Le testament Donadieu

Si une histoire se termine bien, c’est qu’elle n’est pas finie. Et avec ce testament Donadieu, Simenon ne nous berce pas vraiment d’illusions. L’histoire de Philippe, trop avide, ambitieux, arriviste prêt à tout pour réussir.

Pour un peu il aurait pleuré ! C'était sur lui-même qu'il s'apitoyait, sur lui qu'une femme stupidement jalouse empêchait de faire ce qu'il avait à faire. 
 - J'ai mis six ans, six ans d'efforts farouches, parfois douloureux, à atteindre le premier palier que je voulais atteindre, et maintenant qu'il y a une nouvelle étape à franchir, Madame est jalouse ! J'ai couché avec une pauvre bourgeoise aux chairs fades, mais Madame est jalouse quand même ! Imbécile !...
Il parlait tout seul, à présent. Il n'y avait plus besoin de l'exciter. Il gémissait sur son sort, sur l'incompréhension de sa femme et tout le temps on sentait qu'il mentait, ou plutôt qu'il décalait la vérité. C'était vrai qu'il sacrifiait tout à son ambition, comme il le disait, mais, ce qu'il n'ajoutait pas, ce que Martine sentait, c'est qu'elle ferait partie au besoin des choses sacrifiées, que peut-être, que sans doute elle en faisait déjà partie!
Le testament Donadieu de Georges Simenon

Et il réussira ! Et qu’importe les reniements, les mensonges, tromperies et manipulations. Il épousera une fille Donadieu et ce sera la première pierre de son grand oeuvre.

Un roman sombre où les femmes sont des pions que l’on utilise, les amis des ressources à traire, la famille des encombrants à disperser et les promesses de douces paroles laudatives à utiliser sans compter

Le 37e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Une ouvreuse traversa le hall, ouvrit à deux battants les portes vitrées, tendit la main pour s'assurer qu'il ne pleuvait plus et rentra en serrant son tricot noir, à boutons, sur sa poitrine. Comme à un signal, la marchande de berlingots, de cacahuètes et de nougats quitta, de son côté, l'abri d'un seuil et s'approcha de son éventaire dressé au bord du trottoir.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Philippe Dargens, fils d'un élégant aventurier, directeur de cinéma, a réussi à s'introduire dans une famille d'armateurs de La Rochelle, les Donadieu.
Pour faire fortune, il ne recule devant rien : il fait la conquête de sa belle-mère qu'un testament éloignait des affaires, il écarte ses beaux-frères...
Il trahit peu à peu tous les idéaux de sa jeunesse et utilise son entourage pour satisfaire ses ambitions.

L’homme aux mille visages

Il y a des bouquins comme ça, qu’on ne lirait pas forcément et qui nous tombent dans les mains par hasard. On en lit une page et impossible de le reposer avant la fin. C’est ce qui m’est arrivé avec cet homme aux mille visages.

Chaque occupation que Ricardo s'invente, photographe, ingénieur, chirurgien, médecin humanitaire, policier, recèle une double finalité: incarner un rêve universel et adapté aux femmes qu'il séduit. Et libérer du temps.
Avec Marianne, il est en formation de chirurgie pédiatrique à Toulouse une semaine par mois plus ses gardes de nuit à l'hôpital. Avec Nicole, il est en mission à l'étranger, au Soudan surtout, dont il rentre avec une odeur de poudre et d'aventure. Chez Peugeot, il part régulièrement visiter des usines en Pologne, en Chine, où il se casse hélas une jambe et se trouve bloqué sur place plusieurs semaines. À son retour, il porte un plâtre. Carolina lui a acheté des béquilles. Pendant des semaines, il marche difficilement, du moins quand il est avec elle.
L’homme aux mille visages de Sonia Kronlund
L’histoire d’un énorme mytho, le prince de l’embrouille, le roi de la manipulation, l’empereur des imposteurs ! Sonia Kronlund a mené l’enquête aux trousses de Ricardo (un de ses nombreux noms). Séducteur aux milles vies.

Et c’est très impressionnant !
On imagine toujours que les femmes trompées, absées, escroquées, ne « veulent pas voir » ou « savaient » d'une certaine façon. Je crois plutôt qu'elles ont peur et que cette peur panique devient une seconde nature qui fait écran tout autant qu'elle aiguise la méfiance. Et je parle d'expérience. Je n'ai pas beaucoup pratiqué le « coping proactif » : après les mythomanes plus ou moins psychopathes, j'ai enchaîné avec les infidèles de toutes espèces, les collectionneurs, les suractifs senti- mentaux, les hommes mariés trompant leur femme autant que leur « maîtresse », quand ils ne trompaient pas leur « maîtresse » avec leur femme, disait l'un d'eux, assez fier de son trait. Des profils petits bras comparés à Ricardo, mais des expériences cuisantes quand même, et répétitives.
Une enquête poussée qui va la mener du Brésil en Pologne. Et si la partie interprétation psy du personnage m’a parfois moins convaincu (mais il faut bien essayer de comprendre pourquoi ? Qu’est-ce qui peut bien le pousser dans de tels délires ?), le travail journalistique est impressionnant et le résultat se lit comme un roman quasi psychédélique.

Fascinant !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Quand j'avais une vingtaine d'années, le premier garçon avec qui j'ai vécu a dissimulé un magnétophone dans mon salon entre le radiateur et le mur. Il enregistrait ce qui se passait en son absence, puis il écoutait ce que j'avais dit aux gens de passage ou au téléphone.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Il se fait appeler Ricardo, Alexandre, Daniel ou Richard. Il est argentin, brésilien ou portugais, se prétend chirurgien, ingénieur, photographe ou encore policier. Sous ses multiples légendes, il mène en parallèle plusieurs histoires d'amour dans différents pays. Sans qu'aucune compagne ne se doute de rien.

Qui est cet imposteur de haut vol ? Comment procède-t-il ? Pourquoi ?

Avec l'aide des femmes qui l'ont aimé, d'un détective privé polonais et de policières brésiliennes, Sonia Kronlund a mené l'enquête. Pendant cinq ans, elle a cherché les traces de l'homme aux mille visages. Aujourd'hui, elle raconte comment ce fascinant caméléon s'est trouvé pris à son propre piège.

Quand je te frappe : portrait de l’écrivaine en jeune épouse

En Inde (mais c’est la même chose partout, non ?), une femme, écrivaine, épouse un homme qui rapidement, l’isole (autre ville, déconnexion des réseaux sociaux, confiscation des mots de passe mail…) et… rabaisse, exige, abuse, frappe, viole, menace de pire encore…

Et si certaines pages sont insoutenables, elles semblent tellement réelles.

L'espoir me retient d'en finir avec la vie. L'espoir est la douce voix qui me trotte dans la tête et me retient de fuir. L'espoir est le traître qui chaîne à ce mariage.
L'espoir que les lendemains seront meilleurs. L'espoir que mon mari renonce enfin à la violence. Comme dit le dicton, l'espoir est le dernier à mourir. Il m'arrive de regretter que l'espoir ne m'ait pas quittée plus tôt, sans mot d'adieu ni accolade, m'obligeant ainsi à agir.
Quand je te frappe : portrait de l’écrivaine en jeune épouse de Meena Kandasamy

Et où sont les amis, la famille, la police, les voisins ?
Et que fait la justice ?

Je suis cette femme qui ignorait qu'elle portait en elle cette autre femme, sauvage, extatique. L'étrangère que j'emmène en ville. L'étrangère que j'apprends à connaître, l'étrangère insoumise que j'ai sous la peau et qui refuse de se laisser juger.

Le récit d’une femme, seule, qui résiste et qui espère encore… jusqu’à quand, jusqu’à quoi ?

Un roman glaçant !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Ma mère en parle encore.
Cinq années se sont écoulées et, chaque année, sa version de l'histoire mute, se transforme. La plupart des circonstances sombrent dans l'oubli - les différents épisodes, le mois, le jour, la saison, les et cetera et les ainsi de suite - , et ne subsistent au final que les détails les plus absurdes.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Alors qu'elle se remettait d'une déception amoureuse, la narratrice, prise entre ses aspirations et les attentes de ses parents, s'est quelque peu précipitée dans le mariage. L'heureux élu est un brillant universitaire, un admirable militant - l'homme idéal ?

Mais la jeune femme déchante vite, confinée dans sa maison à Mangalore, loin de sa famille, de ses amis. C'est d'abord ses habitudes que son mari entreprend de réformer : il faut quelle cesse de passer tant de temps sur internet, sur sa boîte mail, sur les réseaux sociaux - et puis, finalement, sur son ordinateur. Pour elle qui vit de son écriture, c'est presque un arrêt de mort. Il faut quelle devienne une parfaite femme du peuple, qu'elle assimile et incarne la doctrine marxiste. Et surtout, surtout, qu'elle respecte son époux et se conforme en tout point à ses désirs. Cet « endoctrinement » passe par la violence, qui emprunte toutes les ramifications possibles, plus perverses les unes que les autres.

Pour ne pas sombrer, la narratrice lutte, elle écrit dans sa tête, imaginant comment raconter son histoire, cherchant la moindre faille. Peu à peu, elle invente un stratagème afin de s'en sortir, de garder le contrôle de sa propre vie. De ne pas disparaître.

Porté par une voix puissante, ce récit de survie polymorphe, étonnamment lumineux, offre un éclairage salutaire sur les violences faites aux femmes, en Inde et dans le monde. Créant une tonalité singulière, à la fois intime et littéraire, l'auteur décortique avec rage et brio le mécanisme de défense inaltérable que constitue le rapport à la fiction.

Pauvre folle

Pauvre folle d’aimer, d’espoir et d’impossible. Folle et enfermée dans un déni passionnel.

Citrouille jugeait plaisant de leur sauter dessus en prenant son élan, elle ne s'en lassait pas. Fâchée d'être éconduite et aucunement le centre de l'attention dans ce salon, elle se mit à les mordre en poussant des cris rauques, parfaitement inédits, qui l'étonnèrent elle-même. Clotilde fut obligée de l'enfermer dans la cuisine, où la siamoise put s'adonner à la destruction intégrale des rouleaux de Sopalin, pendant que sa maîtresse retournait sur le canapé.
Pauvre folle de Chloé Delaume

Avec une écriture sublime (qui m’a réveillé d’anciens souvenirs de Kundera), Chloé Delaume dévoile les tourments de Clotilde, emportée dans les tourbillons d’un impossible amour.

Clotilde se disait que ce qu'elle éprouvait pour Guillaume relevait de l'amour absolu, or l'absolu est sans limites et Clotilde avait beaucoup de mal avec la notion de limites. Elle était toujours dans l'extrême, avait besoin d'être excessive, canalisait mal ses pulsions. Guillaume avait sur elle l'effet d'une drogue, elle en avait pratiqué plein, mais les molécules du Monstre condensaient ce que chacune avait de plus délicieux et intense. Les montées de dopamine, la pensée qui galope, l'inspiration, la confiance en soi, la plénitude, le reset ; le désir. Elle n'aurait fait le deuil du produit pour rien au monde.

C’est vertigineux, souvent drôle, subtile et écrasant.

Pauvre pauvre folle

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
La fin du monde n'a pas du tout la forme prévue. Derrière la vitre embuée, Clotilde observe la neige couvrir avril ; le train qui l'emporte traverse autant de forêts mortes que de prés empoissés par des ruisseaux boueux. Elle regarde le décor se déliter lentement, l'époque s'appelle Trop tard, chacun est au courant, alors elle se demande comment font toutes ces bouches pour prononcer encore sérieusement le mot Avenir.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans toutes les histoires d'amour se rejouent les blessures de l'enfance : on guérit ou on creuse ses plaies. Pour comprendre la nature de sa relation avec Guillaume, Clotilde Mélisse observe les souvenirs qu'elle sort de sa tête, le temps d'un voyage en train direction Heidelberg. Tandis que par la fenêtre défilent des paysages de fin du monde, Clotilde revient sur les événements saillants de son existence.
La découverte de la poésie dans la bibliothèque maternelle, le féminicide parental, l'adolescence et ses pulsions suicidaires, le diagnostic posé sur sa bipolarité. Sa rencontre, dix ans plus tôt, avec Guillaume, leur lien épistolaire qui tenait de l'addiction, l'implosion de leur idylle au contact du réel. Car Guillaume est revenu, et depuis dix-sept mois Clotilde perd la raison. Elle qui s'épanouissait au creux de son célibat voit son coeur et son âme ravagés par la résurgence de cet amour impossible.
La décennie passée ne change en rien la donne : Guillaume est toujours gay, et qui plus est en couple. Aussi Clotilde espère, au gré des arrêts de gare, trouver une solution d'ici le terminus

La tête d’un homme

Un Maigret des débuts, sympa, avec un commissaire qui semble perdu, dérouté, ne comprenant rien et se laissant flotter.

Atavisme trouble. Responsabilité atténuée.
Et Maigret, qui avait arrêté Joseph Heurtin, avait affirmé au chef de la police, au procureur de la République et au juge d'instruction :
« Ou il est fou, ou il est innocent! »
Et il s'était fait fort de le prouver.
Dans le couloir, on entendait le pas de l'inspecteur Dufour qui s'éloignait en sautillant.
La tête d’un homme de Georges Simenon

Un livre qui débute curieusement, avec un condamné à mort qui se voit offrir une curieuse évasion par le commissaire.

Enfin il se leva à son tour, avec tant de lenteur que le Tchèque eut une crispation des traits. Il lui posa doucement deux doigts sur l'épaule.
C'était le Maigret des grands jours, le Maigret puissant, sûr de lui, placide.
« Écoute, mon petit bonhomme !... »
Cela tranchait d'une façon savoureuse avec le ton de Radek, avec sa silhouette nerveuse, son regard pointu et pétillant d'une intelligence d'un tout autre genre.
Maigret avait vingt ans de plus que son interlocuteur, cela se sentait.
« Écoute, mon petit bonhomme... »
Janvier, qui avait entendu, faisait un effort pour ne pas rire, pour contenir sa joie de retrouver enfin son chef.
Et celui-ci se contentait d'ajouter avec la même désinvolture bonasse :
« On se retrouvera un jour ou l'autre, vois-tu !... »

Un polar sous le signe de la manipulation et de la peine de mort

L’occasion de découvrir les cigarettes Abdulla

Maigret 7/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
« Cellule 11, Grande surveillance »
Quand une cloche, quelque part, sonna deux coups, le prisonnier était assis sur son lit et deux grandes mains noueuses étreignaient ses genoux repliés.
L'espace d'une minute peut-être il resta immobile, comme en suspens, puis soudain, avec un soupir. il étendit ses membres, se dressa dans la cellule, énorme, dégingandé, la tête trop grosse, les bras trop longs, la poitrine creuse.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Le 7 juillet, à Saint-Cloud, une riche veuve américaine, Mme Henderson, et sa femme de chambre, Élise Chatrier, sont assassinées dans leur villa. Très rapidement, Joseph Heurtin, un livreur de vingt-sept ans dont la présence sur les lieux du crime est attestée, est arrêté puis condamné à la peine de mort. Mais Maigret ne croit pas à la culpabilité de Heurtin, et il organise en secret son évasion, persuadé que celui-ci va le mener sur la piste du véritable assassin

Maigret à Vichy

Encore un Maigret « atypique ». C’est amusant comme toutes ces enquêtes semblent similaires et pourtant comme chacune se démarque à sa façon.

Maigret allumait sa pipe, tournait la page du journal afin de trouver les nouvelles locales. Il tiqua en voyant sa photographie sur deux colonnes, une photographie qu'il ne connaissait pas, prise à son insu alors qu'il buvait un de ses verres d'eau quotidiens. A son côté, on distinguait un tiers environ de la silhouette de sa femme et, derrière, plus flous, deux ou trois visages anonymes.
Maigret enquête ?
« Par discrétion, nous n'avions pas signalé à nos lecteurs la présence, parmi nous, du commissaire Maigret qui est à Vichy, non par devoir professionnel, mais pour profiter, comme tant d'autres personnages illustres avant lui, des vertus curatives de nos eaux.
Maigret à Vichy de Georges Simenon

Ici, le commissaire est en « vacances forcées » avec sa femme, envoyé en cure par son médecin à Vichy. Monsieur et Madame qui se promènent de source en source et qui n’y boiront que de l’eau ! Si, si, que de l’eau !

 - Vous ne savez pas pourquoi Lecœur m'a fait avertir?
 - Il ne m'en a rien dit... Il doit croire que vous avez votre idée... Moi aussi, d'ailleurs...
On le supposait toujours plus malin qu'il ne l'était et, s'il protestait, les gens étaient persuadés que c'était une ruse.

Et c’est alors qu’une femme sera retrouvée morte étranglée. Pris dans l’enquête, Maigret accompagnera le commissaire Lecoeur dans une histoire sordide qui dévoilera un piètre et très touchant meurtrier.

Maigret 95/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Tu les connais ? demanda Mme Maigret à mi-voix comme son mari se retournait sur un couple qu'ils venaient de croiser.
L'homme aussi s'était retourné, avait souri. Ou aurait même dit qu'il hésitait à revenir sur ses pas pour serrer la main du commissaire.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une femme, Hélène Lange, a été étranglée à Vichy. Bien qu'elle y ait vécu neuf ans, personne ne sait rien d'elle. Ni d'où proviennent les coquettes sommes d'argent qu'elle recevait à intervalles réguliers. Séjournant là pour une cure thermale en compagnie de son épouse, Maigret s'intéresse entre deux promenades à l'enquête de son confrère et ami Lecoeur. Ce dernier n'aura pas grand mal à arrêter l'assassin. Les petits secrets des soeurs Lange, en revanche, lui donneront davantage de fil à retordre...Comme toujours, Simenon excelle à créer une ambiance, à la rendre palpable. Les kiosques et les jardins de Vichy, les pavillons rococos, le calme teinté d'ennui de la saison thermale forment un parfait contrepoint aux existences, sordides ou pathétiques, qui nous sont finalement révélées.

Invasions domestiques

Voilà qui vraiment fort plaisant ! Commencer un livre dont on se dit : tiens, voilà une petite farce plaisante et divertissante et se retrouver dans un conte à la dimension plus étendue qu’attendue.

Une heure plus tard, je repris le contact. L'artisan chantonnait. Il m'expliqua être coincé chez une Japonaise dont la chaudière était en nervous breakdown. Je suis en train de la chauffer, dit-il d'un ton ambigu, de sorte que je ne compris pas s'il parlait de la chaudière ou de cette femme. Je me demandai si la vulgarité d'un homme comme lui séduirait Kim-Ly. Malgré moi, je les imaginai tous deux coincés dans le réduit de mes sanitaires. Je crus même entendre l'ouvrier murmurer : Je vais essayer de me la faire. La vision de cet homme posant ses mains sur elle me sidéra.
Invasions domestiques de Élodie Llorca

Car l’histoire est loufoque, Thomas Thommassin a une petite vie tranquille – limite dépressive – et voilà que débarquent dans sa vie un plombier imprévisible et envahissant ainsi qu’une collègue sculpturale et insaisissable. Rien de tel pour déstabiliser ce petit téléopérateur qui se remet juste d’une séparation.

Kim-Ly menait la danse. Je recevais avec parcimonie ses messages, m'indiquant le jour de sa venue à l'appartement. Lorsque je répondais avec trop d'enthousiasme, elle changeait brusquement ses plans, aussi, je pris l'habitude d'accueillir chacune de ses avancées avec une réserve feinte.
Son corps m'obsédait. J'imaginais sa taille étroite, le tissage de sa peau et le laqué de ses cheveux corbeau, noués ou déliés à l'envi. Dans la journée, je saisissais à son insu certains de ses gestes pour les reproduire, le soir, dans mes collages.

Une fable sur l’envahissement, les limites, la personnalité et la difficulté de faire sa vie sienne

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
L'homme s'est présenté à mon domicile avec une heure d'avance.
La veille, j'avais laissé sur son répondeur un message expliquant ma situation. J'avoue avoir été surpris qu'il me recontacte, passé minuit, jour de Toussaint.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Thomas Thomassin, téléopérateur quasi propriétaire à Paris, mène une vie solitaire et bien réglée jusqu’à sa rencontre avec Joël, un plombier lunatique.
Après des débuts cocasses et chaotiques, une amitié naît entre eux, nourrie par une connivence artistique – Thomas a une passion secrète : le collage. Joël le pousse à travailler sans relâche pour proposer ses œuvres à une galerie. Au centre de celles-ci se trouve la figure énigmatique d’une femme au regard inquisiteur, inspirée de sa collègue Kim-Ly qui l’a toujours fasciné. Encouragé par son nouvel ami, Thomas entame une relation avec la jeune femme.
Le trio ainsi formé libère le protagoniste de sa solitude et de sa morosité. Mais peu à peu les choses se grippent, et les intentions de Joël et de Kim-Ly apparaissent troubles

Périandre

Premièrement, c’est le style qui m’a séduit, c’est fluide et très bien écrit, c’est beau sans être pédant, une vraie réussite.

Elle le guiderait. Elle l'aiderait à faire les bons choix, envers et contre tous, contre lui si nécessaire ; car qui d'autre qu'une mère pourrait savoir ce qui est bon pour son fils ? Elle seule savait, puisqu'elle était sa mère. Et tant qu'il l'écouterait, tant qu'il se conformerait à ses désirs, à sa volonté et à ses décisions le concernant, prises uniquement dans son intérêt, pour son bien, tant qu'il l'aimerait de cet amour inconditionnel, exclusif, total, alors toutes les beautés, toutes les joies et toutes les richesses de cette terre ici-bas lui appartiendraient. Il en serait ainsi, puisqu'elle était sa mère.
Périandre de Harold Cobert

L’histoire ? Une mère un peu abusive (oui, un peu est en italique !) que l’on suit de la naissance de son fils jusqu’à … (il va falloir le lire, mais ça vaut la peine).

De retour à l'appartement de son fils, la jovialité affichée de la mère disparut. Elle  inspecta les lieux avec minutie, retraçant comment cette petite envahisseuse avait progressivement grignoté l'espace et le cœur de la chair de sa chair. Un jour on oublie un T-shirt, un autre un chemisier, un autre encore une culotte, jusqu'à investir un tiroir de la commode, une rangée de l'armoire et un pan du dressing pour ne pas avoir à se déplacer sans cesse avec un sac d'affaires de rechange, et finir par l'anschluss fatal de la brosse à dents dans le verre de la salle de bains, point de non-retour marquant le début de la vie de couple et sonnant le glas de la liberté. « On ne se méfie jamais assez des brosses à dents », pensa-t-elle en se glissant dans les draps de son fils qu'elle voulait marquer une dernière fois de son odeur de mère.

Une histoire mise en résonance avec le mythe de Périandre. Et ça aussi, c’est très bien monté.

Peut-être un petit bémol pour la fin qui aurait peut-être pu être plus proche du mythe. Zut, Harold Cobert n’a sûrement pas osé, préférant sacrifier la marraine.

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Kratéa se caresse amoureusement le ventre. Seule sur la terrasse de son palais surplombant Corinthe, elle contemple la ville sur laquelle régnera un jour son fils.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Une femme donne naissance à un fils et noue une relation fusionnelle et malsaine avec son enfant, qu'elle considère comme son chef-d'oeuvre. Omniprésente, intrusive voire perverse, elle accepte difficilement l'arrivée de sa belle-fille qu'elle tente de manipuler et de briser. Lorsque cette dernière accouche à son tour d'un garçon, la grand-mère imagine son nouveau rôle

Mon mari

Quel humour, quelle découverte, quel bonheur ! Surtout, ne pas en dire trop. Celles et ceux qui l’ont déjà lu savent. Vous, les autres : lisez le !

Sur le chemin du retour, je pleure de tristesse. Je pleure pour la clémentine. Je pleure pour les lasagnes. Je pleure pour toutes ces blessures que mon mari m'inflige. Je pleure et les passants se retournent sur mon passage, car une si belle femme qui pleure, ce n'est pas si courant. Je pleure, et le pire c'est que je suis sûre que les larmes me vont bien.
Elles doivent me donner un air d'héroïne racinienne.
Mon mari de Maud Ventura

Une femme folle de son mari !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je suis amoureuse de mon mari. Mais je devrais plutôt dire : je suis toujours amoureuse de mon mari.
J'aime mon mari comme au premier jour, d'un amour adolescent et anachronique. Je l'aime comme si j'avais quinze ans, comme si nous venions de nous rencontrer, comme si nous n'avions aucune attache, ni maison ni enfants. Je l'aime comme si je n'avais jamais été quittée, comme si je n'avais rien appris, comme s'il avait été le premier, comme si j'allais mourir dimanche.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Excepté mes démangeaisons inexpliquées et ma passion dévorante pour mon mari, ma vie est parfaitement normale. Rien ne déborde. Aucune incohérence. Aucune manie. »

Elle a une vie parfaite. Une belle maison, deux enfants et l'homme idéal. Après quinze ans de vie commune, elle ne se lasse pas de dire « mon mari ».
Et pourtant elle veut plus encore : il faut qu'ils s'aiment comme au premier jour.
Alors elle note méthodiquement ses « fautes », les peines à lui infliger, les pièges à lui tendre. Elle se veut irréprochable et prépare minutieusement chacun de leur tête-à-tête. Elle est follement amoureuse de son mari.
Du lundi au dimanche, la tension monte, on rit, on s'effraie, on flirte avec le point de rupture, on se projette dans ce théâtre amoureux

Voyage au bout de l’enfance

Un voyage raconté par la voix douce, candide et poétique d’un enfant emporté par sa mère et son père alors qu’ils partent combattre Bachar el-Assad au sein de l’État islamique.

Dans mon école des lionceaux du califat, il y avait que des garçons. De mon âge, des adolescents et des petits. Les plus jeunes avaient six ans. On avait cours du dimanche au jeudi. On nous avait interdit le dessin, la danse et la musique parce que c'est mal. On étudiait la géographie. Comme ça on savait que tous les pays sont des menteurs. Sauf l'État islamique. Et puis on étudiait l'Histoire.
Voyage au bout de l’enfance de Rachid Benzine

Quand ce qui semblait un juste combat devient une infamie, une horreur, un enfer

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Trois mois. D'après maman, ça fait précisément trois mois aujourd'hui qu'on est enterrés dans ce fichu camp. Et ça fait presque quatre ans que j'ai quitté l'école Jacques-Prévert de Sarcelles.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Fabien est un petit garçon heureux, qui aime le football, la poésie et ses copains, jusqu'au jour où ses parents rejoignent la Syrie. Ce roman poignant et d'une grande humanité raconte le cauchemar éveillé d'un enfant lucide, courageux et aimant qui va affronter l'horreur