérifié) qu'Enrico s'appelait Heinrich, en réalité...
... Heinrich Becker, précisément, et qu'il était allemand


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans la nuit du 7 au 8 mai 1944, un détachement de FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans-main d'oeuvre immigrée) commandée par Jules Montanari, alias commandant Jacques, fit s'évader trente-sept femmes, russes et biélorusses, et vingt-quatre hommes du camp d'Errouville, en Meurthe-et-Moselle. Après un jour et deux nuits de marche forcée, elles et ils arrivèrent, les pieds en sang, au maquis de l'Argonne. Les hommes furent facilement dispersés dans les différents maquis. Mais les femmes ? Le commandant Jacques avait prévu de les placer dans des familles sûres jusqu'à la fin de la guerre. Sauf quelles voulaient se battre. À l'usure, elles eurent gain de cause et fondèrent le seul et unique détachement exclusivement féminin de la Résistance française. Elles le baptisèrent Rodina, qui veut dire « patrie » en russe.

L’enragé

Les droits de l’enfance, en fin de compte, sont une notion passablement récente. Sévices, exploitation, viol, enfermement, punitions corporelles… toutes ces violences étaient courantes et acceptées jusqu’à peu.

Il a rangé sa trique.
 - Tu es une vraie teigne toi, hein ?
Pas de réponse.
 - Maintenant tu baisses les yeux, a ordonné Chautemps.
J'ai été condamné à trente jours de quartier disciplinaire, dont trois au pain sec et à l'eau. Privé de cours, de messe, de récréation et de réfectoire. Repas au cachot et présence obligatoire à la corderie. Ils me punissaient mais m'obligeaient à travailler.
L’enragé de Sorj Chalandon

À la fin des années 30, tous les enfants s’échappèrent de la maison de correction de Belle-Île-en-mer (un bagne, donc !) et tous furent rattrapés… tous sauf un.

J'ai retrouvé Soudars à l'infirmerie. Il avait fracassé la vitrine du meuble à médicaments. Il était seul. Lorsqu'il m'a vu, il a tenté de s'enfuir. Mes poignets étaient bleus de sa corde. Je sentais encore le mât dans mon dos.
Je l'ai coincé violemment contre le lit de consultation. Coup de poing à la tempe.
 - Fais pas le con, Bonneau !
Coup de tête. Craquement d'os, son nez. Nouveau coup dans les dents. Il avait la bouche ouverte, j'ai senti sa morsure sur mon front. Sa mâchoire qui cède. Il s'est effondré sur le dos, au milieu des fioles de gardénal. Je lui ai donné un coup de pied dans la tête, un deuxième. Longtemps j'avais rêvé de cette scène. Je rythmais chaque sévice par un commentaire.

Sorj Chalandon imagine et raconte son histoire, la violence, l’injustice, la haine, la vengeance et la colère.

Un livre prenant, rude et choquant. Dans cet enfer et au travers de cette évasion, il interroge la possibilité d’un après. Comment vivre avec ?

Magnifique

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tous sont tête basse, le nez dans leur écuelle à chien. Ils bouffent, ils lapent, ils saucent leur pâtée sans un bruit. Interdit à table, le bruit. Le réfectoire doit être silencieux.
- Silencieux, c'est compris ? a balancé Chautemps pour impressionner les nouveaux.
Sauf à la récréation, la moindre parole est punie.
Le surveillant-chef empêche même les regards.
- Je lis dans vos yeux, bandits.
Cet ancien sous-officier marche entre les tables, boudiné dans son uniforme bleu.
- J'y vois les sales tours que vous préparez.
Sa casquette de gardien au milieu de nos crânes rasés. Moysan, Trousselot, Carrier, L'Abeille, Petit Malo, même Soudars le caïd, tous ont la tête dans les épaules. Notre troupe de vauriens semble une armée vaincue.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Je n’ai pas le droit aux sentiments. Les sentiments c’est un océan, tu t’y noies. Pour survivre ici, il faut être en granit. Pas une plainte, pas une larme, pas un cri et aucun regret. Même lorsque tu as peur, même lorsque tu as faim, même lorsque tu as froid, même au seuil de la nuit cellulaire, lorsque l’obscurité dessine le souvenir de ta mère dans un recoin. Rester droit, sec, nuque raide. N’avoir que des poings au bout de tes bras. Tant pis pour les coups, les punitions, les insultes. S’évader les yeux ouverts et marcher victorieux dans le sang des autres, mon tapis rouge. Toujours préférer le loup à l’agneau. »
Dans la nuit du 27 août 1934, cinquante-six gamins se révoltent et s’échappent de la colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer. Voici ouverte la chasse aux enfants. Tous sont capturés. Tous ? Non : aux premières lueurs de l’aube, un évadé manque à l’appel. Voici son histoire…

Ex-libris

Attiré par le côté très « graphique » de la couverture, j’ai trouvé une bande-dessinée tout à fait atypique. Un mélange entre hommage et escape-game constamment à la limite de la folie.

Ex-libris de Matt Madden

Tout débute en caméra subjective, en incarnant une personne qui se retrouve dans une pièce avec une bibliothèque pleine de bandes-dessinées. Et c’est en les ouvrant, qu’à la manière d’un jeu de piste, cet ex-libris guidera son personnage.

Une BD qui n’est pas sans rappeler La mystérieuse flamme de la reine Loana d’Umberto Eco, où Yambo, un libraire antiquaire amnésique, se retrouvait dans le grenier d’une maison d’enfance à relire les BD de sa jeunesse en Italie fasciste.

Une plongée assez subtile (même si parfois un peu répétitive), pleine d’hommages aux grands noms de la littérature et de la bande dessinée

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Un mystérieux personnage se trouve dans une petite pièce, avec pour seul mobilier un lit, un tapis et une bibliothèque pleine de bandes dessinées dont il entreprend la lecture. À mesure qu’il passe d’un ouvrage à l’autre, les styles de dessin et les histoires se succèdent, nous plongeant dans différents univers graphiques et narratifs. L’atmosphère se fait de plus en plus inquiétante, d’autant que certains livres semblent contenir des messages secrets… Après « 99 exercices de style », Matt Madden se livre ici à un nouvel exercice d’influence oubapienne, nous proposant un méta-récit truffé de références aux mondes de la bande dessinée et de la littérature. « Ex–libris » rend ainsi hommage à des auteurs comme Jorge Luis Borges, Julio Cortázar, Vladimir Nabokov ou encore Italo Calvino dont la nouvelle « Si par une nuit d'hiver un voyageur » a d’ailleurs inspiré ce livre. Matt Madden signe avec « Ex–libris » une bande dessinée labyrinthique qui se joue des frontières entre le réel et l’imaginaire

Blanc

Après un livre d’images Noir fort surprenant, Sylvain Tesson revient à la vie avec ce Blanc. Une rando à peaux de phoque à travers les Alpes en compagnie de du Lac et de Rémoville, un autre montagneux rencontré sur les cimes enneigées. Quatre tronçons répartis sur quatre hivers. Du blanc, du blanc, du blanc et du blanc !

Le cinquante-sixième jour
De Livigno au col d'Eira en automobile, puis du col au lac de San Giacomo par le val Trela, puis du lac à l'Ofenpass par le val Mora et deux cols, 26 kilomètres et 900 mètres de montée.
Pourquoi ces journées de traces blanches nous parais- saient-elles miraculeuses?
 - Parce que nous allons dans la beauté, dit du Lac.
 - Parce que nous avons la liberté sur la montagne, dit Rémoville.
 - Parce que nous ne visons pas trop loin, dis-je.
Blanc de Sylvain Tesson

Mais trop d’effort vide la tête et ce carnet de bord fini par ressembler à un décompte des dénivelés, cols et bivouacs.

Oui, la plume est sublime et la route est belle. Mais plus créative est l’inaction, mère de l’introspection et des digressions

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Derrière nous, Menton, avec ses maisons jaunes en escalier sur des pentes de fleurs. On goûta l'eau des doigts. Je me léchai l'index car la mer est le sel de la Terre, puis du Lac marmonna « on y va, on n'est pas d'ici ».


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Avec mon ami le guide de haute montagne Daniel du Lac, je suis parti de Menton au bord de la Méditerranée pour traverser les Alpes à ski, jusqu'à Trieste, en passant par l'Italie, la Suisse, l'Autriche et la Slovénie. De 2018 à 2021, à la fin de l'hiver, nous nous élevions dans la neige. Le ciel était vierge, le monde sans contours, seul l'effort décomptait les jours. Je croyais m'aventurer dans la beauté, je me diluais dans une substance. Dans le Blanc tout s'annule - espoirs et regrets. Pourquoi ai-je tant aimé errer dans la pureté ?
S. T.

Ailleurs

Après Monstre et Innocent, Gérard a encore des choses à dire !

Ailleurs de Gérard Depardieu

Il parle de sa soif de vie, de son ennui d’un ici terne, aseptisé, silencieux et docile. Il veut vivre, au risque (ou la chance) de se tromper. Il veut voyager, rencontrer, partager, toucher, goûter, dévorer… Et même s’il se sent peut être moins vif sur la fin, il veut partir comme dans un western, les bottes aux pieds !

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Je suis parfois un innocent, parfois un monstre.
Tout ce qui est entre les deux ne m'intéresse pas.
Tout ce qui est entre les deux est corrompu.
Seuls l'innocent et le monstre sont libres.

Ils sont ailleurs

Underground Railroad

Un bouquin qui pue la violence et le racisme de l’esclavage du Sud des États-Unis. L’esclave est force de travail, marchandise, bien dont l’homme blanc nanti dispose à sa guise. Une société entière bâtie sur l’exploitation, l’humiliation et l’asservissement haineux de l’autre, du faible. Oui, ça pue !

Underground Railroad de Colson Whitehead
Underground Railroad de Colson Whitehead

Mais Cora et Caesar s’échappent ! Et les fugitifs rencontrent l’histoire. Celle de l’Underground Railroad, une organisation clandestine qui aida des dizaines de milliers d’esclaves à fuir le Sud pour se réfugier dans les états du Nord ou au Canada. Mais le chemin est long et dangereux, la traque impitoyable.

Reste un livre qui, malgré tout ça, n’a pas réussi à m’accrocher. Parfois, ça ne prend pas. Crotte.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Cora, seize ans, est esclave sur une plantation de coton dans la Géorgie d'avant la guerre de Sécession. Abandonnée par sa mère lorsqu'elle était enfant, elle survit tant bien que mal à la violence de sa condition. Lorsque Caesar, un esclave récemment arrivé de Virginie, lui propose de s'enfuir, elle accepte et tente, au péril de sa vie, de gagner avec lui les États libres du Nord.

De la Caroline du Sud à l'Indiana en passant par le Tennessee, Cora va vivre une incroyable odyssée. Traquée comme une bête par un impitoyable chasseur d'esclaves qui l'oblige à fuir, sans cesse, le « misérable coeur palpitant » des villes, elle fera tout pour conquérir sa liberté.

L'une des prouesses de Colson Whitehead est de matérialiser l'« Underground Railroad », le célèbre réseau clandestin d'aide aux esclaves en fuite qui devient ici une véritable voie ferrée souterraine, pour explorer, avec une originalité et une maîtrise époustouflantes, les fondements et la mécanique du racisme.

À la fois récit d'un combat poignant et réflexion saisissante sur la lecture de l'Histoire, ce roman, couronné par le prix Pulitzer, est une oeuvre politique aujourd'hui plus que jamais nécessaire

Les délices de Tokyo

Entre un subtil et délicieux conte à la délicatesse des petites pâtisseries japonaises et la lourdasse machine formatée des feel-good books, mon cœur n’arrive pas à trancher.

Les délices de Tokyo du Durian Sukegawa
Les délices de Tokyo du Durian Sukegawa

Il reste une jolie petite histoire de petits gâteaux, de petite vieille qui fut enfermée à cause de la lèpre et de la rédemption d’un ex petit dur qui passa par la prison. C’est chou-chou comme un petit gâteau un petit peu sucré.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Écouter la voix des haricots » : tel est le secret de Tokue, une vieille dame aux doigts mystérieusement déformés, pour réussir le an, la pâte de haricots rouges qui accompagne les dorayaki, des pâtisseries japonaises. Sentarô, qui a accepté d'embaucher Tokue dans son échoppe, voit sa clientèle doubler du jour au lendemain, conquise par ses talents de pâtissière. Mais la vieille dame cache un secret moins avouable et disparaît comme elle était apparue, laissant Sentarô interpréter à sa façon la leçon qu'elle lui a fait partager