Il pleut bergère

Simenon a regardé tomber la pluie bergère par la fenêtre un peu comme Hergé avait recherché les bijoux de la Castafiore. Une histoire construite autour de pas grand chose, un suspense vide, un soufflé tenant juste le temps du service. Un exercice de style en creux.

J'ai été gratifié, ce matin-là, d'un réveil aérien, un de ces réveils qui vous imprègnent de joie pour toute la journée. Encore fort avant dans le sommeil, à peine conscient du tambourinage d'une pluie fine sur les toits de zinc, un frôlement plutôt, comme la vie d'un nid de souris qu'on perçoit dans l'épaisseur d'un mur, je retrouvais confusément la promesse d'un jour exceptionnel. Mais cette promesse, je ne mettais aucune hâte à la préciser. Je me couvrais frileusement, au contraire, de toutes les bribes de sommeil que je pouvais ramener à moi.
Il pleut bergère de Georges Simenon

Oui, ça fonctionne presque et c’en devient même fascinant, hypnotique. On regarde avec Jérôme cette pluie noire avec attention, on la sent même sur la peau, pesante, froide, oppressante. Autant que la repoussante tante Valérie.

Mais quand même un peu vide, non ?

Le 42e roman dur de Simenon

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'étais assis par terre, près de la fenêtre en demi-lune, au milieu de mes petits meubles et de mes animaux. Mon dos touchait presque l'énorme tuyau de poêle qui, venant du magasin et traversant le plancher, allait se perdre dans le plafond après avoir chauffé la pièce. C'était amusant car, quand le feu, en bas, ne ronflait pas, le tuyau conduisait le son et j'entendais distinctement tout ce qui se disait.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Quand il avait sept ans, Jérôme passait toutes ses journées à la fenêtre, regardant le spectacle de la rue. Dans la maison en face de la sienne il y avait un petit garçon, Albert, qui, lui aussi, était toujours à sa fenêtre. Une grande sympathie naquit entre les deux enfants et Jérôme peu à peu découvrit le secret de son petit voisin. Le père de celui-ci était un assassin recherché par la police et dont la tête était mise à prix. Et, de sa fenêtre, Jérôme put voir la police resserrer lentement son étreinte et finalement arrêter le père du petit garçon qui, comme lui-même, regardait toujours à sa fenêtre.

Les princesses aussi vont au petit coin

Les bandes dessinées de Chabouté se remarquent souvent par leur traitement monochrome en aplats noir-blanc et par la prédominance de l’image sur le texte.
Des albums superbes aux rythmiques et plans variés.

Les princesses aussi vont au petit coin de Chabouté

Là encore, c’est très beau… mais très noir !

Une histoire un peu abracadabrante de chasse à l’homme dans une conspiration mondiale. Pas forcément convaincante, mais prenante et tendue avec une mise en abyme finale un peu surprenante mais… bah ! Pourquoi pas.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Ce type étrange, sorti de nulle part, qu'ils prennent en auto-stop… cet individu, inquiet, agité et armé, qui leur indique maladroitement la route à l'aide du canon de son pistolet… Ce vieil alcoolique qui veut jouer aux Lego… Les autoroutes truffées de caméras, les cigarettes, toujours ces satanées cigarettes, un soi-disant pouvoir occulte, Merlin l'enchanteur, un chauve qui court à tort et à travers, cette manie de toujours vouloir éviter la foule, ce paquebot garé là, en plein milieu du chemin... Et les princesses dans tout ça ?
Chabouté nous livre ici une histoire où, non content de le tenir en haleine, il prend un malin plaisir à désorienter, égarer et embrouiller le lecteur. Un récit déconcertant où tout est sens dessus-dessous et rien n'est à sa place… 112 pages d'un bazar réglé comme du papier à musique, un grand n'importe quoi raconté avec une rigueur et une précision implacables...

Mr. Brown

Pour son deuxième roman, Agatha Christie avait déniché deux jeunes désœuvrés, Quat’sous et Tommy pour un roman d’espionnage et d’enquête au rythme endiablé.

 - Commencerons-nous : jeune homme sans emploi, au cœur sensible.
 - Par exemple !
 - Comme vous voudrez. Mais ça pourrait toucher une vieille fille qui vous adopterait illico, avant que vous n'ayez eu le temps de vous lancer
dans des aventures.
 - Je ne veux pas qu'on m'adopte.
 - J'ai oublié que vous étiez contre l'adoption. Allons, c'était pour vous taquiner. Certains journaux sont pleins d'annonces de ce genre ! Trouvons quelque chose de mieux. Par exemple : Deux jeunes aventuriers à louer. Prêts à n'importe quoi, n'importe où. Salaire élevé. (Il faut qu'on sache à quoi s'en tenir la-dessus dès le début.) Nous pourrions aussi ajouter: « On ne répond qu'aux offres sérieuses », ça se fait quelquefois.
 - Je suis complètement sûr que toutes les offres en réponse à une annonce pareille ne seront pas sérieuses !
 - Tommy ! Vous êtes un génie. C'est beaucoup plus chic: « On ne répond pas aux offres sérieuses. »
 - Qu'en dites-vous? Attendez, je vais relire :
Deux jeunes aventuriers à louer. Prêts à n'importe quoi, n'importe où. Salaire élevé. On ne répond pas aux offres sérieuses.
Mr. Brown de Agatha Christie

Tout va très vite et les retournements de situations sont incessants. Impossible de reprendre son souffle dans cette histoire d’espions très fraîche et sympathique.

Une histoire un peu légère, certes, mais très vivante à la recherche de Jane Finn dans l’ombre d’un mystérieux Monsieur Brown

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Le Pacific coulait. Il avait eu de grandes avaries pendant la tempête, et maintenant, bien que la mer fût déjà calmée, le naufrage était imminent.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
C'est toujours après le drame qu'on s'avise qu'un personnage falot a traversé la scène sans que personne lui prête attention.

Et justement, dans le bureau de Mr Whittington, il y avait un clerc qui se faisait appeler Mr Brown. Mais voilà ! Personne n'est capable de se rappeler quoi que ce soit de Mr Brown. Pas même son visage. La description qu'on donne invariablement de Mr Brown, c'est qu'il ressemble à tout le monde.

La fabrique du suspense

Le livre du magicien, tous mes trucs révélés !

PREMIER TEMPS
Dans la fabrique
J'ai toujours vécu en Normandie. Né à Louviers, j'ai passé les dix premières années de ma vie au Manoir-sur-Seine, un village en bord de fleuve entouré de champs... et d'usines. Le bibliobus, qui passait dans la commune, a été ma première ouverture sur le monde des livres. J'y empruntais des romans de la Bibliothèque verte et des bandes dessinées qui m'ouvraient un univers différent de celui des Astérix, Tintin et Lucky Luke que tous les enfants de ma génération lisaient : Gotlib, Druillet, Philemon, Blueberry... J'y découvrais un humour et une poésie décalés, et une façon nouvelle de raconter des histoires. Je continue de penser que
La fabrique du suspense de Michel Bussi

Après une première partie plutôt autobiographique, Michel Bussi entre dans le vif du sujet : que fait il ? Principalement une sous-branche des polars, les romans à twist. Qu’est-ce, comment ça fonctionne, à quoi faut-il être attentif ? Un petit manuel riche d’exemples tirés de ses propres livres et permettant d’en comprendre les mécanismes.

Comme une chanson populaire...
Je ne dois pas ma notoriété à la critique ; les chroniqueurs littéraires, sauf exception, s'intéressent peu aux romans populaires, et s'ils évoquent un de mes livres, c'est généralement pour commenter le phénomène qu'il engendre, rarement pour en analyser le contenu. On peut voir dans cette attitude un aveu d'incompréhension : à la manière d'un anthropologue qui décrirait une peuplade aux mœurs exotiques, ils montrent à la fois de la condescendance et du respect pour une littérature qui leur est étrangère, ainsi qu'un certain étonnement devant la faveur qu'elle rencontre auprès d'un large publie. Ils sont

Pour l’anecdote, alors qu’il parle de la liberté qu’il laisse aux personnages de ses romans, il nous explique qu’en cas de dilemme entre un effet spectaculaire ou une justification cohérente, il préfère l’effet (quitte à ramer acrobatiquement par la suite pour rattraper les choses).

A ce sujet (attention spoil), il cite justement un point des Nymphéas noirs qui m’avait quelque peu chagriné. Et là, cher Michel, je ne suis pas vraiment d’accord avec vous !

*** Un bon exemple est fourni par Nymphéas noirs, qui raconte une histoire d'amour passionnelle entre Laureng Sérénac et Stéphanie. Pourtant, menacé par le mari de Stéphanie, Laureng fuit lâchement et laisse Stéphanie seule en compagnie de son psychopathe de mari. Si j'avais laissé le choix à mes personnages, ou même tout simplement privilégié leur cohérence psychologique, il est évident que Laureng ne serait jamais parti, aurait trouvé un moyen de coller Jacques-le-mari en prison et de vivre son amour avec Stéphanie... Sauf qu'alors, il n'y aurait plus eu de roman, ni de twist final (Laureng revient sous une autre identité cinquante ans plus tard). Bref, Nymphéas noirs sans le départ de Laureng n'aurait été qu'un banal roman d'amour. Le départ de Laureng n'est là que pour servir le twist qui fait l'originalité du roman : Stéphanie va vieillir seule, et nous raconter ses souvenirs mélancoliques, sans que le lecteur ne se doute qu'elle nous parle de son passé. ***

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai toujours vécu en Normandie. Né à Louviers, J'ai passe les dix premières années de ma vie au Manoir-sur-Seine, un village en bord de fleuve entouré de champs... et d'usines. Le bibliobus, qui passait dans la commune, a été ma première ouverture sur le monde des livres.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« J'ai accumulé depuis quarante ans un nombre considérable d'histoires, d'embryons de récits, de points de départ intrigants... Tout un stock d'envies que j'ai développées pour mon seul plaisir, persuadé qu'elles ne deviendraient jamais des livres publiés. À ma plus grande surprise, année après année, ces histoires rêvées, ces personnages fantasmés, ces aventures qui me hantent depuis des décennies prennent vie. Ce stock de récits dormant dans ma mémoire est loin, très loin, d'être épuisé. »

Ne pas laisser le temps à la nuit

Un livre qu’on ne peut plus poser une fois ouvert. Un voyage haletant de Hong-Kong à Bruxelles, de Tromsø à Tokyo et jusqu’en Antarctique. Un voyage qui ressemble autant à une traque qu’à une quête.

Ne pas laisser le temps à la nuit de Sonia Molinari

Un récit cinématographique à la frontière entre Lucy et Jason Bourne qui provoquera bien des nuits blanches.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Maiko se réveille dans une clinique de Bruxelles, une mystérieuse cicatrice au bas du dos et un souvenir lancinant dans sa mémoire en vrac : celui d'une adolescence heureuse à Hong Kong, brisée le jour où son père, microbiologiste de génie, a été porté disparu.

La jeune femme entreprend de se reconstruire et se jette à corps perdu sur les traces de son père. Même s'il lui faut arpenter les quatre coins du monde en hôtesse de l'air, talonnée par d'inquiétants poursuivants.

Dans ce récit d'une quête autant que d'une fuite en avant, Sonia Molinari saisit avec talent atmosphères et personnages, qu'elle observe et transcrit avec l'intuition d'une conteuse. C'est sans hésiter que l'on s'embarque à la suite de son héroïne rebelle et fragile

Personne n’a peur des gens qui sourient

Une femme qui se retrouve à faire ses valises, prendre un flingue et ses deux filles et à fuir, loin, sans laisser de traces pour se protéger, elle et ses filles.

Personne n’a peur des gens qui sourient de Véronique Ovaldé

S’en suit un roman très bien construit, fait de flash-back pour comprendre pourquoi et par qui ?

Et, petit à petit, la personnalité de la mère apparaît, son histoire, enfance, mariage, Tonton Gio, Santini… Le voile se lève

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Gloria a choisi ce jour de juin pour partir. Elle file récupérer ses filles à l'école et les embarque sans préavis pour un long voyage. Toutes trois quittent les rives de la Méditerranée en direction du Nord, la maison alsacienne dans la forêt de Kayserheim où Gloria, enfant, passait ses vacances. Pourquoi cette désertion soudaine ? Quelle menace fuit-elle ? Pour le savoir, il faudra revenir en arrière, dans les eaux troubles du passé, rencontrer Giovannangeli, qui l'a prise sous son aile à la disparition de son père, lever...

Le mobile

A la recherche d’éléments concrets pour écrire un roman, l’auteur se décide de s’inspirer de ses voisins. Mais un roman avec un meurtre… Alors, comment les motiver pour y trouver toute cette matière première.

Le mobile de Javier Cercas
Le mobile de Javier Cercas

C’est drôle et ridicule, comme une prétentieuse mise en abyme d’un auteur plein de malicieuse autodérision.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Quand il n'officie pas dans le modeste cabinet juridique qui l'emploie, Álvaro pense à Flaubert. Comme lui, il veut écrire un grand roman. Son idée - simple et efficace - consiste à produire une nouvelle variation sur le couple et ses avatars : l'amour, l'argent, le crime. Le plan est précis, la routine efficace ; il ne manque plus que la réalité lui fournisse l'essentiel : le matériau, la vérité de son histoire. C'est ainsi qu'avec une méticulosité aussi attentive que soudaine, Álvaro jette son dévolu sur ses voisins et, ne reculant devant aucun sacrifice pour approfondir son sujet, en vient à prendre d'assaut la truculente concierge. Dans une mécanique parfaite, se met en place l'intraitable jeu de la fiction et du hasard.

Sur le modèle classique du marionnettiste manipulé, Javier Cercas excelle à organiser vertige et dérapage, et à faire plier le réel de sa fiction. Le lecteur trouvera, dans cet irrésistible roman de jeunesse, la manière et les obsessions qui ont fait le succès de l'auteur ainsi qu'une bien belle définition de la vocation