J’ai péché, péché dans le plaisir

S’il m’a été difficile de rentrer dans ce livre (principalement à cause de mon ignorance – et de mon peu de goût pour la poésie), il m’a bouleversé !

J’ai péché, péché dans le plaisir de Abnousse Shalmani
Une biographie croisée qui suit Forough Farrokhzad et Marie de Régnier, vies de passions, de poésie et de liberté.

Mais la liberté est dangereuse.

Merci Abnousse Shalmani. Forough, Marie et Cyrus, je vous ai aimé

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Téhéran, avril 1956
Seul un regard peut enhardir un timide. Celui intense de Forough enflamme instantanément le jeune homme planqué derrière la mince rangée de lecteurs, cigarettes en main, journaux en guise d'éventails sous la chaleur printanière de Téhéran, qui se poussent du coude pour attirer le regard de la poète. Forough, craintive, regarde justement au-delà des volutes de fumée et des initiés qui se regroupent dans l'arrière-salle d'une librairie, pour écouter la poète qui, paraît-il, révolutionne la poésie classique et assume le scandale d'une vie libre, et elle se fixe sur le timide se ratatinant sur son siège, comme sur une échappatoire, un horizon. Il prend ce regard pour lui et se sent capable, se promet-il, de lui adresser la parole - c'est la première fois qu'elle le regarde.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Téhéran, 1955. A la suite d’une lecture de ses poèmes, le regard de Forough Farrokhzad (1934-1967), égérie des milieux littéraires iraniens qui n’a que vingt ans, est accroché par celui d’un jeune homme. Elle s’apprête à repousser les avances de Cyrus, ou la Tortue, comme elle le surnomme, et ignore qu’il va bouleverser son existence. Erudit, francophile, Cyrus lui traduit en persan les poèmes de Pierre Louÿs tout en lui racontant la vie du poète et celle de son grand amour, Marie de Régnier.

A travers celle de Marie, Forough entrevoit la vie dont elle aurait rêvé. Grâcieuse, intelligente, perverse, la fille du grand poète José-Maria de Heredia est une des reines de la très libre Belle Epoque, tout Paris se l’arrache. Elle collectionne amants et maîtresses, publie sans cesse et s’amuse dans les salons les plus prestigieux. La poétesse iranienne, elle, mariée à 16 ans à un artiste sans fantaisie, est bridée par sa famille, son militaire de père et les mœurs de son pays. Tout le monde s’épie, tout se sait. Mais Forough ne sait qu’être libre et provoque scandale sur scandale au fil de la parution de ses recueils. Elle célèbre la chair, la vie, l’émancipation et ne se renie pas. Toute son existence, Forough cheminera avec l’histoire de Marie de Régnier et de Pierre Louÿs au cœur, au point de venir à Paris avec Cyrus, sur les traces des deux amants et de leur cohorte d’amis, Claude Debussy, Marcel Proust, Léon Blum, Liane de Pougy et Nathalie Clifford-Barney. Sa mort tragique, à 32 ans, mettra un terme à son œuvre d’une immense intensité, qui en fait sans aucun doute la plus grande poétesse de l’Iran contemporain.

Dans ce roman puissant et subtil, au rythme effréné, Abnousse Shalmani met en regard les vies extraordinaires de ces deux écrivaines qui firent toujours le choix de la passion, amoureuse, poétique ou purement sensuelle, au risque de s’en brûler les doigts. Une ode très contemporaine à la liberté artistique et à celles qui ne renoncent jamais, en Occident comme en Orient.

Le tunnel

« ... en tout cas, il n'y avait qu'un tunnel, obscur et solitaire : le mien. »On appelait pas encore ça un féminicide, on disait plutôt crime passionnel.

 - Maria m'a beaucoup parlé de votre peinture. Comme je ne suis devenu aveugle que depuis quelques années, je peux encore imaginer assez bien les choses.
On aurait dit qu'il voulait s'excuser de sa cécité. Je ne savais plus quoi dire. Comme il me tardait de me retrouver seul dans la rue pour essayer de comprendre tout cela !
Il sortit une lettre de sa poche et me la tendit.
 - Voici la lettre, dit-il avec simplicité, comme s'il n'y avait là rien d'extraordinaire.
Je pris la lettre et allais la mettre dans ma poche quand l'aveugle ajouta, comme s'il avait vu mon geste :
- Je vous en prie, lisez-la. Encore que, venant de Maria, il ne doit rien y avoir d'urgent.
Je tremblais. J'ouvris l'enveloppe, tandis qu'il allumait une cigarette après m'en avoir offert une. J'ouvris la lettre ; il n'y avait qu'une seule phrase :
Moi aussi je pense à vous.
Maria
Le tunnel de Ernesto Sábato
Et c’est avec les yeux de l’assassin que l’on suit le déroulement du drame annoncé. Une effroyable plongée dans les tréfonds d’une âme malade, dans les délires paranoïaques d’un narcissique obsessionnel, dans la chosification de l’aimée et la destruction systématique d’un amour, une jalousie tyrannique et assassine.Pendant les jours passés à attendre sa lettre, mon esprit fut comme un explorateur perdu dans un paysage de brouillard: ici et là, à grand-peine, j'arrivais à distinguer de vagues silhouettes d'hommes et de choses, des contours incertains de périls et d'abîmes. Quand je reçus sa lettre, ce fut comme si le soleil avait percé.
Mais ce soleil était un soleil noir, un soleil nocturne. Je ne sais si on peut dire cela, mais bien que je ne sois pas écrivain et ne sois pas sûr d'employer le mot exact, je ne retirerais pas le mot nocturne ; ce mot était sans doute celui qui convenait le mieux à Maria, parmi tous ceux qui forment notre langage imparfait.Une lecture hypnotique, écœurante

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il suffira de dire que je suis Juan Pablo Castel, le peintre qui a tué Maria Iribarne ; je suppose que le procès est resté dans toutes les mémoires et qu'il n'est pas nécessaire d'en dire plus sur ma personne.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Juan Pablo Castel est artiste peintre et meurtrier. C'est son histoire qu'il va dépeindre depuis sa cellule. Un autoportrait tout en taches sombres, bardé par endroit de couleurs violentes, d'éclairs de lucidité, que ni sa conscience ni les faits ne peuvent contenir. Un autoportrait au fusain, noir et gris, avec du rouge. Ce rouge qui prendra bientôt plusieurs significations, au fil de son témoignage et de sa volonté de se comprendre : le rouge de la passion et le rouge du sang. Car, dès le départ, Juan Pablo Castel nous dévoile tout. Il est l'assassin de la femme qu'il continue à aimer, malgré la mort, plus que sa vie.

Derrière un pseudo roman policier à l'intrigue dévoilée se cache un ouvrage à l'ambition téméraire: nous donner à voir toute la pensée de l'auteur, son humanisme, sa vision du monde moderne, son existentialisme. À la fois réflexion sur la solitude de l'artiste et sur l'incapacité de son personnage à communiquer, cet livre est aussi une touchante mise en écriture de la passion amoureuse, lucide et cruelle. Premier roman de l'écrivain argentin Ernesto Sábato, Le Tunnel fut salué à sa parution, en 1948, comme un ouvrage majeur par Albert Camus et Graham Greene.
Hector Chavez

Frida ou la quête insensée d’un romantique moderne

Il serait de bon ton de sourire d’un livre un peu cucul sorti d’une maison d’auto-édition narrant les déboires d’un quarantenaire sur Tinder et Meetic…

Et pourtant, tout cela sonne tellement authentique, si humain, pathétique et consternant d’humanité, même!

L'écrivain Paulo Coelho croyait aux signes. C'était fou ce que cet écrivain était populaire. Lui et son Alchimiste revenaient souvent sur le devant de la scène sur Meetic. Fatou m'avait acheté le bouquin au début de notre relation. J'en avais entendu parler comme le livre qui reprenait en toile de fond un album du Père Castor de 1940, Le beau chardon d'Ali boron, un âne... Je m'étais tout de même fait un devoir de le lire. Sur un plan littéraire, je le trouvais très mauvais, mais peut-être était-il mal traduit. La philosophie du livre reposait sur un mélange syncrétique de religions et de croyances diverses. Nous aurions par exemple tous une moitié. En ce qui me concernait, je ne croyais pas au mythe d'Aristophane. Mais en admettant que ce fut vrai, comment la retrouver parmi plus de sept milliards d'êtres humains de par le monde ? Et si ma moitié était une jeune indienne du Bihar, pauvre et lépreuse ? J'aurais l'air malin. Sans compter qu'elle pouvait très bien vivre à une autre époque ou ne pas encore être née. Je pensais plutôt que dans la vie, je pouvais rencontrer quelques personnes avec lesquelles l'amour pouvait être possible, à un moment donné, pour un temps déterminé, voire pour toute la vie.
Frida ou la quête insensée d’un romantique moderne de Timéo Arbakan
Julien à la recherche de l’amour sur Internet.

Et c’est drôle ! Certes les clichés y sont légion, mais toutes les romances ne se ressemblent-elles pas dans cette quête surréaliste du grand bonheur ?

Un livre où les peurs et les douleurs crient leur besoin d’amour

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Je pourrais faire remonter le début de cette histoire la veille de Noël, sur Meetic.
24 décembre
Bonjour,
Votre portrait me séduit. Mais est-ce réciproque ? Concernant la taille minimum requise, je vais être obligé de marcher sur la pointe des pieds! ;) Quant à l'âge, je vous rassure, j'ai signé un pacte avec le diable ;)
Au plaisir de vous lire,
Julien
P.-S.: et joyeux Noël!


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Célibataire parisien et dépendant affectif, Julien se lance dans une quête éperdue et obsessionnelle sur les sites de rencontres pour trouver l’âme sœur. Ses errements de « romantique sexuel » l’amènent à croiser la route de toute une galerie de personnages féminins plus ou moins déroutants, en particulier Frida, une femme insolite, exubérante et écorchée vive. Leur rencontre va très vite dégénérer en un jeu du chat et de la souris tragi-comique à l’issue d’abord incertaine puis inattendue.

Les suicidés

Juliette est aussi indolente qu’Émile est nerveux. Elle fugue avec lui à Paris. Pourquoi ? L’aime-t-elle ? … peut-être ne le sait-elle même pas vraiment.

Le patron le reconnut, questionna :
 - Un rhum ? 
 - Deux. Et de quoi écrire. 
Il n'y avait qu'une table, dans un coin. Il y installa sa compagne, devant une feuille de papier, et dicta : 
« Mes chers parents, Ne me faites pas rechercher. Je suis heureuse. Si on essayait de me ramener à la maison, je me tuerais... »
Elle écrivit, sans le regarder. Il frémissait. Chaque mot tracé sur le papier était une nouvelle victoire. Il eut une inquiétude, la dictée finie, quand il vit la plume s'abaisser à nouveau sur la feuille. « Pardon, papa », ajouta-t-elle.
Les suicidés de Georges Simenon
Un roman dur plutôt psychologique sur l’échappée à Paris de deux jeunes maladroits.« C'est sa faute ! » se disait Bachelin en se faufilant entre les ménagères qui entouraient les petites charrettes où s'entassaient, dans un soleil fluide, des légumes acides et des fruits fragiles comme le précoce printemps. 
Le regard rempli des images bariolées de la rue, il corrigeait aussitôt : 
« En tout cas, ce n'est pas la mienne ! »Le 11e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Juliette traversa la rue à pas précipités, comme elle le faisait chaque soir en quittant Bachelin, et déjà, avec des gestes que la peur rendait maladroits, elle fouillait son sac à main, atteignait le seuil, faisait cliqueter la clef contre la serrure.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Juliette parle peu. Elle a le regard fixe et se laisse emmener. Elle n'a jamais dit "Non !". Ni à sa mère trop effacée ni à son père qui la couve d'un amour sans génie. Dès lors, pourquoi ne pas suivre le jeune Émile Bachelin ? Pourquoi ne pas prendre le train ?

En cas de malheur

Quel fascinant Simenon ! Quelle claque !

Moi qui avait mangé tous les Maigret, commissaire asexué, placide observateur des années 30 à 70 en France… Bonhomme au regard détaché devant la petitesse humaine. Témoin d’une époque patriarcale et bien pensante.

Ce qui me surprend, moi, je le confesse, ce qui me trouble, c'est que Mazetti soit amoureux d'Yvette, et j'ai tendance à croire que, sans moi, il ne s'en serait guère préoccupé.
Si un jour on lit les pages de ce dossier, on re- marquera que je n'ai jamais encore écrit le mot amour, et ce n'est pas par hasard. Je n'y crois pas. Plus exactement, je ne crois pas à ce qu'on appelle généralement ainsi. Je n'ai pas aimé Viviane, par exemple, si bouleversé que j'aie été par elle à l'époque du boulevard Malesherbes. Elle était la femme de mon patron, d'un homme que j'admirais et qui était célèbre. Elle vivait dans un monde bien fait pour éblouir l'étudiant pauvre et fruste que j'étais encore la veille. Elle était belle et j'étais laid. De la voir me céder, c'était un miracle qui me gonflait tout à coup de confiance en moi-même et en mon destin.
Car je comprenais déjà ce qui l'attirait en moi : une certaine force, une volonté inflexible à laquelle elle faisait confiance.
Elle a été ma maîtresse. Elle est devenue ma femme. Son corps m'a donné du plaisir, mais n'a jamais hanté mes rêves, n'a jamais été autre chose qu'un corps de femme, et Viviane n'a pris aucune part à ce que je crois le plus important de ma vie sexuelle.
Je lui étais reconnaissant de m'avoir distingué, d'avoir accepté, pour moi, ce que je considérais encore comme un sacrifice, et ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai soupçonné la vérité sur ce que, de son côté, elle appelait son amour.
En cas de malheur de Georges Simenon

Et là, voilà que l’auteur se lâche dans une sorte de confession à peine déguisée (ou me trompé-je tant ?). Lui, l’homme qui se vantait d’avoir connu plus de dix mille femmes (pour la plus part prostituées), le voilà qui nous propose paroles d’un homme épuisé par sa maîtresse (jeune prostituée qu’il a sauvée du trottoir), les convenances, son travail, son épouse et ses obligations sociales.Demain, il est possible que je pense et écrive le contraire, mais j'en doute.
Yvette, comme la plupart des filles qui m'ont ému, personnifie pour moi la femelle, avec ses faiblesses, ses lâchetés, avec aussi son instinct de se raccrocher au mâle et de s'en faire l'esclave.
Je me souviens de sa surprise et de son orgueil, le jour où je l'ai giflée et, depuis, il lui est arrivé de me pousser à bout dans le seul but de me voir recommencer.
Je ne prétends pas qu'elle m'aime. Je ne veux pas de ce mot-là.
Mais elle a renoncé à être elle-même. Elle a remis son sort entre mes mains. Peu m'importe si c'est par paresse, par veulerie. C'est son rôle et je vois, peut-être naïvement, un symbole dans la façon dont, après m'avoir demandé de la défendre, elle a ouvert ses cuisses sur le coin de mon bureau.
Que, demain, je l'abandonne, elle redeviendra, dans les rues, une chienne errante à la recherche d'un maître.

Plongée dans la France des années cinquante, gros plan sur les fantasmes et la vision des hommes sur les femmes ! Fascinante, répugnante, hypnotique. Témoignage presque attendrissant d’un homme pris au piège de… de qui ? Fallait-il vous plaindre, Georges ?

Et que dire de l’immonde fin ? Oui, témoignage d’une époque qu’on souhaiterait tant révolue !

Un odieux livre indispensable

Le 86e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il y a deux heures à peine, après le déjeuner, dans le salon où nous venions de passer pour prendre le café, je me tenais debout devant la fenêtre, assez près de la vitre pour en sentir l'humidité froide, quand j'ai entendu derrière moi ma femme prononcer :
- Tu comptes sortir cet après-midi?


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Les femmes, Lucien Gobillot les connaît : à quarante-cinq ans, et bien que marié, cet avocat à la carrière brillante, due à un mariage ambitieux et à quelques complaisances, multiplie les aventures sans lendemain. Tout change lorsque Yvette accusée d'agression contre un vieil horloger, fait irruption dans son cabinet, prête à le payer de ses charmes. L'avocat parvient à la faire acquitter. Commence alors une histoire amoureuse qui va l'entraîner plus loin qu'il n'eût voulu aller, dans une aventure où surgiront la menace...

Le mal joli

L’histoire d’une passion. Mais la grosse passion, celle qui emporte tout. Celle où la douleur côtoie l’extase. La passion adultère, celle qui ne peut vivre ni mourir.

Quand je dis ça, je ne suis pas en train de soutenir qu'il faille prendre pitié des femmes et des hommes adultères. Ça ne viendrait à l'idée de personne, pas même aux gens qui l'ont vécu. Mais je dis qu'il existe dans cette existence humaine des drames qui se promènent déguisés en miracles, et il est étrange que ce drame que nous sommes tant à partager ne soit compris par pratiquement personne, que nous nous trouvions toujours seuls face à l'abîme de nos pensées, seuls comme face à un deuil, à la maladie, et que personne n'ait jamais pensé à réunir les gens atteints de cette affliction sous un même toit, deux fois par semaine, pour vider leurs poches pleines de considérations terribles, où se dissolvent les enfants, les responsabilités, le sens commun.
Le mal joli de Emma Becker

Un livre que j’ai lu en me demandant comment il allait se terminer – on le sait bien, les histoires d’amour finissent mal. Faudra-t-il un second tome me demandais-je en voyant la fin approcher ?

Un jour, je ne saurai plus mentir. Tout le reste de mon existence s'adaptera à mon amour pour Antonin et je n'aurai qu'à hausser les épaules. Parce que c'est ça, la vie : c'est la matière devenue folle.

Une autofiction forcément impudique dans laquelle Emma Becker nous vend ses talents d’amante tout en peignant un tableau au réalisme cru. Celui d’un amour interdit, torture divine auto-infligée.

Et que celles et ceux qui n’ont jamais vécu telle passion gardent leur pierre pour s’en frapper au soir de leur mort

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Il me semble a posteriori que tout allait bien lorsque j'ai rencontré Antonin pour la première fois. C'est déjà faire preuve de relativisme m'aurait-on posé la question ce soir-là, cafardeuse et assommée d'herbe comme je l'étais, j'aurais eu un sourire triste et répondu qu'on m'avait déjà enculée plus aimablement.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Pendant combien de temps peut-on supporter deux amours inconditionnelles ? Pendant combien de temps une femme peut-elle vivre écartelée entre une passion amoureuse et un amour absolu pour ses enfants ?

Dans ce nouveau roman, Emma Becker regarde en face et dévoile sans complaisance les moments les plus dangereux, les plus intenses et les plus beaux d'une vie.

Elle ausculte ici le mal joli, cette traversée des plaisirs incandescents et des peines inavouables qui scandent un amour interdit. Et elle nous conte cette histoire d'amour, ou plutôt nous la fait vivre en temps réel, durant un printemps, un été et un automne.

Trois saisons privée des siens auprès de l'homme qu'elle aime, privée de lui auprès des siens.
Trois saisons dans la vie d'une femme.
Trois saisons d'extase et de déchirement.

Emma Becker va encore plus loin dans l'écriture de l'intime et jamais elle ne nous avait tendu un miroir aussi universel.

Sauvage

Sauvage, c’est l’histoire d’une femme à la cuisine. Mais attention, pas de confusion ! Forte et maîtresse de sa destinée dans un restaurant romain.

Trois années étaient passées comme ça. Ma mère butée et furieuse, Matilda grandissant, mon père au sommet de son art, et Cassio et moi dans la cuisine bourdonnante, à se brûler les doigts. Antipasti, primi piatti, secondi piatti, dolci. Carciofi alla romana, pasta all'amatriciana, pasta alla carbonara, têtes d'agneau au four, cacio e pepe, coda alla vaccinara, tarte à la ricotta du Haut Latium, agneau de lait à la romaine, salade de puntarelle aux anchois. L'ivresse du travail qui nous réunissait tous les trois comme un culte. Le feu bleu des gazinières. Les hurlements.
Sauvage de Julia Kerninon

Mais aussi une femme qui se cherche, bousculée par sa passion, ses amours, sa famille et son désir.

J'étais entrée dans le restaurant de Cassio, il avait goûté la cuillerée que je lui avais tendue, il avait avalé, et il avait souri d'un sourire immense. Il avait dit « C'est fabuleux, Ottavia. Fabuleux. Qu'est-ce que c'est ? » L'espace d'un instant suspendu, tout avait paru si simple. Je nous avais vus continuer comme nous étions, nos deux appartements, nos habitudes, nos convictions, nos souvenirs, j'avais pensé aux derniers jours, à combien il m'avait manqué à Paris, à tout ce qu'il était le seul à savoir sur moi, tout ce que j'étais la seule à savoir sur lui et continuer avait semblé possible. Mais la seconde d'après je m'étais entendue dire à voix haute « C'est toute ma colère contre toi, Cassio. C'est terminé, cette fois. »

Une ode à la cuisine romaine portée par une femme décidée et qui, malgré ses doutes, prend sa vie en main.

Magnifique !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C'est le matin à Rome. Quelques heures plus tôt, je me suis réveillée à côté de Bensch, il m'a embrassée, et puis les voix cristallines des enfants se sont élevées dans les chambres, le jour s'est ouvert. J'ai filé dans la salle de bains, je me suis lavé les cheveux, je les ai séchés, attachés en chignon. J'ai passé une robe noire et des collants, j'ai mis de la crème, du mascara, du rouge à lèvres, des boucles d'oreilles.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
À Rome, Ottavia Selvaggio a décidé à quinze ans d'être maîtresse de son destin. Ni ses histoires d'amour, ni le mariage, ni même la maternité ne la font dévier de sa route. Pendant que son mari s'occupe de leurs enfants, elle invente dans son restaurant une cuisine qui ne doit rien à personne.

En robe noire et sans frémir, Ottavia avance droit, jusqu'au jour où un homme surgit du passé avec un aveu qui la pousse à douter de ses décisions. Comment être certaine d'avoir choisi sa vie ?

Le désir a-t-il une fin ?

24 heures de la vie d’une femme

Je conserve un souvenir émerveillé de la nouvelle de Stefan Zweig et pourtant trop flou pour évaluer la qualité de cette adaptation. En dehors de toute comparaison, donc, c’est un album rythmé, aux mille couleurs et au dessin très pop et flatteur.

24 heures de la vie d’une femme de Nicolas Otero, d’après le roman de Stefan Zweig

C’est peut-être juste ici que je me sens un peu gêné. Mon souvenir – si vague soit-il – était plus sépia et moins criard.

Et cette histoire magnifique et pleine de passion ainsi réactualisée avec un rendu rajeuni et très tonique m’a quand même laissé un peu… dubitatif

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Résidence Casa Blanca,
La Jolla, Côte californienne.
De nos jours.
Clarissa !!!
Clarissaaa !!!


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Cette scène était si bouleversante que j'eus honte de me trouver là. Malgré moi je me détournai, gênée d'avoir vu, comme au balcon d'un théâtre, le désespoir d'un inconnu ; mais soudain cette angoisse incompréhensible qui était en moi me poussa à le suivre. Vite, je me fis donner mon vestiaire et sans penser à rien de précis, tout machinalement, tout instinctivement, je m'élançai dans l'obscurité, sur les pas de cet homme. »

Western

Bousculé par la narration, l’écriture et le style (enfin… tout ça quoi), j’ai eu de la peine à entrer et à rester en lien avec ce western. Mais quel livre marquant !

J'entends par western un endroit de l'existence où l'on va jouer sa vie sur une décision, avec ou sans désinvolture, parce qu'il n'y a plus d'autre sens à l'existence que l'arbitraire. C'est un lieu assez nu, on s'y rend au sens du verbe « se rendre ». L'autre y est un décor et le temps dilaté. Le western se fout de son temps et de faire avec, il va contre. Ne coïncident plus l'homme et le manque mais l'homme et la plaine.
Quelque chose précède toujours le western: une logique violemment personnelle et dérisoire, vouée à finir, faite d'ordre et de ville, de liens et d'habitudes. Et de dettes.
Western de Maria Pourchet

Un western moderne, sans gentils ni méchants. En tout cas un espace où il est facile de glisser de l’un à l’autre et selon quels critères, d’ailleurs ?
Alexis ? Un féministe à encenser, salopard que #metoo a trop tardé à crucifier, un homme célèbre qui en a profité sans y voir malice ?
Ou n’est-ce que le roman de notre époque ?

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Cela commence à Paris, au théâtre, sur la scène, au centre et au fond, dans l'humeur et l'impatience. Le théâtre c'est comme une mine, un volcan ou une fille. Tout se passe dans le ventre.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« J'entends par western un endroit de l'existence où l'on va jouer sa vie sur une décision ».
Éternelle logique de l'Ouest à laquelle se rend le célèbre comédien Alexis Zagner quand, poussé par l'intuition d'un danger, il abandonne un rôle mythique - Dom Juan - et quitte brusquement la ville, à la façon des cow-boys. Quelles lois veut-il laisser derrière lui ? Qu'a-t-il fait pour redouter l'époque qui l'a pourtant consacré ? Et qu'espère-t-il découvrir à l'ouest du pays ? Pas cette femme, Aurore, qui l'arrête en pleine cavale et semble n'avoir rien de mieux à faire que le retenir et percer son secret.
Tandis que dans le sillage d'Alexis se lève une tempête médiatique qui pourrait l'emporter, un face à face impudique s'engage entre les deux exilés. Dans ce roman galopant porté par une écriture éblouissante, Maria Pourchet livre, avec un sens de l'humour à la mesure de son sens du tragique, une profonde réflexion sur notre époque, sa violence, sa vulnérabilité, ses rapports difficiles à la liberté et la place qu'elle peut encore laisser au langage amoureux.

Une femme simple et honnête

Un premier roman vertigineux, terrible et sensuel !

En virtuose, Robert Goolrick dévoile une femme superficielle d’une grande profondeur ainsi qu’un homme richissime rongé par les regrets et les remords dans un poker menteur où personne ne semble pouvoir (ou même vouloir) gagner.

« Il est des choses auxquelles on échappe, pensa-t-il. Mais contre la plupart d'entre elles on ne peut rien, et le froid en fait partie. On n'échappe pas à ce qui est écrit pour nous, surtout au pire. La perte de l'amour. La déception. Le fouet aveugle de la tragédie. »
Une femme simple et honnête de Robert Goolrick

L’histoire de vies perdues, comme cela arrive.

Étourdissant et magistral !

Il faut lire Robert Goolrick !

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le froid était glacial, l'air électrique, chargé de tout ce qui allait advenir. Le monde se tint en arrêt, à quatre heures pile. Rien ne bougeait, nulle part, pas un corps, pas un oiseau ; une seconde durant, il n'y eut que le silence et l'immobilité. Des silhouettes gelées sur la terre gelée, hommes, femmes et enfants.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Que vaut une relation qui commence par un mensonge ?
Winsconsin, automne 1907. Ralph Truitt, magnat local, craint et respecté, attend, fébrile, sur un quai de gare enneigé. Ce train en retard renferme son dernier espoir. Après vingt ans de veuvage, l'homme a enfin décidé de se remarier et a placé, plusieurs mois auparavant, une petite annonce dans un journal de Chicago. Et Catherine Land a répondu.
Se décrivant comme "une femme simple et honnête", elle est celle qu'il appelait de tous ses vœux. Mais les apparences peuvent être très trompeuses. Et l'épouse modèle cacher bien des secrets...