Camiothécaire-biblioneur aux lectures éclectiques. Romans, essais, biographies et autobiographies, récits de voyage, bandes dessinées, nouvelles, chroniques, témoignages… des critiques selon l'humeur
Le Dr Mahé s’ennuie dans sa morne vie. Avec une mère quelque peu autoritaire, une femme un peu absente et des enfants qui ne semblent guère le préoccuper.Le cercle des Mahé de Georges SimenonEt lors de vacances sur l’île de Porquerolles il aperçoit une petite pauvresse en robe rouge…
L’histoire d’une obsession, lente et méthodique qui insidieusement occupe toute la place. Un roman plutôt vide… tout autant que l’esprit du Dr Mahé
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Il fronçait les sourcils ; peut-être, tel un écolier, tirait-il un bout de langue ? Les lèvres boudeuses, le regard sournois, il épiait Gène et s'appliquait à copier ses gestes aussi exactement que possible.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Quand, à trente-cinq ans, le docteur Mahé perd sa mère qui a toujours tout choisi pour lui, il décide de changer de vie, de vivre sans effort, et de retrouver à Porquerolles une adolescente maigre dont l'image hante ses nuits.
Cet homme frustré d'autorité a une idée fixe : se faire aimer d'une petite pauvresse qui lui devrait tout...
On appelait pas encore ça un féminicide, on disait plutôt crime passionnel.Le tunnel de Ernesto SábatoEt c’est avec les yeux de l’assassin que l’on suit le déroulement du drame annoncé. Une effroyable plongée dans les tréfonds d’une âme malade, dans les délires paranoïaques d’un narcissique obsessionnel, dans la chosification de l’aimée et la destruction systématique d’un amour, une jalousie tyrannique et assassine.Une lecture hypnotique, écœurante
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Il suffira de dire que je suis Juan Pablo Castel, le peintre qui a tué Maria Iribarne ; je suppose que le procès est resté dans toutes les mémoires et qu'il n'est pas nécessaire d'en dire plus sur ma personne.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Juan Pablo Castel est artiste peintre et meurtrier. C'est son histoire qu'il va dépeindre depuis sa cellule. Un autoportrait tout en taches sombres, bardé par endroit de couleurs violentes, d'éclairs de lucidité, que ni sa conscience ni les faits ne peuvent contenir. Un autoportrait au fusain, noir et gris, avec du rouge. Ce rouge qui prendra bientôt plusieurs significations, au fil de son témoignage et de sa volonté de se comprendre : le rouge de la passion et le rouge du sang. Car, dès le départ, Juan Pablo Castel nous dévoile tout. Il est l'assassin de la femme qu'il continue à aimer, malgré la mort, plus que sa vie.
Derrière un pseudo roman policier à l'intrigue dévoilée se cache un ouvrage à l'ambition téméraire: nous donner à voir toute la pensée de l'auteur, son humanisme, sa vision du monde moderne, son existentialisme. À la fois réflexion sur la solitude de l'artiste et sur l'incapacité de son personnage à communiquer, cet livre est aussi une touchante mise en écriture de la passion amoureuse, lucide et cruelle. Premier roman de l'écrivain argentin Ernesto Sábato, Le Tunnel fut salué à sa parution, en 1948, comme un ouvrage majeur par Albert Camus et Graham Greene.
Hector Chavez
Séparé en trois parties, la végétarienne ressemble à un conte malaisant duquel personne ne pourrait ressortir indemne.
La première partie raconte une famille coréenne qui bascule autour de Yonghye qui devient végétarienne. Inconcevable ! La végétarienne de Kang HanLa deuxième s’attache plutôt aux fantasmes artistiques du beau-frère sur le corps de Yonghye, et les événements s’enchaînent dans la dernière partie qui la voit sombrer du véganisme à une délirante anorexie devant l’impuissance de sa sœur.
Il reste à la fin de cette troublante lecture, un malaise, une sorte d’impuissance devant le déroulement des événements, la sensation que tout a été pris à l’envers et que personne n’a vraiment compris comment aider Yonghye
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Avant qu'elle ne commençât son régime végétarien, je n'avais jamais considéré ma femme comme quelqu'un de particulier. Pour être franc, je n'avais pas été attiré par elle quand je l'avais vue pour la première fois. Ni grande ni petite, des cheveux ni longs ni courts, une peau jaunâtre qui desquamait, des paupières lourdes, des pommettes un peu saillantes et une tenue aux couleurs ternes qui semblait dénoter un souci de fuir toute marque d'originalité. Chaussée de souliers noirs du modèle le plus simple, elle s'était approchée de la table où je l'attendais, d'un pas qui n'était ni rapide ni lent, ni énergique ni indolent.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) Une nuit, Yonghye se réveille et va au réfrigérateur, qu'elle vide de toute la viande qu'il contient. Guidée par son rêve, elle a désormais un but : devenir végétale, se perdre dans l'existence calme et inaccessible des arbres et des plantes.
Ce dépouillement qui devient le sens de sa vie, le pouvoir érotique, floral de sa nudité vont faire voler en éclats les règles de la société, dans une lente descente vers la folie et l'absolu.
La célébrité rend-elle fou ou faut-il être fou pour la rechercher ?
Célèbre de Maud Ventura
En reprenant pour héroïne une femme obsessionnelle, Maud Ventura réussi à nouveau un gros roman ! Moins drôle et fantasque que Mon mari, mais bien plus réaliste et profond.
L’histoire de Cléo qui, en plus de 500 pages dans un crescendo fascinant, réussi encore à surprendre dans un final hilarant
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) La célébrité est ma vie. Celle que je savais que j'aurais, celle que j'ai fait en sorte d'avoir. Est-ce que j'étais préparée à un tel succès? Bien sûr que oui. J'ai toujours considéré que ce qui m'attendait n'était pas une existence mais un destin. Ma route serait exceptionnelle, ma trajectoire hors du commun.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) La célébrité est ma vie. Est-ce que j'étais préparée à un tel succès ? Bien sûr que oui. » Cléo grandit dans une famille dont elle déplore la banalité. Dès l'enfance, elle n'a qu'une obsession : devenir célèbre. Au fil des années, Cléo saute tous les obstacles qui s'imposent à elle, arrachant chaque victoire à pleines dents, s'entaillant la cuisse à chaque échec. À la surprise de tous, sauf d'elle-même, Cléo devient une star mondiale, accumulant les millions de dollars, les villas à Los Angeles et les récompenses.
Bienvenue dans les coulisses de la célébrité, un monde où règnent l'artifice et l'impunité. Célèbre est le récit d'une ascension féroce, brutale et monstrueuse. Un portrait acide et brillant de notre époque. Addictif.
Après le phénomène de Mon mari (350 000 lecteurs, prix du Premier Roman, finaliste du prix Médicis, et traduit dans le monde entier), Maud Ventura revient avec un deuxième roman explosif et dérangeant sur une obsession contemporaine : la célébrité.
Voilà bien longtemps, j’avais lu ce joueur d’échecs (Schachnovelle), dernier roman de Stefan Zweig publié en 1942 après son suicide. Le joueur d’échecs de David Sala, d’après le roman de Stefan Zweig
Et David Sala a réussi une absolument brillante adaptation en bande dessinée. Et si (en tout cas dans mon souvenir), tous les éléments de l’histoire ne semblent pas s’y retrouver, le Monsieur B. est remarquablement mis en valeur et sa dégringolade est fascinante.
Une adaptation au graphisme superbe qui ne manquera pas de me faire replonger dans l’original
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Regarde ce voyageur...
Lui, il cherche une jolie femme, une belle compagne de traversée.
Comme disait Stendahl : "La beauté est promesse de bonheur.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) 1941. Dans les salons feutrés d'un paquebot en route pour l'Argentine, le champion du monde d'échecs affronte lors d'une ultime partie un aristocrate viennois, dont l'incroyable maîtrise du jeu est née dans l'antre de la tyrannie.
Cette dénonciation poignante et désespérée de la barbarie nazie est le dernier texte écrit par Stefan Zweig avant son suicide.
Régis Jauffret a le don de s’intéresser au pire. Au pire du pire, aux saletés et à la merde. Claustria m’avait choqué et retourné. Là encore, il s’attaque a un indicible.
Dans le ventre de Klara de Régis Jauffret
Enfin… il ne s’y atèle pas directement. Cette fois-ci il s’y prend par la bande, il remonte plus loin pour voir à l’origine des pires travers et (les psy tous en cœur approuveront), quel coupable plus facile et évident que la mère ?
Mais, Régis ne cède pas à la facilité. Si c’est bien dans le ventre de Klara que grandit le futur génocidaire, c’est plus de l’entourage dont il est sujet. Bondieuserie, clergé culpabilisateur, mari abusif et manipulateur (et un peu consanguin…), isolement et rabaissement systématique…
De quoi devenir fou et…
Un livre dans un milieu sale et puant. Terreau fertile pour annoncer pire encore
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) En juillet 1888, aux alentours de la Saint-Jacques, Oncle me fit grosse.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) De juillet 1888 à avril 1889, Klara Hitler porte dans son ventre celui qui est destiné à devenir l'incarnation du mal absolu.
Pour la première fois, la mère du monstre prend la parole sous la plume magistrale de Régis Jauffret, et nous confie le récit de sa grossesse funeste.
Neuf mois de violence et de religiosité étouffante, desquels naîtra celui qui incarnera le nazisme et la Shoah. Neuf mois durant lesquels Klara est traversée, habitée, possédée déjà par l'innommable, partagée entre l'amour pour son enfant à venir et les visions qu'elle reçoit malgré elle des crimes que ce fœtus, une fois devenu homme, commettra contre l'humanité tout entière.
Peu d'auteurs ont su explorer l'indicible avec le génie narratif dont fait preuve Régis Jauffret. Lui seul pouvait faire ce voyage dans les abysses, avec la conscience que seule la littérature peut explorer profondément l'âme humaine.
Raphaël, architecte, dans ce qui ressemble fort à un burn-out ou une grosse crise de la cinquantaine, décide de tout arrêter pour écrire, comme sa femme, écrivaine à petit succès. En panne d’inspiration pour son livre mettant en scène un nazi pétomane, il tombe sur les carnets de sa femme dans lesquels il lit ce qu’il n’aurait jamais dù ! Sa femme a un amant, et bien monté !
Anatomie de l’amant de ma femme de Raphaël Rupert
S’en suit une bonne grosse descente en déprime obsessionnelle, plutôt sexo-drolatico-philo-fantasmatico-masturbatoire
Validé par Beigbeder… Fallait-il le préciser.
C’est bien ?
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) À midi, je suis allé faire un tour et je me suis souvenu de quelque chose concernant les débuts de roman. Plus précisément l'introduction des personnages principaux dans un récit. L'auteur se sent parfois tenu de justifier le choix de l'identité qu'il a réservée à ses personnages.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) À trop fréquenter la littérature, il arrive qu'on tombe dedans. Lecteur invétéré, époux d'une écrivaine nantie d'un petit renom, architecte en rupture de plans, le héros de ce premier roman n'est pas avare de confidences sur son grand projet : écrire un livre, lui aussi. Mais son écran d'ordinateur ne se remplit que d'images qui ralentissent son travail tout en accélérant son flux sanguin... Les affres de la création deviennent de terribles compagnons dont on se distrait d'un poignet actif. Alors, le jour où par ennui ou par dépit, notre homme commet l'incorrection de parcourir le journal intime de sa femme, il en est puni par une découverte qui porte un nom : Léon, et par une révélation : c'est un amant hors normes. Affolé, vexé mais stimulé, il se lance dans une enquête qui a tout d'une quête : pourquoi chez lui sexualité et littérature sont-elles autant liées ? Cet amateur de théories cocasses s'épanche et nous entraîne, l'air de rien, dans la dernière des grandes aventures : celle qui mène à soi
Ariane (mariée, trois enfants) tombe amoureuse du serveur du bar d’en bas. Une passion irrésistible, ingérable, absolue et destructrice.
L’homme que je ne devais pas aimer de Agathe Ruga
Son couple, sa famille, sa santé y survivront-ils ?
C’est juste, impeccable et bien monté. Cette descente aux enfers de la passion (qui a osé dire que ça serait agréable) goûte aussi juste que de l’autofiction (en est-ce ?), mais tout cela m’a tout de même laissé un goût de déjà lu, entendu et revu
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Ce sont toujours les mêmes personnes, les mêmes musiques. Le bois collant du comptoir, les verres qui s'entrechoquent. Je repère les habitués, les saisonniers et la pénombre au fond de la salle, où personne ne va, sauf moi, très tard, quand je ne tiens plus.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « Il y a un an, je suis tombée amoureuse comme on tombe malade. Il m'a regardée, c'est tout. Dans ses yeux, dans leur promesse et ma renaissance, j'étais soudain atteinte d'un mal incurable ne laissant présager rien de beau ni de fécond. Son regard était la goupille d'une grenade, un compte à rebours vers la mort programmée de ma famille. »
Ariane, heureuse en mariage et mère comblée de trois enfants, fait la rencontre de Sandro. Cette passion se propage comme un incendie et dévore peu à peu les actes de sa vie. Ariane est en fuite. L'amour pour son mari, l'attention à son entourage, à la littérature dont elle a fait son métier, sont remplacés par des gestes irrationnels, destinés à attirer l'attention d'un quasi-inconnu. Quels démons poussent Ariane vers cette obsession adolescente ? Quels pères, quels hommes de sa vie ce jeune roi de la nuit ressuscite-t-il ?
Quel humour, quelle découverte, quel bonheur ! Surtout, ne pas en dire trop. Celles et ceux qui l’ont déjà lu savent. Vous, les autres : lisez le !
Mon mari de Maud Ventura
Une femme folle de son mari !
Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente) Je suis amoureuse de mon mari. Mais je devrais plutôt dire : je suis toujours amoureuse de mon mari.
J'aime mon mari comme au premier jour, d'un amour adolescent et anachronique. Je l'aime comme si j'avais quinze ans, comme si nous venions de nous rencontrer, comme si nous n'avions aucune attache, ni maison ni enfants. Je l'aime comme si je n'avais jamais été quittée, comme si je n'avais rien appris, comme s'il avait été le premier, comme si j'allais mourir dimanche.
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) « Excepté mes démangeaisons inexpliquées et ma passion dévorante pour mon mari, ma vie est parfaitement normale. Rien ne déborde. Aucune incohérence. Aucune manie. »
Elle a une vie parfaite. Une belle maison, deux enfants et l'homme idéal. Après quinze ans de vie commune, elle ne se lasse pas de dire « mon mari ».
Et pourtant elle veut plus encore : il faut qu'ils s'aiment comme au premier jour.
Alors elle note méthodiquement ses « fautes », les peines à lui infliger, les pièges à lui tendre. Elle se veut irréprochable et prépare minutieusement chacun de leur tête-à-tête. Elle est follement amoureuse de son mari.
Du lundi au dimanche, la tension monte, on rit, on s'effraie, on flirte avec le point de rupture, on se projette dans ce théâtre amoureux
Fasciné par cette chute invraisemblable, par cette mort absurde, par ce court métrage ahurissant, Étienne Kern a tenté de faire renaître l’histoire de Franz Reichelt.
Les envolés de Étienne Kern
Belle époque et début de l’aéronautique, accidents en pagaille, les pionniers des airs risquent leurs vies sur des engins à la fiabilité toute relative. C’est alors que le prix Lalance de la Ligue aérienne et de l’Aéro-Club de France offre 5000 francs à l’inventeur d’un parachute.
Le 4 février 1912, il s’élance du premier étage de la Tour Eiffel avec un costume-parachute qui ne s’ouvrit pas. Une chute de quatre secondes
4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc) 4 février 1912. Le jour se lève à peine. Entourés d'une petite foule de badauds, deux reporters commencent à filmer. Là-haut, au premier étage de la tour Eiffel, un homme pose le pied sur la rambarde. Il veut essayer son invention, un parachute. On l'a prévenu : il n'a aucune chance. Acte d'amour ? Geste fou, désespéré ? Il a un rêve et nul ne pourra l'arrêter. Sa mort est l'une des premières qu'ait saisies une caméra.
Hanté par les images de cette chute, Étienne Kern mêle à l'histoire vraie de Franz Reichelt, tailleur pour dames venu de Bohême, le souvenir de ses propres disparus.
Du Paris joyeux de la Belle Époque à celui d'aujourd'hui, entre foi dans le progrès et tentation du désastre, ce premier roman au charme puissant questionne la part d'espoir que chacun porte en soi, et l'empreinte laissée par ceux qui se sont envolés