La cité aux murs incertains

Voilà une critique bien difficile à rédiger tant ce chef-d’oeuvre m’a semblé inabouti. Oui, c’est un chef-d’oeuvre, nul doute. C’est beau, prenant, envoûtant et questionnant. Je suis resté sous le charme de ce livre aux nombreux tiroirs (enfin, aux nombreuses étagères de bibliothèques).

 - Mais vous l'aimez encore et vous ne pouvez pas l'oublier ? »
J'ai de nouveau hoché la tête sans me prononcer davantage.
C'était probablement l'explication qui passait le mieux. Et l'on ne pouvait même pas dire qu'elle était inventée.
« Avez-vous quitté Tōkyō et déménagé dans les montagnes pour l'oublier ?
 - Non, ai-je répondu en riant. Je n'avais pas de motif aussi romantique. Qu'importe où l'on se trouve, dans une ville ou à la campagne, rien ne change vraiment. Je me laisse simplement emporter au gré du courant.
 - Ce devait être une femme remarquable.
 - Je n'en sais rien. Qui donc a dit un jour que l'amour était une maladie mentale que la Sécurité sociale ne couvrait pas ? » 
Mme Soeda a ri doucement et a ajusté ses lunettes. Elle a bu une gorgée de café dans son mug à l'oiseau sauvage et est retournée à son travail. Cela a marqué la fin de notre conversation.
La cité aux murs incertains de Haruki Murakami
Comme l’auteur s’en explique dans la postface, ce livre est une extension d’une nouvelle du même titre de 1980. Elle servit de matière pour La fin des temps paru en 1985 (que je m’en vais m’empresser de relire et qui – dans mes souvenirs – me semble avoir tant de points communs). Insatisfait, Murarami s’est remis au travail en 2020 et ce livre en est une reprise complète.

Mais pourtant, à la fin de cette lecture, il me semble qu’encore, de grands pans restent inexplorés, de nombreuses portes ouvertes restent béantes et les incessantes répétitions m’ont beaucoup troublé. Choix délibérés de l’auteur ou travail inachevé ?

Une histoire fantastique, d’amour impossible, de disparition et de questionnement sur la propre vie de nos inconscients

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C'est toi qui m'as parlé de la Cité.
Ce soir d'été, respirant les effluves de l'herbe tendre, nous avons marché vers l'amont de la rivière. Nous avons traversé une succession de gradins formant de petites cascades, et nous nous sommes arrêtés de temps en temps pour observer des poissons argentés, filiformes, qui nageaient dans les nappes d'eau. Nous étions tous deux pieds nus depuis un bon moment. L'eau claire lavait et rafraîchissait nos chevilles, le sable fin de la rivière nous enveloppait les pieds, comme un nuage doux dans un rêve. J'avais dix-sept ans, toi, un an de moins.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tu dis : « La Cité est entourée de hauts murs et il est très difficile d'y pénétrer. Mais encore plus difficile d'en sortir.
- Comment pourrais-je y entrer, alors ?
- Il suffit que tu le désires. »

La jeune fille a parlé de la Cité à son amoureux. Elle lui a dit qu'il ne pourrait s'y rendre que s'il voulait connaître son vrai moi.
Et puis la jeune fille a disparu.
Alors l'amoureux est parti à sa recherche dans la Cité. Comme tous les habitants, il a perdu son ombre. Il est devenu liseur de rêves dans une bibliothèque.
Il n'a pas trouvé la jeune fille. Mais il n'a jamais cessé de la chercher...

Avec son nouveau roman si attendu, le Maître nous livre une oeuvre empreinte d'une poésie sublime, une histoire d'amour mélancolique entre deux êtres en quête d'absolu, une ode aux livres et à leurs gardiens, une parabole puissante sur l'étrangeté de notre époque.

Fort Alamo

Fabcaro explore l’humour des petites choses, de l’intime, des petits dérèglements de nos vies. Ces petites choses qui ne sont pas à leur place et qui brisent quelque chose en nous. Nous désarçonnent.

En rentrant, Léonie m'a demandé comment les obsèques s'étaient passées. Je lui ai raconté le moment émouvant où la nièce était venue lire un texte à propos de leurs séjours rituels dans le Cantal. Ce faisant, je me suis demandé ce que mes neveux pourraient bien venir raconter d'émouvant, au pupitre, le jour de mes obsèques. Un jour il nous a acheté des CD, on savait pas trop quoi en faire, c'était gênant.
Fort Alamo de Fabrice Caro
C’est drôle et touchant.

Avec une fin un peu… désarçonnante, elle aussi. Zut

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je m'étais absenté une minute à peine, le temps de retourner chercher les sacs-poubelle que j'avais oubliés. Quand je suis revenu à la caisse, un type avait fait passer son caddie devant le mien et avait commencé à déposer ses produits sur le tapis roulant. Je me suis retrouvé derrière lui, hagard et désemparé. Il m'a lancé un regard furtif, a replongé le nez dans ses courses, puis m'a regardé à nouveau.
- Oh, le caddie était à vous?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Alors qu'autour de moi tombaient les corps, fort Alamo était en passe d'être pris. »

Devant la caisse du supermarché, Cyril maudit en silence le type qui l'a doublé l'air de rien. Quelques minutes plus tard, le resquilleur s'effondre sur le carrelage, foudroyé. Pour Cyril, père de famille sans histoires, c'est le début d'une série de faits similaires qui le plongent dans une angoisse existentielle. Ou est-ce plutôt la disparition récente de sa mère, la nécessité de vider la maison de son enfance ? À moins que ce ne soit Noël qui approche, les cadeaux à trouver, le repas chez la belle-soeur...

Mêlant l'humour et la mélancolie, l'acidité et la tendresse, Fabrice Caro excelle dans l'art du gag métaphysique.

Le nombre de fois où je suis morte

Combien de fois meurt-on dans une vie ? De faim, de honte, d’ennui, de désir, d’impatience, de jalousie, de culpabilité, de chaud, d’angoisse, de chagrin, de froid, de peur ou de rire ?
Marie-Christine Horn ne mourra en tout cas pas sans y avoir réfléchi, avec un sourire mi-tendre et mi-moqueur et avec beaucoup de talent !

Ainsi donc, je me souviens de ma première mort. La mort de l'enfance qui s'enterre sans pelle mais avec des fleurs, une plus précisément. La fameuse petite fleur qu'on offre à celui qu'on choisit, à seize ans, pour la vie et qu'on quitte quelques mois plus tard pour un autre, plus grand, plus beau, plus brun, plus « quelque chose » qu'on estimera suffisamment primordial pour rompre le serment qu'on avait scellé plus tôt.
Le nombre de fois où je suis morte de Marie-Christine Horn

Ces nouvelles, parfois graves mais souvent très drôles, portent un regard coquin et acidulé sur des instants de vie de femmes, joyeux ou tristes, drôles ou cruels…
Moi qui me lève chaque matin pour gagner ce salaire qui me sert à payer les traites de cette voiture dont j'ai besoin pour aller gagner ce salaire qui me sert à payer les traites de cette voiture.… des grandes et petites morts qui rapprochent de la dernière

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il est des peines, comme des joies, qui vous surprennent un beau jour comme un vilain, sans qu'on les ait vraiment choisies, provoquées ou même attendues. Il est des joies, comme des peines, qui vous émeuvent plus ou moins, et dont les larmes ont autant un goût de rire que de chagrin.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Morte de faim, morte de peur, morte d’ennui…Femmes tantôt fragiles, en colère ou désespérées, les protagonistes dansent sur le fil, frôlent les précipices en quête de réponses, d’ailleurs ou de sens.
Treize nouvelles, autant de petites morts. Avec lucidité et humour noir, l’auteure signe un texte puissant dont le fil rouge est l’exploration de la psyché féminine dans toute sa complexité.

Oscar et la dame rose

Alors que la mort s’en vient, Mamie Rose relit les lettres d’Oscar, un petit garçon atteint d’une leucémie. Avec beaucoup de poésie, la bande dessinée incarne avec beaucoup d’émotions le roman d’Éric-Emmanuel Schmitt. C’est doux tendre, triste et joyeux.

Oscar et la dame rose, adaptation et dialogues de Vincent Zabus, dessins et couleurs de Valérie Vernay, d’après le roman d’Eric-Emmanuel Schmitt
Une mise en images bouleversante, remuante qui joue avec brio sur l’équilibre fragile entre le rêve, le souvenir et l’instant présent.

Alors, oui, il y a pas mal de Dieu et de Jésus, mais finalement, même sans être trop fan, ça passe encore assez bien

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Cher Dieu,
Je m'appelle Oscar, j'ai dix ans. J'ai foutu le feu au chat, au chien, à la maison (je crois même que j'ai grillé les poissons rouges).


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Sur sa terrasse, une douce soirée d'été, Mamie-Rose relit les lettres qu'Oscar a écrites à Dieu. Elle sourit en pensant à ce petit garçon dont elle fut si proche.

« Bonsoir, Mamie-Rose ». La vieille dame relève la tête : « Oscar ? C'est amusant... Je songeais justement à toi. »

La tendresse entre ces deux-là est infinie, l'un exprimant toute sa colère face à l'injustice de la maladie, l'autre camouflant ses sentiments sous sa brusquerie d'ancienne catcheuse.

Oscar et la dame rose ont bouleversé les lecteurs d'Éric-Emmanuel Schmitt. Un classique à redécouvrir !

Alors c’est bien

Une merveille !

Depuis deux ans, le père de Clémentine était malade. Elle raconte ici son père, ses parents, la famille, la maladie, la mort, la cérémonie. Elle raconte l’amour, la famille, les rires et les joies.

Le couple que formaient mes parents, c'est La Promesse de l'aube, de Romain Gary: « On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. » Lorsque j'étais enfant, je n'avais aucun doute sur le fait qu'une fois adulte, je vivrais dans la plus idéale complicité avec quelqu'un qui m'aime sans condition. Tout comme, en voyant les seins identiques et parfaits des danseuses du Crazy Horse à la télévision les soirs de réveillon, j'étais convaincue que, plus tard, j'en aurais de pareils. Pour les seins comme pour l'amour, la vie nous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient pas toujours
Alors c’est bien de Clémentine Mélois
Et c’est drôle et c’est beau

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il faut que je raconte cette histoire tant qu'il me reste de la peinture bleue sur les mains. Elle finira par disparaître, et j'ai peur que les souvenirs s'en aillent avec elle, comme un rêve qui s'échappe au réveil et qu'on ne peut retenir.

Avec ce bleu, j'ai peint le cercueil de Papa.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Bernard Mélois est sculpteur. Il a consacré son existence à souder des figures spectaculaires dans le capharnaüm de son atelier, en chantant sous une pluie d'étincelles. Alors qu'il vit ses derniers jours, ses filles reviennent dans leur maison d'enfance. En compagnie de leur mère, des amis, des voisins, elles vont faire de sa mort une fête, et de son enterrement une oeuvre d'art. Périple en Bretagne pour faire émailler la croix, customisation du cercueil, préparatifs d'une cérémonie digne d'un concert au Stade de France : l'autrice raconte cette période irréelle et l'histoire de ce père hors du commun dont la voix éclaire le récit.

D'une fantaisie irrésistible, Alors c'est bien offre un regard sensible et inattendu sur la perte et la filiation. C'est aussi l'hommage de l'artiste Clémentine Mélois à son père, ce bricoleur de génie qui lui a transmis son humour inquiet, son amour des mots et son vital élan de création.

Pastorius Grant

La première chose qui tape en ouvrant cet album, c’est les couleurs, une palette invraisemblable, surréaliste et virevoltante.

Pastorius Grant de Marion Mousse

Un western avec des indiens et des chasseurs de primes sans scrupules au milieu des forêts et des canyons… Et une petite fille aveugle accompagnée d’un cochon à l’odorat fort développé.

Et une histoire de mort à venger !

Un western brutal à la fin fantastique

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Les traces s'arrêtent là...
Le vieux a dû traverser.
Ben moi, j'te parie que cette vieille carne de Grant est en train d'crever dans un coin !
On peut encore faire demi-tour, frérot !


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Pastorius Grant est un vieux chasseur de primes sans pitié, désabusé et mourant. Alors qu'il tente de capturer un hors-la-loi qui s'est réfugié dans une réserve indienne, il croise la route d'une gamine aveugle et de son cochon. Avant de mourir, son père lui a dit de trouver Grant, et de l'engager pour le venger de son meurtrier... Pour son premier roman graphique chez Dargaud, Marion Mousse a choisi la couleur directe pour retranscrire la beauté formelle de la nature et faire ainsi écho aux tourments de son protagoniste. Un western psychologique intense, brutal, en cinémascope.

- Vous êtes un monstre, Pastorius Grant !
Vous êtes pire qu'un tueur, vous êtes moins qu'un porc !
- C'est vrai... Le genre de type que tu devrais fuir comme le diable.

Jolies ténèbres

Quelle incroyable bande dessinée !?! Je n’en reviens toujours pas. Malaisant, cringe, bizarre, gore, étrange ou indéfinissable ?

Jolies ténèbres de Marie Pommepuy et Fabien Vehlmann, dessins de Kerascoët

Des petits enfants cruels et sans filtres sortent du corps d’une petite fille morte en décomposition au milieu de la forêt. Déjà là, le pitch est curieux.

Le reste est à l’avenant.

Un dessin féerique pour une histoire monstrueuse au message un peu cryptique.

Une réussite désarçonnante

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il arrive
il arrive !
Mais je ne suis pas prête !


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Dans le palais imaginaire de la presque princesse Aurore, le plafond se met soudain à dégouliner, les murs s'effondrent d'eux-mêmes et tous les invités s'en échappent pour ne pas finir engloutis sous des marées nauséabondes. Parce que la demeure d'Aurore n'est rien d'autre qu'une enfant gisant abandonnée dans les sous-bois, sans que quiconque sache ni comment ni pourquoi elle s'est retrouvée là. Au fil des saisons, la minuscule souveraine se démènera pour faire de son monde un conte de fées comme elle en a toujours rêvé, en compagnie de créatures telles que l'Orgueilleuse, ou l'Aventurière, et bien entendu le Prince m'as-tu-vu.

Or, dans cette fable-là, les princesses ne deviennent guère des reines. Et Aurore l'apprendra à ses dépens, lorsqu'il lui faudra prendre de cruelles décisions...
C'est une "Alice au pays des merveilles" de David Lynch, mélange de la poésie de Miyazaki et de l'insolite de Tim Burton, que ce conte noir brodé par Fabien Vehlmann et les Kerascoët.

Envoûtantes autant que morbides, ces "Jolies ténèbres" parues pour la première fois en 2009 font désormais leur entrée chez "Aire Libre" : une réédition à la hauteur de l'ouvrage, qui se voit ainsi couronné par le prestigieux label et prend place à son tour aux côtés des grands noms de la bande dessinée romanesque.

Le parfum des cendres

Sylvain est croque-mort. Il redonne un semblant de vie aux corps dont il scrute les parfums. Mais lui-même est n’est plus trop vivant depuis une quinzaine d’année. C’est alors qu’il croise le chemin d’Alice, qui travaille à un doctorat sur les thanatopracteurs.

Sylvain ouvrit le frigo, en sortit la dépouille du jour soigneusement rangée dans sa housse et la transporta jusqu'à la table de préparation. Il sentit, comme toujours, l'excitation monter en lui au son de la fermeture Éclair glissant entre ses doigts gantés ; l'enthousiasme d'une nouvelle découverte, d'un nouveau voyage dans les profondeurs d'une peau humaine, d'une nouvelle rencontre, intime et éphémère, qui viendrait, comme toutes les autres, nourrir son univers.
De Catherine émanait un délicat parfum floral, à dominante d'iris. Son maintien élégant, soigné, empreint de bon goût bourgeois, son corps resté séduisant en dépit de l'âge et de la maladie, son brushing gris à peine défait [...]
Le parfum des cendres de Marie Mangez

Un joli livre aux milles parfums et à la playlist fournie mais qui fait craindre rapidement à un énième feel-good au dénouement heureux (ou les amitiés et les rencontres pensent les plaies les plus profondes et où l’espoir reste toujours permis)

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Bernadette était allongée, paupières fermées, les bras sagement étendus le long du corps. Au cœur de ses joues sillonnées de rides, légèrement affaissées, on distinguait le creux des fossettes, centres névralgiques d'un visage encore animé par des années de sourire. Visage arborant désormais une expression sereine - Bernadette attendait que l'on s'occupe d'elle, remettant placidement son enveloppe charnelle aux soins d'autres mains que les siennes.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Les parfums sont toute la vie de Sylvain Bragonard. Il a le don de cerner n'importe quelle personnalité grâce à de simples senteurs, qu'elles soient vives ou délicates, subtiles ou entêtantes. Tout le monde y passe, même les morts dont il s'occupe tous les jours dans son métier d'embaumeur.

Cette manière insolite de dresser des portraits stupéfie Alice, une jeune thésarde qui s'intéresse à son étrange profession. Pour elle, Sylvain lui-même est une véritable énigme : bourru, taiseux, il semble plus à l'aise avec les morts qu'avec les vivants. Elle sent qu'il cache quelque chose et cette curieuse impénitente veut percer le mystère.

Doucement, elle va l'apprivoiser, partager avec lui sa passion pour la musique, et comprendre ce qu'il cache depuis quinze ans.

Le vent léger

Le vent léger, c’est l’enfance heureuse, joyeuse et insouciante. La vie qui naît, ensemble, en famille avec une sœur et des frères. La musique des saisons et l’amour qui porte et transporte.

Mon grand-père justement avait répandu toute sa vie cette légende jamais démentie: « Un jour, dans la petite vallée où nous avions notre ferme, le grand char du vent, passant en trombe dans le pacage, a soulevé notre plus grosse vache et l'a déposée sur le toit de la grange. Parce qu'il ne disposait pas d'une grue, mon père a dû grimper là-haut avec sa scie et découper la portion du toit où reposait l'animal. Aussitôt la dernière planche sectionnée, la vache a traversé le grenier à la verticale pour aller lourdement finir sa course dans l'énorme tas de foin aménagé sur le plancher du bâtiment. » Voici ce que j'en pense : ça ne s'est pas passé comme ça. Mais je considère cette histoire merveilleuse comme étant l'origine familiale de notre intérêt pour un usage, disons, poétique de la vie, et pour une certaine refonte du réel appuyée aux ressorts de l'imagination, à sa cause agissante, sa force occulte et morale.
Le vent léger de Jean-François Beauchemin

Et la maladie et la mort qui s’invitent.

Et c’est très beau, même si ça force un peu sur le mélo et le « c’était plus authentique avant »

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Un matin de l'été mille-neuf-cent-soixante-cinq, peu après le passage de la benne à ordures, la verroterie des dernières étoiles a cessé de scintiller, et la nuit noire du monde a majestueusement cédé sa place aux rayons poétiques et très anciens du soleil.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À l’automne de l’année mille-neuf-cent-soixante-et-onze, une famille composée de six enfants délurés et de leurs parents vit une existence paisible à la campagne. La mère, bientôt malade, est l’objet de l’attention tendre et des soins empressés du père et de ces enfants aimants, à la fois graves et légers, introspectifs et expressifs. À leur récit de ce passage obligé par le malheur et le chagrin s’enchevêtrent divers événements ponctuant l’histoire récente du Québec et du monde. Comme si l’aventure humaine n’était en vérité ni petite ni grande, mais jalonnée de faits, de courants et de hasards, tragiques ou frivoles, formant à la fin un collier, ou une chaîne, celle de cette existence dérisoire et merveilleuse que nous traversons tous.

Ubasute

Dans un style très poétique, Ubastute raconte un adieu à la vie.

Un jour, la maison est devenue pleine de toutes les absences. Vide d'enfants, vide d'époux, depuis de trop longues années, vide d'amants de passage dont je m'étais lassée. Vide.
Des traînées de rires et de larmes me font cortège dès le matin et j'ai quelquefois le sentiment que le plus grand risque est de me perdre.
Se perdre dans les placards des souvenirs, se perdre dans le silence immobile des journées pluvieuses, se perdre dans l'air figé des lendemains à inventer.
Ubasute de Isabel Gutierrez

Un livre qui se lit autant pour sa poésie, son rythme et sa douceur que pour son histoire. Une mère en fin de vie, malade, demande à son fils de la prendre sur son dos et de la porter à la montagne pour s’y éteindre.

Un moment pour évoquer sa vie en silence avec son fils.

Un livre plein d’émotions… un peu too much, peut-être

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C'est un jour de très grand vent, un vent de fin d'automne sur la surface de ce monde.
Marie n'en finit pas de rincer son riz blanc.
Depuis ce matin, les branches du cerisier ont commencé à s'entrechoquer dans un bruit de cannes sèches.
C'est son temps.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Marie va mourir. Elle demande à son fils de la porter dans la montagne pour la déposer sous le Grand Rocher. Ce court périple est la dernière chance pour Marie de parler à son fils.

Ce roman autour de l'ubasute, cette tradition ancestrale du Japon qui voulait que l'on abandonne en montagne une personne âgée et malade, brosse le portrait d'une femme lumineuse. C'est un véritable hymne à la vie, à sa beauté et à sa cruauté.