Le danger de ne pas être folle

Dans ce témoignage autobiographique (et fictionnel), Rosa Montero nous raconte son magnifique malheur : son cerveau et son câblage « borderline ». Apanage des grands artistes ? (dépressifs, paranoïaques, suicidaires, toxicodépendants, alcooliques, maniaco-dépressifs…)

Dans mes meilleurs moments, dans les sentiments océaniques, quand le satori explose dans ma tête comme une supernova, je suis capable d'échapper à la prison aveugle et douloureuse de mon individualité et de percevoir cette haleine plurielle, la cadence première, la musique des sphères, la palpitation du monde. Je suis un petit poisson dans un banc immense, je suis une carpe dorée et je sais danser la plus grandiose des danses, qui est en même temps la plus minuscule. Il faut insister là-dessus, sur cette habileté dansante; il faut apprendre à bouger de plus en plus vite, comme les derviches, pour pouvoir s'unir au Tout qui vibre et qui respire. Écoute bien ce que je te dis et garde espoir : il se peut qu'en réa- lité le voyage final soit aussi simple que ça, aussi facile; il suffirait de réussir à accorder la mort au rythme collectif. Je veux mourir en dansant, tout comme j'écris.
Le danger de ne pas être folle de Rosa Montero

Quelle érudition, quelle somme, quelle construction ! Tout est brillant ici. Sombre, certes, mais lumineux.
C’est clair, ce livre ne se lit pas facilement et nécessite une lecture attentive. Mais quels portraits et quel autoportrait !

La vie de Rosa Montero, pimentée d’un peu de Barbara

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
J'ai toujours su que quelque chose ne fonctionnait pas bien dans ma tête. A six ou sept ans, tous les soirs avant de m'endormir, je demandais à ma mère de cacher un bibelot que nous avions à la maison, un horrible petit chaudron en cuivre, le genre d'objet typique des boutiques de souvenirs bon marché ou peut-être même le cadeau d'un restaurant.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« J'ai toujours su que quelque chose ne fonctionnait pas bien dans ma tête », nous avoue Rosa Montero, et elle poursuit plus loin : « L'une des choses bien que j'ai découvertes avec les années, c'est qu'être bizarre n'est pas du tout bizarre. »

Vulgarisation scientifique, essai, fiction ? Non, plutôt une conversation avec le lecteur avec lequel elle crée une proximité étonnante. Elle nous prend à témoin avec humour et subtilité, nous parle du lien entre la folie et la créativité de l'écrivain ou de l'artiste en passant par les addictions, les maladies, les singularités les plus fréquentes chez les créateurs. Elle tisse des liens avec ses souvenirs, ses expériences et les dernières découvertes des neurosciences pour défendre l'importance d'être différent car « ce qui est véritablement bizarre, c'est d'être normal ».

Dans ce livre passionnant, intelligent et touchant, Rosa Montero nous révèle à quel point notre cerveau est une source d'émerveillement infini et comment, à partir du processus créatif et de la puissance de l'art, on peut explorer le sens ultime de la vie.

Pietr-le-Letton

Pietr-le-Letton est intéressant à un titre essentiellement, c’est le premier Maigret paru, écrit par Simenon en septembre 1929 à Delfzijl (Pays-Bas), pendant qu’on recalfatait son bateau, l’Ostrogoth. Port que le commissaire visitera dans Un crime en Hollande.

Du moment qu'il y avait un poêle dans le laboratoire, Maigret devait forcément y échouer. Il resta campé là pendant près d'une heure, à fumer des pipes, tandis que Torrence suivait le photographe dans ses allées et venues.
Pietr-le-Letton de Georges Simenon

Une aventure qui sert à présenter les personnages, le commissaire, son épouse, le Quai des Orfèvres et ses sandwichs, ou le poêle que (le pas encore prénommé) Jules prend du plaisir à tisonner.

Chaque race a son odeur, que détestent les autres races. Le commissaire Maigret avait ouvert la fenêtre, fumait sans répit, mais de sourds relents continuaient à l'incommoder.
Était-ce l'hôtel du Roi-de-Sicile qui en était imprégné ? Ou la rue ? On recevait déjà des bouffées de cette odeur-là quand le gérant à calotte noire entrouvrait son guichet. Elle s'épaississait à mesure que l'on montait dans la cage d'escalier.
Dans la chambre d'Anna Gorskine, elle était compacte. Il est vrai qu'il traînait de la mangeaille partout. Les saucissons, d'un vilain rose, étaient mous, criblés d'ail. Il y avait sur un plat des poissons frits nageant dans une sauce aigre.
Des bouts de cigarettes russes. Du thé au fond d'une demi-douzaine de tasses.
Et des draps de lit, du linge, qui semblaient être encore moites, des acidités de chambre à coucher jamais aérée.

A noter qu’il s’agit d’un livre des années 30, et que les notions de races sont encore présentes et les stéréotypes bien gênants

Maigret 1/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
« Âge apparent 32, taille 169 »
C.I.P.C. à Sûreté Paris.
Xvzust Cracovie dimontra m ghks triv psot uv Pietr-le-Letton Brême vs tyz btolem.

Le commissaire Maigret, de la 1re Brigade mobile, leva la tête, eut l'impression que le ronflement du poêle de fonte planté au milieu de son bureau et relié au plafond par un gros tuyau noir faiblissait. Il repoussa le télégramme, se leva pesamment, régla la clef et jeta trois pelletées de charbon dans le foyer.
Après quoi, debout, le dos au feu, il bourra une pipe, tirailla son faux col, qui, quoique très bas, le gênait.


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Jumeaux et escroquerie... La police internationale signale l'arrivée à Paris du célèbre escroc Pietr-le-Letton. Maigret le file dès sa descente du rapide L'Etoile-du-Nord. Mais alors que le suspect se rend à l'hôtel Majestic, on découvre dans le train un cadavre qui est son sosie. Tandis que Pietr prend de mystérieux contacts avec un milliardaire américain, M. Mortimer-Levingston, l'enquête sur le meurtre conduit Maigret à Fécamp, où il l'aperçoit, sortant de la villa d'une certaine Mme Swaan...

Signé Picpus

Ici, Maigret se retrouve plongé dans un mystère digne de la chambre jaune. Enfin, pas tout à fait, mais pourtant, rien n’est clair et le commissaire va devoir largement ouvrir son champ de vision.

Demain, à cinq heures de relevée, je tuerai la voyante. Signé: Picpus.
Signé Picpus de Georges Simenon

Une enquête parisienne du commissaire au style caractéristique qui sera par la suite repris par Colombo (de plus en plus, il semble presque impossible que les scénaristes de son pendant américain n’aient pas lu d’enquêtes du commissaire Maigret)

Maigret, par tradition, avait commencé par la « chansonnette », l'interrogatoire bon enfant, cordial, avec l'air de n'attacher aucune importance aux questions posées, avec même l'air de s'excuser d'une simple formalité.
L'autre jour, j'ai oublié d'éclaircir un point... Lorsqu'on a frappé d'une certaine manière à la porte de Mlle Jeanne, vous nous avez dit, n'est-ce pas, que celle-ci était occupée à vous tirer les cartes ?...
Le Cloaguen écoutait sans répondre, sans avoir l'air de comprendre.

Maigret 43/103

Incipit (et peut-être un petit peu plus si entente)
Picpus a-t-il menti ?
Cinq heures moins trois. Une pastille blanche s'éclaire dans l'immense plan de Paris qui couvre tout un pan de mur. Un employé dépose son sandwich, enfonce une fiche dans un des mille trous d'un standard téléphonique.
- Allô ! XIVe?... Votre car vient de sortir?...


4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
« Demain, à cinq heures de relevée, je tuerai la voyante. Signé : Picpus. »
Qui est ce Picpus ? Quelle voyante ? Pourquoi ce crime invraisemblable et sans mobile annoncé ?
Maigret, qui a fait établir une surveillance très large au risque d'être ridicule, en arrive, pour la première fois de sa carrière, à souhaiter que le meurtre ait bien lieu. Ce qui arrive en effet. Une Mlle Jeanne est poignardée chez elle dans son boudoir. Dans la cuisine mitoyenne est enfermé à clef un vieil homme en pardessus, calmement assis sur une chaise. Il attend. Il semble n'avoir rien vu et pleure doucement à la nouvelle du drame.
« Jamais devant un homme Maigret n'a eu une telle impression de mystère », écrit Simenon.

J’ai d’abord tué le chien

Presque un polar et pas tout à fait quand même. OK, il y a des morts, mais ils ne semblent presque pas les plus importants… Il y en a déjà eu tant…

J’ai d’abord tué le chien de Philippe Laidebeur

Un polar atypique bien construit, un très bon premier roman… malgré une fin un peu brouillonne.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Peut-on entrer dans la peau d'un inconnu sans prendre le risque de voir un passé sulfureux rattraper insidieusement un présent très ordinaire ?

Le héros de cette histoire est "SDF", "clochard", "clodo", comme on dit. Ancien informaticien, il connaît une rapide descente aux enfers après que sa femme, Carina, le quitte pour un autre. Dix ans déjà qu'il vit dans les rues de Paris, avec ce qui lui reste du RSA, une fois la pension alimentaire payée, et en faisant la manche. Vagabond solitaire, il va d'abris de fortune en taudis insalubres, évitant les pièges que lui tend la jungle urbaine.
Mais un jour, pour une banale histoire de planches volées, il égorge un autre SDF et son chien. C'est le premier meurtre d'une longue série.
Tuer pour ne pas être tué, tel devient son credo. Son mode de survie.
Il décide de s'installer en bord de Seine, un coin tranquille, en contrebas d'une villa cossue. Il fait la connaissance du propriétaire, un homme bourru à la discrétion maladive, qui lui refile ses vieux vêtements et un peu de travail de temps en temps.
À la suite d'une altercation avec deux autres SDF venus lui piquer sa planque, le narrateur les tue. Le propriétaire, qui ne veut pas d'histoires, surtout avec la police, s'en aperçoit. Le narrateur panique et l'égorge à son tour.
Il se rend alors compte que cet homme lui ressemble étrangement, à tel point que le SDF décide de prendre sa place : sa maison, ses habitudes, sa vie... Mais qui est vraiment ce nouveau lui ? Comment prendre l'identité d'un inconnu sans risquer de voir le passé rattraper le présent ? Sans que la raison s'éloigne chaque jour un peu plus de soi-même ? Sans sombrer dans la folie ?

Je est-il vraiment un autre ?

Vous connaissez peut-être

Rigolo ce roman de Sfar fait d’histoire vraie et vécue. Un truc un peu honteux de s’être fait arnaquer sur l’Internet par une femme monstrueusement belle. Tout ça alors qu’il ne se remet péniblement pas d’une rupture.

^Vous connaissez peut-être de Joann Sfar
Vous connaissez peut-être de Joann Sfar

Et que lui-même ne se trouve pas forcément beau…

Et c’est aussi l’histoire d’un chien qui veut manger des chats, c’est chou et c’est drôle et c’est triste.

C’est comme toutes ses histoires, c’est brouillon, vite fait, foutraque, confus et merveilleux. C’est la vie qui va dans tous les sens.

4e de couv, résumé de l'éditeur ou trouvé ailleurs (pas de moi, donc)
Six mois de la vie du narrateur, au cours desquels il rencontre une fille sur Facebook et prend un chien, en essayant de lui apprendre à ne pas tuer ses chats