Galette au miel

Tout d’abord, c’est très beau ! Les illustrations de Kat Menschick sont magnifiques avec leurs tons en violet et jaune. Une grosse réussite graphique dans la lignée des précédentes nouvelles de Murakami.

Galette au miel de Haruki Murakami, illustrations de Kat Menschik
Et l’histoire n’est pas en reste ! Une nouvelle où se mêle conte, enfance et… une histoire d’amour à trois temps.Alors certes, le format court souffre peut-être de sa superficialité et Murakami ne semble pas toujours à son aise dans les scènes plus intimes, mais voilà un petit plaisir à goûter comme son titre nous y invite

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
- Masakichi avait pris tellement de miel qu'il ne pouvait pas tout manger, aussi en a-t-il mis dans un seau pour aller le vendre à la ville au pied de la montagne. L'ours Masakichi était un célèbre cueilleur de miel.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
- Je crois que c'est parce qu'elle a trop regardé les informations. Les images du tremblement de terre de Kobe sont sans doute trop impressionnantes pour une petite fille de quatre ans. Depuis le séisme, elle se réveille toutes les nuits. Elle dit que c'est un vilain monsieur qu'elle ne connaît pas qui vient la réveiller.

Elle l'appelle le « Bonhomme Tremblement de Terre ».

Quand la femme dont il est secrètement amoureux lui révèle que sa petite fille est en proie à un cauchemar récurrent, Junpei, auteur de nouvelles, invente l'histoire d'un ours mélomane capable d'apaiser toutes les peines...

Superbement illustrée, une histoire tout en délicatesse et mélancolie en forme d'hommage pudique du maître Murakami aux victimes du séisme de Kobe, et à ceux que leurs failles intérieures font parfois vaciller.

Noces

Un tout petit livre, fort conceptuel, sur le temps qui passe…

Noces de Laurence Boissier

Et les noces ponctuent le temps comme des sous-titres d’une page à remplir

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
coton cuir froment cire bois chypre laine coquelicot


La cité aux murs incertains

Voilà une critique bien difficile à rédiger tant ce chef-d’oeuvre m’a semblé inabouti. Oui, c’est un chef-d’oeuvre, nul doute. C’est beau, prenant, envoûtant et questionnant. Je suis resté sous le charme de ce livre aux nombreux tiroirs (enfin, aux nombreuses étagères de bibliothèques).

 - Mais vous l'aimez encore et vous ne pouvez pas l'oublier ? »
J'ai de nouveau hoché la tête sans me prononcer davantage.
C'était probablement l'explication qui passait le mieux. Et l'on ne pouvait même pas dire qu'elle était inventée.
« Avez-vous quitté Tōkyō et déménagé dans les montagnes pour l'oublier ?
 - Non, ai-je répondu en riant. Je n'avais pas de motif aussi romantique. Qu'importe où l'on se trouve, dans une ville ou à la campagne, rien ne change vraiment. Je me laisse simplement emporter au gré du courant.
 - Ce devait être une femme remarquable.
 - Je n'en sais rien. Qui donc a dit un jour que l'amour était une maladie mentale que la Sécurité sociale ne couvrait pas ? » 
Mme Soeda a ri doucement et a ajusté ses lunettes. Elle a bu une gorgée de café dans son mug à l'oiseau sauvage et est retournée à son travail. Cela a marqué la fin de notre conversation.
La cité aux murs incertains de Haruki Murakami
Comme l’auteur s’en explique dans la postface, ce livre est une extension d’une nouvelle du même titre de 1980. Elle servit de matière pour La fin des temps paru en 1985 (que je m’en vais m’empresser de relire et qui – dans mes souvenirs – me semble avoir tant de points communs). Insatisfait, Murarami s’est remis au travail en 2020 et ce livre en est une reprise complète.

Mais pourtant, à la fin de cette lecture, il me semble qu’encore, de grands pans restent inexplorés, de nombreuses portes ouvertes restent béantes et les incessantes répétitions m’ont beaucoup troublé. Choix délibérés de l’auteur ou travail inachevé ?

Une histoire fantastique, d’amour impossible, de disparition et de questionnement sur la propre vie de nos inconscients

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
C'est toi qui m'as parlé de la Cité.
Ce soir d'été, respirant les effluves de l'herbe tendre, nous avons marché vers l'amont de la rivière. Nous avons traversé une succession de gradins formant de petites cascades, et nous nous sommes arrêtés de temps en temps pour observer des poissons argentés, filiformes, qui nageaient dans les nappes d'eau. Nous étions tous deux pieds nus depuis un bon moment. L'eau claire lavait et rafraîchissait nos chevilles, le sable fin de la rivière nous enveloppait les pieds, comme un nuage doux dans un rêve. J'avais dix-sept ans, toi, un an de moins.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tu dis : « La Cité est entourée de hauts murs et il est très difficile d'y pénétrer. Mais encore plus difficile d'en sortir.
- Comment pourrais-je y entrer, alors ?
- Il suffit que tu le désires. »

La jeune fille a parlé de la Cité à son amoureux. Elle lui a dit qu'il ne pourrait s'y rendre que s'il voulait connaître son vrai moi.
Et puis la jeune fille a disparu.
Alors l'amoureux est parti à sa recherche dans la Cité. Comme tous les habitants, il a perdu son ombre. Il est devenu liseur de rêves dans une bibliothèque.
Il n'a pas trouvé la jeune fille. Mais il n'a jamais cessé de la chercher...

Avec son nouveau roman si attendu, le Maître nous livre une oeuvre empreinte d'une poésie sublime, une histoire d'amour mélancolique entre deux êtres en quête d'absolu, une ode aux livres et à leurs gardiens, une parabole puissante sur l'étrangeté de notre époque.

Nymphéas noirs

Après avoir lu l’impressionnante adaptation en bande dessinée de Fred Duval et Didier Cassegrain, je me suis quand même (après quelques hésitations) lancé sur l’original signé Michel Bussi.

Stéphanie lui sourit. Ses yeux scintillent. Il a dû rêver, bien entendu. Il devient fou. Il s'emmêle les pinceaux dès sa première enquête normande. Cette femme ne dissimule rien. 
Elle est belle, tout simplement. Elle appartient à un autre.
Normal !
Il bafouille, en reculant :
— Stéphanie, vous... penserez à me préparer la liste des enfants. J'enverrai demain un agent la chercher...
Ils savent tous les deux qu'il n'enverra aucun agent, qu'il reviendra lui-même, et qu'elle l'espère aussi.
Nymphéas noirs de Michel Bussi

Hélas, la magie n’opère pas de la même façon lorsqu’on connait les trucs du prestidigitateur.

Sérénac ne dit pas un mot. Sa main se pose instinctivement dans la touffe soyeuse du chien qui se frotte à lui.
— Vous connaissez Neptune, je suppose, inspecteur ? Tout le monde connait Neptune, à Giverny. Ce chien joyeux qui court après les gosses. Qui n'adore pas Neptune ? Qui n'aimerait pas ce chien innocent ? Moi aussi je l'adore, moi le premier, il m'a accompagné cent fois à la chasse...
En un éclair, le canon du fusil se baisse, à la hauteur des genoux de l'inspecteur Sérénac, à vingt centimètres de la gueule de Neptune. Une dernière fois, le chien observe les deux adultes avec une confiance aveugle. Un bébé souriant à ses parents.
Le coup de feu déchire le silence sous les peupliers.
À bout portant.

Reste un excellent polar à la construction horlogère, chef d’œuvre de chausses-trappes et d’illusionnisme.

Et juste comme ça, cher Michel, je n’arrive toujours pas à croire qu’un flic amoureux se tire parce qu’on tue un chien

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Trois femmes vivaient dans un village.
La première était méchante, la deuxième était menteuse, la troisième était égoïste.
Leur village portait un joli nom de jardin. Giverny.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Tout n'est qu'illusion, surtout quand un jeu de miroirs multiplie les indices et brouille les pistes. Pourtant les meurtres qui troublent la quiétude de Giverny, le village cher à Claude Monet, sont bien réels.
Au cœur de l'intrigue, trois femmes : une fillette de onze ans douée pour la peinture, une institutrice redoutablement séduisante et une vieille femme aux yeux de hibou qui voit et sait tout. Et puis, bien sûr, une passion dévastatrice. Le tout sur fond de rumeur de toiles perdues ou volées, dont les fameux Nymphéas noirs. Perdues ou volées, telles les illusions quand passé et présent se confondent et que jeunesse et mort défient le temps

Nymphéas noirs

Incroyable comme je me suis laisser berner et balader par cette bande dessinée. Magnifique !

Nymphéas noirs de Fred Duval et Didier Cassegrain adapté d’un roman de Michel Bussi

Déjà, le dessin de Didier Cassegrain est très bon, adapté au sujet (un polar) et au genre (Monet à Giverny), des aquarelles superbes dans une mise en page classique, des personnages et des paysages vivants et travaillés, une réussite.

Et le boulot de Fred Duval ! Comment réussir une pareille adaptation ? Chapeau ! Cette histoire de meurtres à différentes époques avec la sensation de ne parfois pas tout comprendre et cette façon de tirailler les perceptions est absolument réussie.

Une grosse BD, un polar convainquant qui me donne envie de lire l’original. Mais maintenant que je sais, aurais-je le même plaisir ? … C’est fait et c’est ici !

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Trois femmes vivaient à Giverny, le village de Normandie où Monet a peint ses légendaires Nymphéas. La première était méchante, la deuxième était menteuse, la troisième était égoïste. Toutes les trois pensaient que le village était une prison, un grand et beau jardin grillagé, un tableau dont il serait impossible de déborder du cadre. Une fois pourtant, pendant treize jours, les grilles du parc s'ouvrirent pour elles... Ces treize journées défilèrent comme une parenthèse qui s'ouvrit par un meurtre, le premier jour, et se termina par un autre, le dernier jour...

Publié en 2011, Les Nymphéas noirs est un roman multiprimé de Michel Bussi qui a su conquérir dans un même élan lecteurs et critiques. Mais est-ce suffisant pour réaliser une bande dessinée exceptionnelle ? Oui, si l'adaptation est écrite par Fred Duval et si les couleurs de cette histoire sont confiées à Didier Cassegrain. Pour la première fois, ce virtuose de la bande dessinée d'action arme son pinceau d'acrylique, donnant toute son ambition picturale à cette intrigue située dans la capitale de l'impressionnisme. Avec Fred Duval et Didier Cassegrain, Michel Bussi trouve son incarnation graphique

Sur un nuage

Après avoir beaucoup apprécié Et mon cœur se serra coécrit avec Antoine Laurain, c’est avec impatience que j’attendais de monter sur ce nuage du Sonneur

Tout autour de nous, les lacs s'évaporent et le ciel soulève ses draps blancs. Les nuages se font et se défont, s'étirent comme des dentelles.
Tous ces nuages, est-ce qu'ils me tiendront chaud lorsque tu partiras ?
Arrêteront-ils leur course ?
Lorsque le vent tombers, tomberais-je, moi aussi, derrière l'horizon ?
Sur un nuage de Le Sonneur

Un voyage toutefois en demi-teinte dans lequel j’ai regretté les textes qui portaient les images ainsi qu’une édition plus soignée aux dessins à la plume et moins pixelisés.

Pour autant, c’est avec beaucoup de plaisir que je me suis laissé porter cet album dans lequel le Sonneur en grand horloger explore les dualités, les ombres et la lumière, la temporalité et l’évasion, le monde et l’introspection

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Je me glisse parmi les nuages, comme dans les plus lointains replis du cœur. Je parcours les vallées blanches et, sous mes pas, mes rêves s’éveillent. Les nuages sont un monde, un peuple. Ils sont nos souvenirs, nos lendemains. Et dans les hauteurs, j’embarque pour une grande traversée, je pars à ta rencontre.