A la suite des cahiers préparatoires Baudelaire, voici l’impressionnant résultat. Un chef-d’œuvre aux dessins oniriques et érotiques avec quelques pleines pages époustouflantes ! Une histoire qui a gagné en consistance et cohérence, un dessin qui a pris encore plus de force et de matière et des personnages plus incarnés et vivants dans une époque plus réaliste.
Un résultat beaucoup plus sexuel que les cahiers – en tout cas dans la première partie – pour terminer dans une sombre torpeur.
Une histoire racontée par Jeanne Duval, Vénus noire adorée et détestée, muse sulfureuse. Une passion violente ; sous le regard réprobateur de la mère de Charles, l’aigre Madame Aupick.
Et si quelques pages un peu moins folles ou une typo un peu lassante m’ont chagriné, cette Madame Baudelaire témoigne magnifiquement de la puissance d’un embrasement venimeux qui ne sut s’éteindre
Madame Aupick,
À vous, je peux le dire qui me demandez qui je suis.
Mais, au risque de paraître orgueilleuse,
aucun lecteur des Fleurs du mal n'oubliera
la Vénus noire de Charles Baudelaire,
la muse immorale, damnée du plus grand des poètes maudits.
Oui, c'est moi, la belle ténébreuse, cette chère
indolente, qui marche en cadence, belle d'abandon,
comme un serpent qui danse...
Deux cents ans après sa naissance, Baudelaire continue de marquer les générations et l'ombre portée de son (oeuvre plane sur celle d'Yslaire depuis ses origines.
C'est Jeanne Duval, la femme que le poète a le plus aimée et le plus maudite, que le dessinateur a choisie comme narratrice pour revisiter la matière sulfureuse et autobiographique des Fleurs du mal. De Jeanne, pourtant, on ne sait presque rien : il reste une photo de Nadar non authentifiée, des portraits dessinés par Baudelaire lui-même, et surtout les poèmes qu'elle lui a inspirés. Jeanne, « c'est l'invisible de toute une époque » qui réapparaît dans la résonance féministe de la nôtre. Stigmatisée comme mulâtresse, surnommée « Vénus noire », elle aimante tous les préjugés d'un siècle misogyne et raciste. Mais c'est avant tout une histoire d'amour, âpre et sensuelle, destructrice et illuminée, dont s'empare Bernard Yslaire. Avec pertinence et maestria, son trait aiguisé ravive le parfum de scandale et la sexualité crue d'une poésie en quête d'absolu. Avec cette Mademoiselle Baudelaire, l'artiste signe ici son chef-d'oeuvre de la maturité.