L’instant infime d’une respiration

S’il n’avait été si court, voilà un livre que j’aurais laissé tomber. Et pourtant ! Intrigué par la quatrième de couv’, j’ai persisté un petit peu et je me suis laissé prendre par ce père de famille, postier, avec quelques TOC et qui aime courir…

L'esprit comprend. Il comprend la vacuité de l'acte, du mouvement perpétuellement reconduit sans but autre que les kilomètres, de la mécanique trop bien huilée qui indéfiniment se meut sans raison que l'effort superflu et la performance vaine. L'usure des semelles à l'égal de l'usure de la vie, à peine de la poussière soulevée et déjà retombée, à peine d'infimes particules déplacées. Un chemin harassant, inutilement parcouru, une souffrance stérile, une énergie gaspillée. Et des résultats décevants, toujours décevants. Un travail d'arriérés qui nie l'être et ne valorise que la performance. Une famille-couperet, des ailes rognées, des jambes sciées, un cerveau lesté au sol, à ras de terre, qui désespère d'un envol ou d'un écrasement, et s'embourbe dans le quotidien.
Pourquoi courir ? Il aurait fallu fuir à temps. Mais pour aller où ?
L’instant infime d’une respiration de Catherine Bex

Jusqu’à sa rencontre avec Dieu.

L’histoire d’un délire mystique qui voit un homme sombrer en lui même.

Chronique d’une horreur

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ils serrent. Surtout ils serrent. Sans secouer. Mais ils serrent.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Martin vit comme il court, court comme il vit. Avec une exigence extrême. Perfectionniste, introverti, il passe aux yeux de tous pour un homme travailleur et sportif, bon père et bon mari. Pourtant, Martin est faille, bloc fragile sur le ballant. Rattrapé insidieusement par la maladie, aspiré par l'idéal et obnubilé peu à peu par son sentiment d'impuissance face à Dieu, il perdra pied inexorablement. Jusqu'au drame.

S'inspirant de faits réels, L'instant infime d'une respiration tente de dépeindre la plongée d'un homme a priori banal dans la folie, une folie menant à la négation complète d'autrui.

Un bruit étrange et beau

Après 25 ans de retraite et de voeux de silence, un chartreux (non, pas le chat, le moine) se retrouve à voyager dans le vrai monde pour un bref séjour à Paris.

Un bruit étrange et beau de Zep

L’occasion d’une rencontre.

Une bande dessinée tendre, douce et introspective au rythme lent et poétique. Une grosse réussite !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Pas besoin de dire « Là ! Il y a un bouquetin ! »
Pas besoin de dire qu'il est magnifique...
Vivre dans le silence nous réduit à l'essentiel.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Depuis 25 ans, William fait partie de l'ordre religieux des Chartreux. Mais un héritage l'oblige à se rendre à Paris où il est confronté à son ancienne vie. Sa rencontre avec Méry, jeune femme atteinte d'une maladie incurable et décidée à profiter de ses derniers jours, bouleverse et interroge ses choix et ses certitudes.

Confidences à Allah

Le roman duquel est tirée cette bande dessinée est un chef d’œuvre. Remarquez que tous les livres de Saphia Azzeddine valent le détour ! Mais Confidences à Allah est son premier roman et c’est vraiment un livre qui m’avait marqué par sa puissance !

Confidences à Allah de Saphia Azzeddine, dessin et couleurs de Marie Avril, récit de Eddy Simon

Mais alors, que dire de cette adaptation ? Oui, forcément, j’ai été un peu déçu. J’aurais imaginé des visages différents, d’autres corps, couleurs… Mais surtout, un trait moins lisse, un rendu plus râpeux, rêche, rude comme le désert et toutes ces personnes qui se trouvent sur le chemin de Jbara.

Alors certes, la bande dessinée est fidèle et il est difficile de lui faire d’autres reproches que : « je n’aurais pas vu ça comme ça ».

Je vous laisserais donc vous faire votre avis, mais avant tout : lisez le roman et vous aussi, vous serez envoutés par l’écriture de Saphia Azzeddine

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Allah, si j'étais née dans une famille bien, dans une ville bien, avec une éducation bien, j'aurais forcément été une fille bien. Mais ce n'est pas comme ça que ça s'est passé au départ, Tu avoueras que je suis partie avec vachement plus d'emmerdes.

Eddy Simon et Marie Avril adaptent le monologue fiévreux de Saphia Azzeddine, portrait sans concession d'une jeune femme qui rêve d'émancipation et refuse de se soumettre

Il n’y a pas de Ajar : monologue contre l’identité

Et moi qui, petit, trouvait les discours des curés interminables et que pour dire la même chose ils auraient été bien inspirés de raccourcir leur prêches. Je n’avais pas encore entendu de rabbin.

Ajar fut un des noms que Gary créa pour dire au monde qu'il n'allait pas se résoudre à une mort annoncée, ni celle des hommes, ni celle des mots.
Son pseudo fut un dernier pied de nez au morbide qui vous rattrape toujours, mais qu'on peut tromper un temps avec un peu de panache, avec une manigance littéraire qui interdit à l'homme de n'être que lui-même. À travers Ajar, Gary a réussi à dire qu'il existe, pour chaque être, un au-delà de soi ; une possibilité de refuser cette chose à laquelle on donne aujourd'hui un nom vraiment dégoûtant : l'identité.
Il n’y a pas de Ajar : monologue contre l’identité de Delphine Horvilleur

Oui, car malgré la petite taille de l’ouvrage, Delphine Horvilleur se perd en circonvolutions – souvent très drôles et fort bien écrites – pour arriver à ses fins.

Non, non, non, non...
Ne jamais prononcer son nom, non, non, non, non...
Ne jamais prononcer son nom.
J'avais promis à mon père de ne jamais prononcer Son nom. Il m'a dit de ne jamais parler de vous-savez-qui... D'abord, parce qu'Il n'existe pas et ensuite, parce que si tu en parles, Il pourrait très bien croire que tu l'appelles et décider de se pointer.
C'est exactement comme dans la saga d'Harry Potter. Tous évitent soigneusement de nommer le méchant pour pas qu'il montre le bout de son nez. Et effectivement, à la seconde où quelqu'un prononce le nom de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, tout part vrille.

Comme Le siècle des égarés que je lisais juste avant, Il n’y a pas de Ajar tente de lutter contre les identités.

Hélas, toutes ces digressions, traits d’humour, métaphores et images m’ont égaré, noyé dans un propos qui perdait en lisibilité. Et d’ailleurs, l’identité, c’est quoi ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Avouez que c'est une drôle de coïncidence. Précisément l'année où je viens au monde, il commence à signer du nom de l'Autre. Comme par hasard, au moment même où un officier d'état civil écrit soigneusement mon nom dans un registre municipal et estampille ma déclaration de naissance, Romain Gary choisit, lui, de publier ses livres sous pseudo.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans ce monologue, un homme mystérieux affirme être le fils d'Émile Ajar, pseudonyme sous lequel Romain Gary a écrit notamment La vie devant soi.

Cet enfant de père inventé demande à celui qui l'écoute : es-tu le fils de ta lignée ou celui des livres que tu as lus ?

En interrogeant la filiation et le poids des héritages, il revisite l'univers de l'écrivain, celui de la Kabbale, de la Bible, de l'humour juif... mais aussi les débats politiques d'aujourd'hui, enfermés dans les tribalismes d'exclusion et les compétitions victimaires.

Et si Gary/Ajar étaient les meilleurs antidotes aux obsessions identitaires et mortifères du moment ?

Confidences à Allah

Et dire que je n’avais pas lu ce premier roman. Quelle erreur (heureusement réparée !)

Comme une bonne claque à ceux qui confondent foi et religion, clergé et Dieu, parole des hommes et message divin.

Tafafilt c'est la mort et pourtant j'y suis née. Je m'appelle Jbara. Il paraît que je suis très belle mais que je ne le sais pas. Ça me fait une belle jambe à moi d'être belle. Je suis pauvre et j'habite dans le trou du cul du monde. Avec mon père, ma mère, mes quatre frères et mes trois sœurs.
Ça baise comme des salauds chez les pauvres, parce que c'est gratuit.
Confidences à Allah de Saphia Azzeddine

L’histoire de Jbara, pauvre bergère du Maghreb qui deviendra prostituée. Une histoire qu’elle raconte elle même au travers de ses conversations avec Allah.

Mes copains n'étaient pas là pour se foutre de moi, alors j'en ai ouvert un, j'ai même osé en lire quelques lignes. Puis une page. Et j'en ai ouvert d'autres. Une fois, j'ai lu un livre entier.
J'apprenais qu'un homme pouvait prendre quatre cents pages pour dire à une femme qu'il l'aime. Quatre cents pages avant le premier baiser, trois cents avant une caresse, deux cents pour oser la regarder, cent pour se l'avouer. À l'heure où on envoie des textos quand on a envie de baiser, je trouvais ça prodigieux, vertigineux, fou, démesuré, extravagant, insensé, grandiose... Voilà, j'apprenais des mots en faisant le ménage. Au moins ça...

Un chef d’oeuvre contre l’obscurantisme, les patriarcats, les religieux qui transforment et utilisent les saintes écritures pour avilir, soumettre et dominer. Des religions comme pouvoir, royaume des hypocrisies !

Et là, au milieu, un message magnifique de tendresse et de candeur

En conclusion : lisez Saphia Azzeddine !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tafafilt c'est la mort et pourtant j'y suis née. Je m'appelle Jbara. Il paraît que je suis très belle mais que je ne le sais pas. Ça me fait une belle jambe à moi d'être belle. Je suis pauvre et j'habite dans le trou du cul du monde. Avec mon père, ma mère, mes quatre frères et mes trois sœurs.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Vers qui se tourner quand on vit dans la misère ? À qui parler lorsqu'on est perdu et rejeté par la société ? Jbara, petite bergère des montagnes du Maghreb, choisit Allah. Dans un monde qui ne voulait pas d'elle, Il deviendra son unique confident. C'est à Lui que s'adresse ce monologue fiévreux et enragé, où l'humour perce souvent, celui d'une jeune fille qui tente d'échapper à l'enfermement

La chance de leur vie

Une petite famille – les parents et l’ado – partent pour une année aux États-Unis à la suite de Monsieur qui a trouvé une place de prof dans une université.

La chance de leur vie de Agnès Desarthe

Et tout le monde se cherche. Monsieur à travers la séduction, Madame à la création artistique et le fils dans une transe mystique.

Qui de trouver ou se trouver, perdre ou se perdre, grandir, s’épanouir ou se faner dans les codes d’une amérique qui ne ressemble guère au Paris quitté (et fantasmé) alors que les attentats du Bataclan bouleversent la France

Et ?

… pas grand chose en fait

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Hector avait une femme. Elle s'appelait Sylvie. Ensemble ils avaient un fils. Il s'appelait Lester. Un prénom anglais parce que la famille paternelle d'Hector était originaire de Penzance, en Cornouailles, ou plutôt d'une bourgade située au nord de cette station balnéaire. Un village dont on taisait le nom par amour du secret.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Hector, Sylvie et leur fils Lester s'envolent vers les États-Unis. Là-bas, une nouvelle vie les attend. Hector a été nommé professeur dans une université de Caroline du nord. Très vite, son charisme fait des ravages parmi les femmes qui l'entourent.
Fragile, rêveuse, Sylvie n'en observe pas moins avec lucidité les effets produits par le donjuanisme de son mari, tandis que Lester devient le guide d'un groupe d'adolescents qui, comme lui, cherchent à donner une direction à leurs élans. Pendant ce temps, des attentats meurtriers ont lieu à Paris, et l'Amérique, sans le savoir, s'apprête à élire Donald Trump.
Comme toujours chez Agnès Desarthe, chaque personnage semble suivre un double cheminement. Car si les corps obéissent à des pulsions irrésistibles, il en va tout autrement des âmes tourmentées par le désir, la honte et les exigences d'une loyauté sans faille.
Mais ce qui frappe le plus dans cet admirable roman où la France est vue à distance, comme à travers un télescope, c'est combien chacun demeure étranger à son destin, jusqu'à ce que la vie se charge de lui en révéler le sens

Le château d’Otrante

Premier roman gothique (1764), le château d’Otrante est quand même un peu… pompeux, amphigourique et grandiloquant en usant tout au long de superlatifs à n’en plus finir…

Le château d’Otrante de Horace Walpole avec ill. de Salvador Dalì

Bon, c’est rigolo et plutôt intéressant pour qui souhaite découvrir le début de ce style qui donnera quand même quelques chef d’oeuvres tels que le Moine ou Frankenstein, pour ne citer qu’eux.

Illustration de Salvador Dali
Illustration de Salvador Dali

Horreur, foi, fantastique, chevalerie, intrigues, passion et malédictions au rendez-vous dans une édition plutôt mal fichue illustrée de quelques reproductions de Salvador Dalì

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une « histoire gothique » ? C'est ainsi qu'Horace Walpole définit son Château d'Otrante, un conte où se côtoient un spectre, un casque géant, une épée monstrueuse, une statue qui saigne, un moine, des princesses et un tyran retranché dans son château fort. Esthète et lord anglais, Horace Walpole (1717-1797), compose ainsi le premier roman gothique de la littérature occidentale. Le Château d'Otrante, avec son tragique exacerbé qui laisse place à un grotesque volontairement démesuré, pose les jalons des récits fantastiques et des romans noirs des siècles à venir

Comment draguer la catholique sur les chemins de Compostelle

Tout est dans le titre ! Bienvenue dans le péché de la jouissance

Comment draguer la catholique sur les chemins de Compostelle de Liebig Etienne

Allez, on ajoute une petite cheffe scout ?

Un livre délicieusement amoral en terres catholiques comme un bon foutage de gueule face aux religieuses hypocrisies

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Viscéralement libertaire et joyeusement iconoclaste...

le Pèlerinage de Compostelle comme vous ne l'avez jamais lu...

Étienne, le narrateur de ce guide hors du commun, pantalon à grosses côtes et sac au dos, n'hésite pas à se sacrifier pour suivre le Pèlerinage qui, de Vézelay à Compostelle, perpétue selon lui l'archaïsme de la pensée et la soumission au destin.

Appuyé à son bâton de pèlerin, Étienne a plus d'un tour dans sa besace pour approcher au plus près les corps croyants de cette vaste communauté en marche. Le constat est hilarant : la chair est faible, on s'en doutait, mais elle est tout sauf triste...

L’envie d’y croire : journal d’une époque sans foi

Même si je rejoins parfois l’autrice dans ses conclusions, de trop nombreux a-priori, présupposés et amalgames m’ont gâché le plaisir de cet essai et le font tomber dans une soupe un peu réac’ et c’était mieux avant.

L’envie d’y croire : journal d’une époque sans foi de Eliette Abecassis

Certes, les repères et la notion de foi se modifient, les religions s’adaptent et les positions se polarisent ou se désintéressent, les couples sont soumis à des stress nouveaux, les comportements culturels évoluent et les systèmes éducatifs peinent… Pour autant le portait de la société que brosse Éliette Abécassis me semble quelque peu caricatural

Mais bon, un essai est toujours matière à penser par soi-même et les préoccupations me semblent fort légitimes !

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Ce journal de vie est le mien, celui d'une femme, d'une mère et d'une philosophe qui s'interroge. Comment vivre dans un monde où tout s'achète et tout se vend en un clic ? Un monde dont le seul but est de fabriquer des besoins ? Un monde sans foi ni loi, où on ne se pose plus la question de ce que l'on peut faire ou doit faire ?

L'envie d'y croire est une impulsion qui nous porte, nous élève, nous renforce. Souvent une intuition, parfois une conviction, mais surtout l'expression d'une foi en nous-même et envers les autres. Celle d'une philosophie de vie qui renoue avec le sens. »

Mon Père

Un livre sur la soif de vengeance. Celle d’un père qui n’a pas réussi à protéger son fils d’un Père catholique.

Mon Père de Grégoire Delacourt
Mon Père de Grégoire Delacourt

Un huis-clos terrible au dénouement qui m’a un peu « décontenancé ». Un mélange d’émotions trop fortes, de pardon, de haine et de colères pour trouver une impossible paix

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Ce monde ne sera guéri que lorsque les victimes seront nos Rois. »

Je me suis toujours demandé ce que je ferais si quelqu'un attentait à l'un de mes enfants. Quel père alors je serais. Quelle force, quelle faiblesse. Et tandis que je cherchais la réponse, une autre question a surgi : sommes-nous capables de protéger nos fils ?
G.D.

Après La Liste de mes envies et On ne voyait que le bonheur, Grégoire Delacourt nous interroge avec force sur notre propre humanité