Camiothécaire-biblioneur aux lectures éclectiques. Romans, essais, biographies et autobiographies, récits de voyage, bandes dessinées, nouvelles, chroniques, témoignages… des critiques selon l'humeur
T’as pas l’impression de prendre toute la couverture ? : Poésies visuelles et jeux de (mauvais) caractères de l’Indéprimeuse
L’Indéprimeuse (Davina Sammarcelli et Felicia Sammarcelli) m’avaient déjà impressionné avec leur traduction de Guillaume Remuepoire et garnissent mon intérieur de leurs tableaux et impressions. Elles réjouissent les imprimeuses-eurs, typographes, correctrices-eurs, polygraphes, infographistes, metteuses-eurs en pages, titreuses-eurs… (tiens, j’y pense, sont-elles pour ou contre l’écriture inclusive ?) et toutes et tous !
Tiens, celui-là, je ne l’ai pas comprise tout de suite
Et dire que je n’avais pas lu ce premier roman. Quelle erreur (heureusement réparée !)
Comme une bonne claque à ceux qui confondent foi et religion, clergé et Dieu, parole des hommes et message divin.
Confidences à Allah de Saphia Azzeddine
L’histoire de Jbara, pauvre bergère du Maghreb qui deviendra prostituée. Une histoire qu’elle raconte elle même au travers de ses conversations avec Allah.
Un chef d’oeuvre contre l’obscurantisme, les patriarcats, les religieux qui transforment et utilisent les saintes écritures pour avilir, soumettre et dominer. Des religions comme pouvoir, royaume des hypocrisies !
Et là, au milieu, un message magnifique de tendresse et de candeur
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Tafafilt c'est la mort et pourtant j'y suis née. Je m'appelle Jbara. Il paraît que je suis très belle mais que je ne le sais pas. Ça me fait une belle jambe à moi d'être belle. Je suis pauvre et j'habite dans le trou du cul du monde. Avec mon père, ma mère, mes quatre frères et mes trois sœurs.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Vers qui se tourner quand on vit dans la misère ? À qui parler lorsqu'on est perdu et rejeté par la société ? Jbara, petite bergère des montagnes du Maghreb, choisit Allah. Dans un monde qui ne voulait pas d'elle, Il deviendra son unique confident. C'est à Lui que s'adresse ce monologue fiévreux et enragé, où l'humour perce souvent, celui d'une jeune fille qui tente d'échapper à l'enfermement
Quoi ? Les mamans ont des désirs sexuels ? elles veulent baiser ? Et bien oui, semblerait-il ! Rien que pour le massacre en règle de ce tabou, voilà un livre enchanteur.
L’inconduite de Emma Becker
Emma Becker se livre ici sur son désir, son envie de quelque chose de grand, puissant, qui l’emporte et la soulève. Elle veut de la passion et la preuve de la passion, ferme, vigoureuse ! Pourtant, elle reste coincée. Là, entre le père de son fils, un amant, un autre (des autres) et un vieux.
Un livre qui ose parler du désir des femmes. Impudique ? Oui, certainement ! Poserait-on la question de la même manière pour celui d’un homme ?
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) La jeune femme remonte sa rue. Sort les clés de sa poche. Se renifle sous les bras pour y détecter l'odeur de l'autre, comme si elle pouvait y changer quoi que ce soit.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Après s'être prostituée à Berlin dans La maison, E. Becker est devenue mère d'un petit garçon et vit avec son compagnon. Elle relate ses aventures sexuelles et amoureuses entre Berlin et Paris avec trois amants très différents mais dont aucun ne parvient à se hisser à la hauteur de sa liberté. Autofiction dans laquelle l'écrivaine évoque son amour des hommes, du sexe et de l'amour
Au travers d’un roman épistolaire, Virginie Despentes propose un recueil de pensées sur la société, les drogues et autres addictions, la masculinité toxique, #metoo, les réseaux sociaux et leurs shitstorms.
Cher connard de Virginie Despentes
Des pensées à plusieurs strates qui s’approfondissent, se répondent, se démasquent et évoluent au fil des échanges.
Un œil vif, un verbe tranchant et pourtant une parole qui ne cesse de s’interroger
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) OSCAR
Chroniques du désastre
Croisé Rebecca Latté, dans Paris. Sont remontés à ma mémoire les personnages extraordinaires qu'elle a interprétés, femme tour à tour dangereuse, vénéneuse, vulnérable, touchante ou héroïque combien de fois je suis tombé amoureux d'elle, combien de photos d'elle, dans combien d'appartements, au-dessus de combien de lits j'ai pu accrocher et qui m'ont fait rêver.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Roman épistolaire entre Rebecca, une actrice quinquagénaire séduisante, Oscar, un écrivain trentenaire peu connu victime du syndrome de la page blanche et Zoé, une jeune féministe accro aux réseaux sociaux. Ces trois individus à la personnalité abrupte, tourmentés par leurs angoisses, leurs névroses et leurs addictions, sont amenés à baisser les armes quand l'amitié leur tombe dessus
Comme elle le préfaçait dans Burqa de chair de Nelly Arcan, Nancy Huston a été fortement marquée par ses écrits.
Reflets dans un oeil d’homme de Nancy Huston
Dans cet essai féministe sur l’image, le corps et le regard des hommes (et toutes les conséquences qui en découlent), elle convoque Anaïs Nin, Virginia Woolf, Jean Seberg ou Marilyn Monroe… Elle s’interroge sur cette société qui sacrifie ses filles et ce qu’elle voit comme des grandes hypocrisies.
A rebours du courant actuel ou seul le genre (et ses multitudes) et donc l’éducation serait responsable, elle met en avant notre animalité de mammifères – sans pour autant nier l’importance de l’apprentissage, de l’éducation, du rôle des pères…
Un essai parfois caricatural dans lequel elle laisse malheureusement de côté toutes les personnes qui ne se retrouveraient pas dans une vision aussi binaire du sexe – et avec possiblement une vision un peu datée des chasseurs-cueilleuses. Pour autant, pourquoi, comment et par quel miracle l’humanité ne serait-elle pas animale et soumise aux lois de l’évolution ?
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Des yeux masculins regardent un corps féminin : immense paradigme de notre espèce.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) «Nous incarnons bien moins que nous ne le pensons, dans notre arrogance naturelle et candide, la femme libre et libérée. Nous montrons du doigt les femmes qui se couvrent les cheveux ; nous, on préfère se bander les yeux.»
Toutes les différences entre les sexes sont socialement construites ; ce dogme est ressassé à l’envi dans la société française d’aujourd’hui. Pourtant il y a bien un impératif de reproduction – chez les humains comme chez tous les autres mammifères – qui induit un rapport à la séduction différent suivant que l’on naît garçon ou fille.
Partant de ce constat simple mais désormais voué à l’anathème, Nancy Huston explore les tensions contradictoires introduites dans la sexualité en Occident par la photographie et le féminisme. Ainsi parvient-elle à démontrer l’étrangeté de notre propre société, qui nie tranquillement la différence des sexes tout en l’exploitant et en l’exacerbant à travers les industries de la beauté et de la pornographie.
Ce livre brillamment dérangeant a suscité les réactions de nombreux lecteurs, dont certaines lettres sont ici reproduites en fin d’ouvrage
Attiré bien sûr par la couv’ et le titre très tentants, je suis tombé sur un livre féministe des plus intimes et passionnants. Alors certes, il y a quelques longueurs, mais quel journal !
Journal : l’histoire de mon coeur et de mon cul de Noémie de Lattre
Premièrement, c’est très drôle et Noémie se livre sans détours. Mais ce que j’ai trouvé vraiment bien foutu, c’est qu’elle débriefe son propre journal au fil de sa lecture. Et là, ça devient très intéressant.
On assiste à la naissance de sa conscience et de son activisme féministe dans une démarche très personnelle (et souvent absolument universelle). Le journal d’une femme qui se bat et qui apprend à s’aimer et se connaitre.
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) La Reine de la Pipe
12 mars 2005
Merde ! Mais qu'est-ce que j'ai ? C'est quoi le problème ? J'ai une odeur ? Un truc horrible caché dans le vagin ou tatoué dans le dos qui fait fuir tous ceux qui s'approchent trop près ?
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « Me voici donc, toute nue, toute véhémente, toute dérisoire. Voici les méandres de ma tête et de mon cœur. Voici ma pulpe, le bois dont je suis faite. »
PS : À ma famille, mes ex et à leurs parents : s'il vous plaît, ne lisez pas ce livre. Je vous aime
Quelle autrice ! Quelle écriture ! Un livre écrit en plusieurs étapes, rassemblé et publié après son suicide. Quelle tristesse !
Burqa de chair de Nelly Arcan
Nelly Arcan nous parle, presque sereine (en tout cas avec plus de distance et termine en parlant d’elle à la troisième personne), de sa relation au corps, à sa mère, à la beauté, à son image et au regard de l’autre.
Avec une préface émouvante et bienvenue de Nancy Huston sur l’importance de l’oeuvre de Nelly Arcan
Avec une préface de Nancy Huston
Et finalement, oui…
Se tuer peut nuire à la santé Nelly Arcan
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) La robe de chambre
La vie est un scandale, c'est ce que je me dis tout le temps. Être foutue là sans préavis, sans permission, sans même avoir consenti au corps chargé de me traîner jusqu'à la mort, voilà qui est scandaleux.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Septembre 2001-septembre 2009 : en l'espace de huit ans, une jeune femme déploie son chant et disparaît. Huit ans seulement pour entrer avec fracas dans la littérature et pour s'échapper du monde tout aussi violemment. Nelly Arcan était une guerrière, sous les fragiles apparences d'un ange blond. Son courage intellectuel n'avait d'égal que son effroi de vivre, c'est-à-dire d'habiter un corps. Un corps de femme, exposé et convoité, prison et camisole, étendard et linceul. Burqa de chair, disait-elle dans une formule saisissante. Il semblerait que très tôt elle ait appris à poser les bonnes questions, celles qui dérangent, que s'emploie à détailler Nancy Huston dans sa préface. Les textes qu'on lira ici sont du meilleur Nelly Arcan. Dernières pierres blanches au bord d'une route interrompue, ils nous donnent l'occasion d'entendre encore une fois la beauté de cette langue inimitable, étourdissante, et qui laisse le lecteur hors d'haleine
Quelles phrases géniales, quelles envolées mémorables ! Chaque début de chapitre est travaillé, ciselé et millimétré, ciblé et percutant ! La première page est à elle seule un chef d’oeuvre !
Ce prochain amour de Nora Benalia
L’histoire d’une femme qui s’est abandonnée à son couple et qui, finalement (trop tardivement ?), a décidé de reprendre sa vie. Mais est-ce possible encore, où sont les hommes et qui sont-ils réellement, quelles sont les règles ?
Une dénonciation (et une démonstration) du patriarcat, de la violence, de la difficulté de sortir des schémas imposés et du manque de couilles de la moitié de la population (qui était pourtant celle qui devrait en avoir)
Un livre avec malgré tout certaines longueurs et une certaine confusion dans la seconde partie à laquelle j’ai moins accroché
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) La narratrice a renoncé à son métier, élevé seule ses trois enfants et été menacée de mort par leur père. Refusant de se laisser abattre, poussée par la rage, elle se bat au quotidien, bien décidée à obtenir vengeance
Un boomer au pays du wokisme des réseaux sociaux, au milieu des haters, fachos, ultras, blessés et des trolls anonymes !
Le voyant d’Étampes de Abel Quentin
Une crucifixion (ne pas parler de lynchage) du bien maladroit Jean Roscoff – historien à la retraite, divorcé et alcoolique tentant de renaître tel un Phénix grâce à une biographie d’un poète noir américain (africain-américain, donc). Une histoire qui pourrait faire penser à La tache de Philip Roth s’il l’avait écrite à l’époque de Twitter.
La dégringolade d’un ancien militant gauchiste ex-touche-pas-à-mon-pote un peu radoteur enchaînant les bourdes dans un univers dont il ne maîtrise plus les codes.
Une cabale très instructive et bien foutue permettant de mieux saisir les nouveaux ressorts des polémiques et la non communicabilité des différents points de vue. Qui crie le plus fort ?
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) «J'allais conjurer le sort, le mauvais oeil qui me collait le train depuis près de trente ans. Le Voyant d'Etampes serait ma renaissance et le premier jour de ma nouvelle vie. J'allais recaver une dernière fois, me refaire sur un registre plus confidentiel, mais moins dangereux.»
Universitaire alcoolique et fraîchement retraité, Jean Roscoff se lance dans l'écriture d'un livre pour se remettre en selle : Le voyant d'Étampes, essai sur un poète américain méconnu qui se tua au volant dans l'Essonne, au début des années 60.
A priori, pas de quoi déchaîner la critique. Mais si son sujet était piégé ?
Abel Quentin raconte la chute d'un antihéros roman tique et cynique, à l'ère des réseaux sociaux et des dérives identitaires. Et dresse, avec un humour délicieusement acide, le portrait d'une génération
Quel essai remarquable ! Sans même parler du sujet, il est facile à lire, drôle (vraiment, très !) et sa structure linéaire reste pleine de rebondissements. Un vrai page turner !
Les grandes oubliées : pourquoi l’Histoire a effacé les femmes de Titiou Lecoq
Pour parler du fond, c’est une révélation à quasi chaque chapitre. Dans le même ordre d’idée que ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire, ce sont les hommes qui ont rédigé les manuels, publié les encyclopédies, effectué les recherches, justifié leur position et, finalement, effacé les femmes.
Et ce livre le démontre aisément : oui, les femmes ont toujours été présentes, actives, puissantes et agissantes. Si nous ne les retrouvons pas dans nos livres d’histoire c’est qu’elles en ont été effacées. Et ce, des grottes de la préhistoire jusqu’à aujourd’hui.
L’histoire de l’égalité n’est pas récente, elle est préhistorique et est faite d’avancées comme de reculs. Non, rien n’est gagné à tout jamais.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) De tout temps, les femmes ont agi. Elles ont régné, écrit, milité, créé, combattu, crié parfois. Et pourtant elles sont pour la plupart absentes des manuels d'histoire.
« C'est maintenant, à l'âge adulte, que je réalise la tromperie dont j'ai été victime sur les bancs de l'école. La relégation de mes ancêtres femmes me met en colère. Elles méritent mieux. Notre histoire commune est beaucoup plus vaste que celle que l'on nous a apprise. »
Pourquoi ce grand oubli ? De l'âge des cavernes jusqu'à nos jours, Titiou Lecoq s'appuie sur les découvertes les plus récentes pour analyser les mécanismes de cette vision biaisée de l'Histoire. Elle redonne vie à des visages effacés, raconte ces invisibles, si nombreuses, qui ont modifié le monde. Pédagogue, mordante, irrésistible, avec elle tout s'éclaire. Les femmes ne se sont jamais tues. Ce livre leur redonne leurs voix