Ce recueil de nouvelles commence en force avec cette allumeuse, une petite fille abusée par le bedeau de l’église. Et malgré une fin un peu curieuse, voilà une fort belle façon de commencer (si, si !).
La suite, même s’il s’agit souvent de brèves histoires de femmes fortes et de la rue Balzac de Montréal-Nord (pas vraiment le meilleur quartier, semblerait-il), m’a moins parlé, avec des thématiques moins puissantes des scénarios moins poussés…
Un petit zut, donc, pour ce livre qui avait si bien commencé.
Allez, un double pouce en l’air pour la très touchante Enfance de petit Frigo (qui m’a un peu rappelé la brillantissime BD Cabot-Caboche en version chaton) et le drôlissime Préavis de décès !
Montréal-Nord n'est vraiment pas l'arrondissement le plus excitant de la ville de Montréal. Je le sais, j'y ai vécu les dix-huit premières années de ma vie avant de décamper. Tante Henriette a fini par me mettre à la porte de son appartement de la rue des Chrysanthèmes parce que j'étais soi-disant ingérable. Peut-être bien que les gangs de rue ont ajouté de la couleur aux environs, mais à cette époque, à la fin des années 70, c'était le calme plat, plus que plat. Nous pouvions jouer dans la rue sans risquer de nous faire frapper par une voiture tant il en passait rarement sur Balzac, et escalader l'hiver les montagnes de neige qui dentelaient le bord des trottoirs.
Voici des histoires comiques et venimeuses où se succèdent les mères égoïstes et les pères absents, les minets et les marmots, et, surtout, les pécheresses tristes et les femmes vampires qui séduisent les hommes pour les réduire en poupées de chiffon. Car les héroïnes de Suzanne Myre sont puissantes. Ce sont des battantes qui n’hésitent pas à mettre le monde à feu et à sang pour se faire justice. Pourtant, aucune d’elles n’est un démon. Elles sont même gentilles, au fond. Mais elles ne veulent plus qu’on les blesse. Il y a, au cœur de ces récits, une profondeur bouleversante. Une complexité, une introspection, une tendresse qui désemparent et qui persistent longuement après la lecture. Dans L’ALLUMEUSE, l’écriture de Suzanne Myre se fait touchante comme jamais.
Par ailleurs, l’auteure nous y fait visiter le quartier de son enfance : Montréal-Nord, un lieu bigarré auquel la littérature ne s’intéresse jamais. La paroisse Saint-Vincent-Marie-Strambi, la polyvalente Calixa-Lavallée, le boulevard Industriel deviennent le théâtre de cent douleurs et rires grinçants. C’est là un livre fabuleux où les personnages rêvent indifféremment d’assassinats et de hamburgers chez Dic Ann’s. Bref, en douze histoires et un préavis de décès, L’ALLUMEUSE célèbre les têtes brûlées qui mettent le feu aux poudres.